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Carrière San Pedrone : Histoire de pierres – Paroles de Corse

Carrière San Pedrone : Histoire de pierres

En Castagniccia, dans la région d’Orezza, Virginie Albertini nous ouvre les portes de son entreprise familiale. À 46 ans, cette dirigeante corse évoque son activité comme une véritable passion pour le patrimoine local et le travail artisanal de la pierre dans lequel il s’inscrit. La carrière San Pedrone est la dernière carrière de lauze corse en activité. La lauze, « a teghja », dont l’extraction relève d’un procédé particulièrement délicat, est inscrit à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel.

Par la mise en synergie des savoir-faire, des projets et des hommes à l’ouvrage au sein de l’entreprise qu’elle dirige, Virginie Albertini nous inspire aussi par sa force d’engagement et sa persévérance.

À travers cette rencontre, c’est le portrait d’une femme dynamique et soucieuse de perpétuer l’expression de la lauze dans le paysage bâti de la Corse qui apparaît en filigrane.


Par Laura Benedetti

Comment s’est dessiné votre parcours jusqu’à la Direction de la carrière ?
Bien que j’aie été immergée dans ce milieu depuis l’enfance, j’ai choisi de suivre des études en école de commerce. À la fin de mes études, je ne pensais pas travailler dans le secteur de la construction. J’ai commencé ma vie professionnelle dans la publicité, un domaine jeune et dynamique, qui me semblait plus branché à l’époque.
Cependant, après deux ans passés dans la publicité, j’ai ressenti le besoin de revenir à quelque chose de plus concret, et je souhaitais retrouver un lien plus tangible avec mon travail. Cette prise de conscience m’a ramenée vers mes racines et vers le secteur de la construction, où je me sens pleinement épanouie depuis 2003.

En 1999, mon père a décidé de racheter cette petite carrière de pierres et de lauzes faisant partie du patrimoine de notre région d’Orezza. Pour lui, c’était un rêve et l’aboutissement de son projet : pouvoir travailler et créer une activité économique dans une région alors économiquement sinistrée. Le pari était risqué et loin d’être de tout repos. Cet été-là, alors que je venais de terminer ma première année d’études post-bac, je l’ai aidé à mettre en place cette petite entreprise artisanale. Avec des moyens matériels assez restreints, nous avons dû obtenir les autorisations préfectorales nécessaires pour exploiter la carrière. La tâche n’était pas aisée, surtout que je n’avais aucune connaissance en la matière, ni en réglementation ni en technique. Mon frère, qui a trois ans de moins que moi, a pris la lourde tâche de s’occuper de la production. Aujourd’hui, il est mon associé et le directeur technique de la carrière. Après trois mois d’été passés à installer cette nouvelle activité, les fondations étaient posées, et je suis retournée à l’école avec un sentiment d’accomplissement et un regard neuf sur mes études.

Quelles sont les qualités nécessaires, qui plus est d’une femme, pour diriger une entreprise comme la vôtre ?

Ce n’est pas vraiment facile pour moi de parler de mes qualités, je parlerais donc de ce qui est nécessaire à toute personne qui veut s’impliquer corps et âme dans une entreprise artisanale, dans un premier temps beaucoup de patience et de persévérance et un moral à toute épreuve, l’amour d’une région et de ses paysages, le respect de notre patrimoine culturel et de son bâti historique. Avoir également le sens du contact humain car c’est avant tout une histoire d’humains.

Comment se compose-t-elle ? 

La carrière s’étend sur 7 hectares, composée de deux sites d’extraction différents, des pistes, des zones de stockage des matériaux finis, une zone bureau et ateliers, une zone de concassage et une zone de stockage des stériles : produits ne pouvant pas être utilisés dans la construction mais qui serviront pour la réhabilitation finale du site. Actuellement nous sommes 10 à travailler dans cette petite carrière artisanale, Christophe qui gère la partie production, 8 tailleurs de pierres, Stéphanie Rossi ma collaboratrice qui m’apporte son aide précieuse dans la gestion commerciale et administrative.

