Comment financer sa croissance ?

Sébastien Ristori est analyste financier diplômé et certifié par HEC Paris, il est directeur du groupe BARNES Corse, enseignant en finance d’entreprise à l’Université de Corse et auteur aux éditions Ellipses.

La recherche de financement pour amorcer la croissance d’une entreprise est une étape fondamentale du développement, que ce soit à l’étape d’une création, d’une reprise, d’une opération de croissance interne ou externe. Mais alors qu’est-ce que la croissance ? Quels financements traditionnels est-il possible de mobiliser ?

Les stratégies de croissance

Igor Ansoff a développé en 1957 sa célèbre « matrice d’Ansoff ». Cet outil pose les jalons des quatre stratégies de croissance d’une entreprise qui sont basées sur deux variables : le degré de nouveauté de l’offre et le degré de connaissance des marchés. Parmi les périmètres, on retrouve la stratégie de pénétration de marché ou de développement de marché, la stratégie de développement de produits ou de diversification. La pénétration de marché consiste à accroître les ventes actuelles des produits de la société sur un marché existant, notamment en finançant une force commerciale agressive pour accroître les parts de marché. Le développement de marché nécessite de vendre des produits existants sur de nouveaux marchés, sur de nouvelles zones géographiques ou nouveaux segments de clientèle. Cette stratégie mobilise des fonds importants à allouer au marketing et à l’organisation. Le développement de produits est un axe de développement fortement consommateur de cash pour financier de la recherche et développement, des frais de marketing et de conception. Elle implique très souvent le financement d’investissements nouveaux et de stocks supplémentaires. Enfin, la stratégie de diversification, très risquée, entend intégrer de nouveaux produits sur de nouveaux marchés. Le montant de l’investissement est très élevé et nécessite de fortes levées de capitaux.

Le business plan : clé de voûte du financement

Quelle que soit la stratégie retenue, le financement d’une de ces options de développement doit être motivé sur un plan de croissance rédigé et correctement chiffré, mettant en exergue l’ensemble des composantes du marché et des moyens nécessaires à l’obtention des résultats espérés. Ces résultats devront être suffisants pour satisfaire les créanciers qui seront mobilisés (prêteurs, actionnaires, institutionnels) pour étudier le dossier. Ce business plan est la clé de voûte du projet. Il est nécessaire pour convaincre les investisseurs du bien-fondé du projet.

Les financements 

Il existe différents types de financements pour accompagner la croissance d’une entreprise. Il s’agit des financements par fonds propres ou par emprunt. 

Les capitaux propres 

Le financement par capitaux propres prend la forme courante d’augmentation de capital, par le biais d’émission de nouvelles actions dont la valeur est fixée en tenant compte des flux de trésorerie du projet à financer. Cet apport en capital peut être réalisé par un nouvel actionnaire individuel ou par un fonds d’investissement privé en capital qui souscrit aux actions émises. L’apport en capital a quelques avantages : il n’y a aucune obligation à verser des dividendes, les actions ne sont pas remboursables et le coût comptable est nul. En contrepartie, les actionnaires attendent un taux de rendement minimum dégagé par l’investissement ainsi financé. C’est de cette façon que l’entreprise crée de la valeur pour les actionnaires qui souhaiteront, notamment les fonds privés, revendre leurs actions à un horizon de 7 à 8 ans à un prix évidemment plus élevé qu’ils ne les ont achetées, tenant compte du temps et de la valeur créée. Pour convaincre, le projet doit donc être solide et délivrer la valeur promise aux actionnaires.

Les emprunts

Parmi les prêts, nous pouvons distinguer ceux qui sont assis sur des actifs et ceux qui prennent le risque global de l’activité de l’entreprise. Les crédits assis sur des actifs ne courent que le risque de l’objet lui-même, souvent par ailleurs nantis par le financeur pour limiter sa perte. Parmi ses financements, le crédit-bail qui permet de louer un bien plutôt que de l’acquérir pendant sa durée d’usage. Le crédit-bail est courant et permet de limiter l’endettement. Attention cependant à limiter le recours au crédit-bail, qui diminue les flux de trésorerie disponible et peut priver l’entreprise d’un financement global. Autre financement, le dispositif du lease-back qui s’adresse aux sociétés qui disposent d’un actif immobilier ou industriel important. Une société de cession-bail rachète le bien et le reloue à son client. Cela permet à l’entreprise de disposer d’importantes liquidités pour financer un projet de développement. D’autres financements temporaires, pour des durées et des montants plus courts, accompagnent la croissance de la société : les découverts autorisés, les conventions de trésorerie, les crédits de campagne… Concernant les crédits qui prennent le risque global de l’entreprise, on retrouve les traditionnels prêts bancaires accordés par un organisme de financement sur la base d’un dossier cohérent. Pour les levées de fonds importantes, les banques privilégient des tours de table à plusieurs acteurs, notamment avec des fonds privés, pour diversifier le risque. Les fonds privés peuvent intervenir en obligation. Ce sont des titres de dettes puissants. Les obligations sont émises par l’entreprise pour une valeur d’émission, achetées par des investisseurs. Ces obligations génèrent des coupons (intérêts) plus onéreux que le coût d’un crédit bancaire. Les obligations sont remboursables. Il est possible d’assortir aux obligations un prix de remboursement déterminé à l’avance entre les parties. 

Les autres financements

Parmi les autres outils à la disposition des dirigeants, les obligations convertibles en actions, les prêts d’honneur, les emprunts participatifs, le crowdfunding, les opérations de rachat à soi-même sont autant de dispositifs à mobiliser pour accompagner la croissance. Par ailleurs, l’avènement de la finance durable et responsable incite les entreprises à se diriger vers des investissements qui tendent à la neutralité carbone. Si la création des critères dits « ESG » pour mesurer le verdissement des actifs est en cours, une palette de financement existe déjà : les obligations durables, sociales, vertes ou à impact, des prêts bancaires durables. Ces financements dont l’usage croît depuis 6 ans seront fort probablement la norme des années à venir. 

Convaincre

Pour convaincre vos interlocuteurs du bien-fondé de votre plan de croissance, outre la qualité de votre business plan, il faut démontrer votre connaissance du marché, de vos clients et de vos produits, votre volonté d’apporter à vos investisseurs des succès d’estime, il faut apporter des preuves de réussite, et comprendre les enjeux financiers de vos interlocuteurs. Ces quelques éléments sont les clés de succès de votre levée de fonds pour réussir le financement de votre croissance.

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