Si de son propre aveu, il connaît peu l’île de Beauté, le compositeur et chanteur Bénabar, Bruno Nicolini de son vrai nom, a ses racines paternelles en Corse, du côté de Pero-Casevecchie. L’artiste, qui a grandi en région parisienne, a ainsi été bercé d’images d’une Corse souvent évoquée en famille et parfois fantasmée, qu’il envisage bien de venir un jour découvrir « pour de vrai ». Pour l’heure, c’est depuis le village de Gordes, où le chanteur pose régulièrement ses valises pour se ressourcer, qu’au détour du restaurant corse où il a l’habitude de s’attabler, il renoue avec le territoire. Un lieu qu’il met à l’honneur dans le titre « Chez les Corses » en duo avec Renaud, tiré de son dernier album « On lâche pas l’affaire » qui vient tout juste de sortir.
Par Karine Casalta
C’est en effet dans le Val-de-Marne, au milieu d’une fratrie de trois garçons, que l’artiste a grandi, entre une mère libraire, d’origine italienne, et un père régisseur pour le cinéma. Gamin espiègle, il commence la musique vers l’âge de 7 ans, en apprenant à jouer de la trompette, qu’il pratique encore aujourd’hui. Mais plus que par la musique, c’est d’abord par l’écriture qu’à l’adolescence, l’artiste qui sommeille en lui, va commencer à s’exprimer.
Un goût pour l’écriture qui se révèle à l’occasion d’un séjour linguistique aux fins fonds des USA, durant lequel il est amené à écrire une pièce. « J’avais 18 ans, je ne savais pas trop ce que j’allais faire de ma vie, et je me suis retrouvé devant une page blanche à inventer une histoire. C’est là que j’ai commencé à me passionner pour ce côté ludique de l’écriture, inventer un personnage et ce qui allait lui arriver… »
Du cinéma à la chanson
Une passion qui ne va plus le quitter et qui va bientôt se prolonger de façon professionnelle. Incité par son père, il s’essaie en effet à écrire pour le cinéma. En 1993, son court métrage José Jeannette obtient les honneurs de la télévision française. Qualifié par beaucoup, à l’instar de Frédéric Dard, de chef-d’œuvre, le film est notamment récompensé par le prix Georges de Beauregard et le Prix Spécial du Jury au festival de Montréal. L’auteur montre de fait un véritable don pour l’écriture scénaristique. Engagé dans cette voie, il commence tout d’abord à officier en tant que technicien régie pour le cinéma sous le nom de Bruno Nicolini, avant de devenir, de fil en aiguille, scénariste pour la télévision, auteur notamment pour la série « H » ou la sitcom « La Famille Guérin » diffusée sur Canal+. « Une école très efficace qui me sert encore aujourd’hui », dit-il.
Mais la musique et la scène vont bientôt le rattraper. Sollicité par un ami musicien qui lui demande de lui écrire des textes, il va peu à peu commencer à bricoler des musiques pour les accompagner, avant de se retrouver tout naturellement à monter avec lui sur scène. Les deux amis se produisent alors dans des bistros et des petites salles, dans un duo de chanteurs un peu « clownesque » qui a pour nom « Patchol et Barnabé ». « Il y a véritablement eu le déclic de la scène à ce moment-là. Je me suis rendu compte qu’il se passait quelque chose avec le public, que ce n’était pas absurde que je monte sur scène et que c’était vraiment ce que je voulais faire ! » Souvent appelé « Bénabar » par Patchol qui a pour habitude de parler verlan, Bruno va conserver ce patronyme pour entreprendre bientôt une carrière en solo.
Des récits mis en musique
Influencé par l’univers musical de Kent, Miossec ou encore Thomas Fersen, qu’il a beaucoup écouté, il s’inscrit dès lors dans l’esprit d’une chanson française à texte, réaliste, grand public et populaire, dans la veine de Michel Delpech, Renaud ou Higelin… « C’est ce que j’aime entendre et ce que j’essaie de faire, raconter des histoires, et trouver de la poésie dans des choses qui ne sont à priori pas poétiques. » Construites comme autant de mini scénarios, ses chansons aux textes ciselés sont en effet de véritables récits qui racontent des situations, des portraits ou de petites choses de la vie qui l’interpellent et parlent à tous.
Ainsi, après un premier album « La petite monnaie » en 1997 qui rencontre une audience limitée, son deuxième album « Bénabar » sorti en 2001 lui vaut de se faire remarquer et de faire la première partie d’Henri Salvador. « Henri a donné véritable coup de pouce au lancement de ma carrière ; il a permis un coup de projecteur sur ce que je faisais. J’ai appris beaucoup à son contact. » À partir de là, albums et tournées vont s’enchaîner, tout comme les titres à succès, qui lui font gagner le cœur d’un public fidèle. « Les Risques du Métier » (2003), « Reprise des négociations » (2005), « Infréquentable (2008) », confirment alors son talent d’auteur, compositeur et interprète.
La consécration
Triple disque de platine en 2006, disque de diamant en 2007, ses nominations et récompenses aux Victoires de la musique en 2003, 2004 et 2007 viendront encore saluer son talent. Mais c’est bien sur scène, en tournée, au contact avec le public que le chanteur tire sa plus grande satisfaction. « L’endroit que je préfère, c’est la scène, en prise directe avec le public, l’essence même de ce métier. » Véritable show man, il prend en effet un réel plaisir dans cette proximité, blaguant volontiers entre deux chansons, faisant profiter le public de son humour décapant tout autant que de son sens de l’autodérision.
Sa carrière de chanteur se poursuit par la suite avec la sortie de plusieurs albums : « Les bénéfices du doute » (2011), « Inspiré de faits réels » (2014) et « Le début de la suite » (2018).
Dans la continuité de son parcours artistique, il raconte toujours des histoires très ancrées dans la réalité, des chroniques de vie finement observées, souvent en rapport avec son propre parcours de vie, laissant deviner des expériences très personnelles. Il reste aussi toujours autant attiré par le cinéma, que ce soit en tant que scénariste ou acteur. On le retrouve ainsi dans différentes fictions, telles que Incognito d’Éric Lavaine (2009), Beaux-parents d’Héctor Cabello Reyes (2019), ou Victor&Célia de Pierre Jolivet (2019) entre autres, et s’essaie également au théâtre en 2011 dans la pièce Quelqu’un comme vous, de Fabrice Roger-Lacan.
Frustré de scène ces derniers mois en raison de la crise sanitaire, l’artiste à l’inspiration bouillonnante a mis cette période à profit pour beaucoup travailler et écrire. Plus productif que jamais, il est revenu avec deux albums « Indocile heureux » sorti en début d’année, et « On lâche pas l’affaire » dans les bacs depuis fin novembre, avec l’envie urgente de les partager sur scène avec son public. Et pourquoi pas de venir à l’occasion les présenter en Corse ?
En attendant, c’est en pèlerinage en famille que le chanteur envisage de revenir un jour sur les traces de ses aïeux, pour prendre le temps de découvrir l’île avec deux enfants curieux de leurs origines insulaires.
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