Les petits chanteurs de A Scola di Cantu ont entre 6 et 12 ans. Ils ont coutume de donner le ton lors de foires, marchés de Noël et autres événements. Ils seront d’ici quelques jours au Pays basque. Échange de bons procédés artistiques.
Par Véronique Emmanuelli
Tous en chœur ! D’ici quelques jours, entre le 20 et 26 octobre, les petits chanteurs de l’école de chant de l’association Juventus Cerviuninca présidée par Emmanuel Vasta seront sur le devant de la scène à Urrugne, une petite ville de 10 000 habitants, à proximité de Saint-Jean-de-Luz. Ils enchanteront le public basque avec des titres tels que O Generale, Catena, O Cari et bien sur Cervione. Lors de chaque concert on donne, à tue-tête et en rythme, de la visibilité au village tantu amatu, « u piu bellu » ou « vogliu sottu u to cielu vera i ghjorni passa ». Ainsi s’affirme en même temps qu’elle se chante une identité. Il est aussi question de sensibilité et d’émotions ancestrales. Le refrain est aussi transmission. C’est un fait, les chanteurs dont l’âge varie de 6 à 12 ans sont portés par la mémoire de ceux qui les ont précédés. Le ton est donné par Nathalie Simonetti Vasta, enseignante de chant au sein de l’école associative, mais aussi chanteuse et animatrice, en particulier de l’émission, Anniversarii, au sein de la radio Voce Nustrale de l’Adecec (Association pour le Développement des Études archéologiques, Historiques, linguistiques et Naturalistes du Centre-Est de la Corse. « La chanson de notre village, Cervione, a été écrite par mon grand-père, le poète Jean Simonetti puis chantée par Antoine Ciosi dans son album le prisonnier. Elle figure, bien entendu, dans l’album que j’ai fait en hommage à mon grand-père. Nous l’interprétons lors de chaque concert. »
Askatasunera chant d’union
À chaque prestation à Urrugne et dans les localités voisines, rayonneront aussi les voix du chœur basque Tximi Txama encadré par Véronique Charriez ainsi que celles de la formation féminine, Bots Axola. Parce que l’heure est aux retrouvailles émues et joyeuses. Les choristes ne s’étaient pas revus depuis six mois. « En avril dernier, ce sont les Basques qui sont venus à Cervione », rappelle Nathalie Simonetti. Le groupe compte trente cinq jeunes chanteurs, les chefs de chœur et autres accompagnants. Tous ont répondu à l’invitation de Ghjuventu Cerviuninca et sont logés au camping de Prunete. Le séjour sera ponctué de visites à travers la microrégion, de représentations. En somme, la découverte en chantant, de la Costa Verde, de ses traditions, de sa culture et de ses sites emblématiques. Le programme établi par Ghjuventu Cerviuninca est dense. Il inclut une série de concerts d’une heure et demie en moyenne. Le premier a eu lieu à Cervione. Les suivants se dérouleront à Sant’Andria di u Cotone, Valle di Campuloru et Santa Maria Poghju. À chaque fois, les chants basques et corses s’élèvent dans l’église qui met les timbres et les voix en majesté. Invariablement, le public est surpris et ravi à la fois.
Dans l’agenda figure aussi une émission en direct sur le plateau de Voce Nustrale, puis grande Merendella. On se retrouve tous ensemble autour de spécialités corses et basques du côté de A Scupiccia. Au fil des journées, des amitiés fortes se tissent. Elles surgissent à pleine voix et en musique. « Les enfants ont appris la chanson corso basque Askatasunera. Nous l’avons chantée à la fin de chaque concert commun, eux en basque et nous en corse », se souvient Nathalie. L’expérience est une réussite en tous points. Un système d’échanges culturels, artistiques, peut se mettre en place.
Jumelage des écoles
C’est pourquoi, désormais, le moment est venu pour les Corses de sauter le pas et de s’en aller au Pays basque. Le format du séjour est identique pour le groupe des cerviuninci, soit seize enfants accompagnés par leurs parents et par les membres de l’association. « Nous prenons l’avion à Bastia pour Toulouse. Le reste du trajet s’effectuera par la route. Durant cette semaine, trois concerts sont prévus, ainsi qu’une série de visites. Nos hôtes nous ont fait part de leur volonté de jouer pour nous une pièce qu’ils ont adaptée, “Le Petit Prince”. Une séquence sera, en outre, consacrée aux danses basques. »
Mais, en attendant – avec impatience — d’embarquer à Poretta, il y a encore un budget à boucler. Et, de ce point de vue, chacun apporte sa contribution. Le projet basque, c’est une certitude, engendre la générosité et la solidarité en Costa Verde. « Marc-Antoine Nicolai, le maire de Cervione, nous a octroyé une aide. Les communes voisines, Sant’Andria di u Cotone, Valle di Campuloru et Santa Maria Poghju nous ont également apporté leur soutien. Nous recevons des dons de la part de commerçants, de chefs d’entreprise mais également de particuliers. J’ai une pensée pour Marie Boschetti qui nous apporte une aide très précieuse à cet égard », se réjouit Nathalie.
La méthode fait appel au financement participatif et à une cagnotte Leetchi, « scola di cantu ghjuventù Cerviuninca ». Pour rassembler les sommes nécessaires au séjour, les chanteurs et leurs enseignants misent aussi sur la tombola et ses nombreux lots à gagner, sur le petit commerce itinérant. La démarche, cette fois, consiste à dresser un stand, quelques heures durant à Alistru, Moriani ou Prunete, puis à y disposer des magnets, briquets et autres posters de Cervione, La vente s’effectue toujours en chanson pour le plus grand plaisir de la clientèle. Tous les leviers ou presque sont actionnés. Les acteurs associatifs multiplient les initiatives et les efforts. Ils en sont persuadés, les voyages forment la jeunesse cerviuninca, en stimulant sa curiosité, en favorisant l’esprit d’ouverture. « Il est important de poursuivre cet échange pour nos enfants. C’est une manière de promouvoir la rencontre, la découverte d’une autre culture qui, en l’occurrence, est en affinité avec la nôtre sur certains points. Par exemple, le titre Catena fait aussi bien partie du répertoire corse que basque. »
Le processus à l’œuvre fait, en plus, la part belle à l’amitié, sur fond de réciprocité. « Car, en allant à Urrugne, nous véhiculons une certaine image de Cervione. En somme, nous faisons vivre notre village et c’est fabuleux. » D’autant que la commune s’est d’ores et déjà taillée une petite notoriété dans les Pyrénées-Atlantiques, par l’entremise de Santa Maria Poghju. « On y joue à la pelote basque. De tous temps, des Basques y sont venus en vacances. Une relation s’est tissée avec le temps entre les deux territoires », rappelle Nathalie Simonetti. Ghjuventu Cerviunica a d’ailleurs tiré profit de ce contexte. « Nous réfléchissions à un jumelage hors de Corse pour notre école de chant déjà depuis un petit moment. Et, tout naturellement, nous avons concentré notre attention sur le Pays basque », poursuit-elle.(…)
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