Comment s’oriente votre supervision au quotidien ?

Garder un contact permanent avec mes partenaires : les employés : tailleurs de pierres ; les clients : artisans, couvreurs, particuliers, architectes, mairies ; les fournisseurs, les sous-traitants : transporteurs…

Chercher de nouveaux marchés et envisager de nouveaux produits.

Quels sont les divers enjeux pour une entreprise comme celle-ci, en Corse, et implantée dans le rural ?

Dans le rural tout est moins facile qu’ailleurs, il y a d’abord la distance géographique qui crée du coup une distance économique. Nous sommes implantés dans un milieu de moyenne montagne entre 700 et 800 m d’altitude les contraintes sont donc nombreuses et variées. Il est nécessaire d’avoir les meilleurs outils de production ; ce sont des investissements très lourds financièrement avec des coûts d’entretien très élevés. Les ouvriers doivent acquérir une technique de taille de la pierre bien spécifique.

L’enjeu majeur est le respect de l’environnement, une autorisation d’exploiter une carrière s’intitule d’ailleurs : ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement). Les contraintes sont importantes à ce sujet et il faut les prendre en compte.

Quelles sont les grandes lignes historiques de la carrière San Pedrone ?

Aux xviiie et xixe siècles, périodes durant lesquelles de nombreux villages corses ont été construits ou rénovés, les carrières de pierres dans les villages jouaient un rôle crucial dans la vie quotidienne et l’économie locale. L’extraction de la pierre était une activité importante, car elle fournissait les matériaux nécessaires à la construction des maisons, des églises et des infrastructures locales. Les pierres extraites, telles que le granit, le schiste et les lauzes, étaient utilisées pour bâtir des structures robustes et durables, adaptées au climat et au terrain de l’île. Pie-d’Orezza avait également sa carrière, mais elle n’était pas à la place qu’elle occupe actuellement.

L’histoire de cette carrière est liée à l’histoire d’un homme Pierre Nicoli, originaire de Pedipartinu, qui en 1978, a créé une piste pour accéder à cette carrière dont il a découvert le filon de lauzes, épaulé par son père Fanfan Nicoli, il travaillera dur pour extraire les matériaux jusqu’en 1993, année de son décès. À cette date Jean-Paul et Serena Monti, qui est la fille de Pierre, reprennent l’exploitation jusqu’en 1999 date à laquelle mon père Christian Albertini décide de racheter la carrière. Il est déjà entrepreneur dans le BTP et un acteur économique majeur de cette région d’Orezza dont il est originaire et très attaché. C’est en 2003 que mon frère Christophe Albertini et moi-même reprenons l’exploitation pour en faire ce qu’elle est aujourd’hui.

Quelles ont été ses grandes évolutions jusqu’à aujourd’hui ?

L’évolution majeure a été de passer d’une activité purement artisanale avec des moyens matériels très limités à une entreprise semi-industrielle avec des outils de productions modernes. Évolution également au niveau de la clientèle : à nos débuts nos clients étaient des artisans et entreprises du BTP qui effectuaient uniquement des travaux routiers ; aujourd’hui, nos pierres sont utilisées pour la construction de villas très haut de gamme, voire de luxe pour certaines.

Quelles sont ses spécificités ? 

Elle se distingue par plusieurs caractéristiques uniques. Située dans la charmante région de la Castagniccia, elle est reconnue pour la qualité remarquable de ses pierres. Les lauzes extraites ici sont très appréciées pour leur durabilité et leur beauté, ce qui en fait un choix privilégié pour la construction et la rénovation de bâtiments historiques. Implantée dans la région d’Orezza, riche en héritage culturel et naturel, cette carrière possède un caractère authentique et traditionnel. L’extraction des lauzes est souvent réalisée en harmonie avec l’environnement, en utilisant des méthodes qui préservent le paysage naturel.

Que génère et représente la carrière d’un point de vue économique et à l’échelle territoriale ?

