Professeur de médecine, pédiatre et immunologiste, précurseur dans le traitement des « bébés-bulle », Claude Griscelli est mondialement reconnu pour ses recherches dans le domaine des déficits immunitaires héréditaires. Ancien directeur général de l’Inserm, il a aussi largement œuvré au développement de la collaboration scientifique entre chercheurs et médecins. À 83 ans, il est encore aujourd’hui toujours animé par le même désir de faire avancer la science au bénéfice des malades.
Par Karine Casalta
Car pour ce médecin-chercheur, « les liens entre la maladie et la recherche sont essentiels ! ». Ils permettent par la compréhension des maladies de progresser dans le domaine du diagnostic et surtout de la thérapeutique. « Un bon médecin n’est pas obligé de faire de la recherche ni d’être professeur de médecine, mais quand on est professeur de médecine et qu’on fait de la recherche on fait avancer les choses; tel patient qui avait une maladie que je ne savais pas nommer m’obligeait à aller comprendre cette maladie, en chercher les causes et les traitements pour les guérir et les soulager. C’est pourquoi j’ai toujours conjugué les deux!» Ainsi, de Sonia, une petite patiente qui présentait un déficit immunitaire combiné sévère, pour laquelle il réussit la première greffe de moelle osseuse en 1972, après avoir créé le premier prototype de «bulle» pour la maintenir en milieu stérile, à Nadia, arrivée dans son service avec une maladie génétique inconnue, que ses recherches ont permis de décrire en 1978 comme symptôme de déficit immunitaire et albinisme partiel, nommée aujourd’hui «maladie de Griscelli», et bien d’autres encore, ses innovations médicales ont ainsi toujours été étroitement liées aux patients rencontrés.
Vocation précoce
Un intérêt pour la médecine qu’il a développé assez tôt, et presque par hasard, en raison d’une tuberculose contractée dans l’adolescence! Cloué au lit et condamné à un repos forcé durant toute une année, il plonge alors dans la lecture et découvre le monde des sanatoriums avec Corps et âmes de Max Van der Meersch, ou encore celui des hôpitaux avec Les hommes en blanc d’André Soubiran. Des ouvrages qui vont contribuer à sa vocation; Claude Griscelli vit alors au Maroc où sa famille, originaire de Vezzani par son père et de Cervione par sa mère, est installée. Joueur de tennis accompli, présélectionné en cadet pour aller disputer Roland-Garros, cet événement va marquer la fin précoce d’une possible carrière de joueur pour lui ouvrir une tout autre voie. Après son bac, il passe ainsi le concours d’entrée à l’école de médecine où il est reçu major. Orphelin de père depuis ses 15 ans, l’excellence de ses résultats lui permet alors d’obtenir une bourse pour partir étudier à Paris. Après son externat effectué auprès du professeur Mozziconacci, grand pédiatre et très ouvert à la recherche, il réussit brillamment en 1962 l’internat des Hôpitaux de Paris et rejoint le service d’immunologie du professeur Claude Bernard avec lequel il découvre cette spécialité. Dès 1964, il se spécialise dans ce domaine qui le conduira à travailler successivement dans l’unité de recherche Inserm de Maxime Seligmann, puis dans le laboratoire de Baruj Benacerraf à la New York University, où durant un an il se consacre à la recherche pure. Rentré en France, il retrouve en 1968, le professeur Mozziconacci et crée avec lui le département d’immunologie et d’hématologie pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants malades. Successivement chef de clinique-assistant des Hôpitaux de Paris, puis Professeur à l’Université Paris 5, il travaillera durant plus de 40 ans sur les déficits immunitaires chroniques chez les enfants et les adolescents.
Faire de la recherche au plus près des malades
Ses travaux ont conduit à l’identification de plusieurs maladies génétiques complexes, dont celle qui porte son nom. Père des « bébés-bulle » dans les années 70, il est à l’initiative d’un traitement par greffe de moelle osseuse pour guérir les déficits immunitaires graves de l’enfant et on lui doit d’avoir initier les premières démarches de thérapies géniques pour les corriger. Il découvrira aussi dès 1984, en collaboration avec l’équipe de Luc Montagnier, la transmission du VIH de la mère à l’enfant et participera à la mise en place de thérapies dédiées pour permettre aux enfants de naître sans le virus. Directeur général de l’Inserm de 1996 à 2001, avant d’être nommé conseiller d’État à titre extraordinaire, représentant de la médecine et la santé publique, jusqu’en 2005, Claude Griscelli a toujours œuvré pour le rapprochement de la recherche et des activités de soins, afin d’apporter au plus vite aux patients et leurs familles des réponses diagnostiques et thérapeutiques. Un rapprochement concrétisé aujourd’hui avec «Imagine», un institut pour l’étude des maladies génétiques rares créé à son initiative en 2007, qui réunit dans un même lieu médecins, chercheurs, ingénieurs, techniciens, au plus près des malades « avec une efficacité incroyable ! ». Investi dans de nombreuses œuvres caritatives, il est aussi à l’origine de la fondation des Hôpitaux de Paris, créée en 1989, pour améliorer la vie quotidienne des malades. Par ailleurs, seul médecin français membre de l’Académie des Sciences de Rabat, il travaille aussi aujourd’hui au développement d’un institut de recherche au Maroc sur les maladies génétiques. Un engagement sans fin au service des malades auquel le médecin à la carrière phénoménale n’est pas prêt de mettre un terme !
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