En Corse, ces carrières ont toujours eu une importance historique et culturelle, car elles ont contribué à façonner le paysage architectural de l’île, avec des toits en lauzes caractéristiques des maisons traditionnelles corses. Notre carrière qui est la dernière en activité joue un rôle crucial dans l’économie locale en créant des emplois et en soutenant les artisans et constructeurs qui utilisent ces pierres pour divers projets de restauration et de construction. Elle contribue également à la sauvegarde des savoir-faire traditionnels liés à l’exploitation et à l’utilisation de la pierre. En résumé, la carrière de lauzes de Pie-d’Orezza n’est pas seulement une source de matériaux de haute qualité, mais aussi un symbole de l’engagement envers la préservation du patrimoine et des traditions locales.

À quels services majeurs répond la carrière ?

La carrière produit des matériaux nobles qui servent à la construction de bâtiments neufs mais surtout à la rénovation du bâti ancien et historique qui fait partie de notre patrimoine. Nous avons en effet fourni depuis de nombreuses années, les matières premières ayant servi à la restauration de monuments historiques, églises, couvents, bâtiments classés… On ne peut pas parler du « bâti corse » sans évoquer la lauze corse qui fait partie du patrimoine culturel, architectural de la Corse. Les lauzes sont utilisées en toiture, en revêtements de sols intérieurs et extérieurs, en appuis de fenêtre, en margelles de piscines ; les pierres sont utilisées pour construire des murs, des maisons, réaliser des « Ricciate » pierres posées au sol sur la tranche, une sorte de calade. Nous produisons également des agrégats, ce qui nous permet de recycler une majeure partie des chutes des tailles de pierres et de lauzes.

Avez-vous d’autres enjeux/perspectives à évoquer pour les années à venir ? 

Je suis heureuse et fière d’avoir pu pérenniser cette activité malgré les nombreuses difficultés rencontrées pendant toutes ces années. Aujourd’hui, la conjoncture économique n’est pas très encourageante, cependant je reste positive sur l’avenir de cette filière, la pierre est un matériau de construction noble assez prisé.

En 2024, une seconde carrière a vu le jour à Carchetu, à 4 km. De ce site, est extraite la fameuse et prestigieuse pierre verte appelée Verde d’Orezza, connue depuis le ixe siècle par les Italiens qui l’ont utilisée dans plusieurs monuments notamment le plus connu la Chapelle des Princes des Médicis à Florence. Il aura fallu 5 ans d’étude et d’attente afin de pouvoir extraire de nouveau cette magnifique pierre semi-précieuse verte destinée à être transformée en plaque et utilisée dans la marbrerie.

De votre expérience, quelle est la place de la femme dirigeante en Corse dans un domaine comme le vôtre ?

Je reconnais que mon domaine d’activité est largement masculin, bien que le secteur du BTP commence à s’ouvrir et que de nombreuses femmes y travaillent désormais. En tant que femme, et qui plus est très jeune à l’époque en 2003 (âgée de 25 ans), j’ai dû prouver ma légitimité et mes compétences plus qu’un homme n’aurait eu à le faire à ma place. Cependant, grâce à ma nature sociable, j’ai réussi à développer un réseau professionnel comprenant des clients, des prescripteurs et des sous-traitants, ce qui m’a été très bénéfique.

De manière culturelle et/ou symbolique, la pierre et la lauze en particulier, qu’est-ce que cela représente pour vous ? 

La Corse entretient un lien profond avec la pierre, à la fois comme élément naturel et comme symbole de son identité et de ses traditions. Les habitations traditionnelles corses sont souvent construites en pierre locale, ce qui leur confère une robustesse et une intégration parfaite dans le paysage. L’image de la pierre évoque également la force et la résilience du peuple corse, l’attachement aux traditions et à la terre.

Quel art de vivre ?

L’attachement de la Corse à la pierre ne se limite pas à son paysage ou à son architecture ; il s’agit véritablement d’un art de vivre, enraciné dans la culture et l’identité insulaire.

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