Pour la troisième année consécutive, le Dakar se déroule entièrement en Arabie saoudite du 1er au 14 janvier. Entre pistes et cordons de dunes, les concurrents sont plongés dans une immensité de sable recouvrant 70% du parcours. Mais qu’importe les difficultés, les inquiétudes, la pression, l’envie et la compétition ont pris le dessus. Parmi les 1 065 pilotes engagés sur le départ, 3 d’entre eux sont insulaires. Sébastien Cojean, Vincent Padrona et Michaël Pisano. Des profils, des machines, des parcours très différents et un point commun : leur passion pour le Dakar. Un rêve né lorsqu’ils étaient enfants, devant leur télé, et qui a pris corps au fur et à mesure des compétitions disputées. Sportifs infatigables, concurrents certes amateurs mais acharnés, chacun dans sa catégorie a dû faire ses preuves, rassurer son entourage, convaincre aussi les partenaires, les sponsors. Le Dakar, course emblématique, roi des rallyes raid, est à la mesure de sa démesure. Tout y est plus grand, les espaces, les risques, les limites des machines et des corps sont constamment repoussées, les budgets même les plus « modestes » ne le sont pas vraiment. Le rêve a parfois le goût du sacrifice et surtout de l’humilité. En effet, pour les trois pilotes, arriver au bout de ces 13 jours de course en reliant la boucle de Jeddah à Jeddah serait déjà une première et belle victoire.
Par Caroline Ettori
Sébastien Cojean, moto, 2e Dakar, #127
Un départ tardif mais un parcours fulgurant. Sébastien Cojean a 27 ans quand il s’élance « à fond » dans ses premières courses d’enduro. Passionné de deux-roues depuis son plus jeune âge, le commercial qui a longtemps concouru en BMX Bicross, n’a plus de temps à perdre. Régionales, nationales, internationales, les compétitions s’enchaînent et rapidement le pilote s’impose dans le haut des classements. Une ascension inédite durant laquelle Sébastien n’oublie pas son rêve d’enfant : le Dakar.
Sa première participation, pour l’édition 2020, il la décrochera grâce à sa performance au Merzouga Rallye ; un rallye raid dans le désert marocain où l’accompagne son ami d’enfance et mécanicien dans le civil, Nicolas Muraccioli.
Une fois rentré, le compte à rebours s’accélère : un mois à peine avant d’attaquer les dunes saoudiennes. Pour boucler son budget, Sébastien Cojean peut compter sur sa famille, ses amis, Förch l’entreprise d’outillage pour laquelle il travaille, ses clients. Tous l’incitent à tenter l’aventure. La préparation physique est assurée par un copain, un médecin le suit également mais le sport fait pleinement partie du quotidien du pilote. « J’ai fait le GR20, je vais en montagne, je travaille régulièrement l’endurance et le cardio.» Pour la préparation mentale, il s’en remet à la sophrologue, Aurélia Ambrosi. « La sophrologie m’a permis de mieux gérer la course grâce notamment à la récupération dynamique. Elle m’a permis de mieux me connaître, à m’endormir rapidement, à gérer la douleur, à me concentrer. » Décisif quand les concurrents roulent entre 600 et 1 200 km par jour pendant 12 jours avec des températures oscillant entre -4 la nuit et plus de 30 degrés en journée. « On mange mal, on dort peu. Le corps est marqué et dès le deuxième jour, c’est le mental qui prend le dessus. » D’autant plus quand les conditions sont loin d’être tout confort. En effet, Sébastien Cojean concourt parmi les amateurs, sans assistance. Comprendre qu’il doit tout gérer : de la mécanique à la stratégie. « C’est la plus grosse course au monde, du coup, les autres pilotes nous regardent avec des yeux de fous. Je roule toute la journée, le soir je répare, je révise, je change mes pneus, je vais chez le kiné. J’ai ma tente, ma malle, mes outils. Mais même si cela a l’air très solitaire, il est impossible d’aller au bout de cette compétition tout seul. Il y a beaucoup d’entraide et la différence de niveau entre amateurs et professionnels n’empêche pas le respect entre compétiteurs. Bien au contraire. »
Sa première participation sera une réussite : 46e au scratch, 8e parmi les pilotes sans assistance. Noter que sur les 190 motos alignées sur le départ, seules 80 réussiront à rallier l’arrivée. Toutefois, il faudra six mois à Sébastien pour s’en remettre. Éprouvant mais pas assez pour l’empêcher de retrouver le sable du Dakar. Le pilote qui a fait appel à la même équipe pour sa préparation repartira sans assistance mais plus fort de son expérience, portés par les encouragements de ses enfants Ghjuvan, 10 ans et Lucia, 6 ans. « J’ai beaucoup appris, jusqu’au dernier kilomètre. J’ai appris les règles, les codes. Comme tout bon débutant, j’ai commis des erreurs, je me suis blessé, je me suis fait peur aussi avec une chute heureusement sans gravité. Cette année, je compte mettre en application toutes ces connaissances. »
L’objectif est clair pour le pilote : finir la course sur sa 450 Rally Factory Husqvarna et si possible faire mieux qu’il y a deux ans. « Cette course pousse à l’humilité. C’est magnifique mais très dur. Le classement pour moi est moins important que le fait d’aller au bout. »
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Vincent Padrona, quad, 1er Dakar, #188
L’aboutissement de longues années de travail et d’efforts. Amateur de sport mécanique et de rallye raid en particulier depuis son plus jeune âge, « les belles voitures, les gros moteurs, le bruit, le pilotage », Vincent Padrona s’est toujours dit qu’un jour, lui aussi ferait le Dakar. Mais avant cela, il aura fallu se montrer discret. « Mes parents, et surtout ma mère qui est encore la plus stressée, n’étaient pas pour que je pratique un sport mécanique. La peur de la blessure, de l’accident… J’ai donc commencé en cachette avec des copains. Je me débrouillais bien et à mes 18 ans, j’ai enfin pu acheter ma première machine. Dès lors, je n’ai plus jamais lâché. » Une détermination payante qui le conduira sur la ligne du départ du mythique Dakar, édition 2022. Le pilote de quad partira avec son meilleur ami intronisé pour l’occasion directeur de course. Les deux hommes « surexcités à l’approche du départ » rejoindront sur place la « Team Dragon » dans laquelle Vincent évolue depuis un moment et qui assurera l’assistance mécanique pendant les 13 jours de compétition. Voilà pour la logistique. Mais pas question de négliger la forme physique et le mental. « Ce ne serait pas très raisonnable de partir sur ce type de compétition sans être préparé. Depuis le mois d’août, il y a eu beaucoup d’entraînement, de pilotage, de coaching. » Le sportif a d’ailleurs été suivi par un centre d’entraînement d’élite à la frontière suisse pour parfaire sa préparation. « Ma concentration sera entièrement dirigée vers la course. Il y aura une grosse part d’inconnu à gérer : les pistes, les spéciales, la mécanique… Même si j’ai acquis beaucoup de connaissances, il reste tellement de choses à découvrir, à apprendre. Je pense qu’il faut simplement le vivre pour comprendre, j’ai vraiment hâte d’y être ! » Le vivre et profiter aussi de son immensité. Petit clin d’œil et raison de plus de s’impatienter pour le fan de Star Wars qu’est Vincent Padrona, la caravane traversera certes à grande vitesse mais tout de même, le désert de Rub al-Khali décor naturel et surréaliste de la « planète Jakku », découverte dans Le Réveil de la Force. Un titre qui pourrait s’avérer prophétique pour le pilote. Le Dakar ne pourrait être que le début d’une année particulièrement riche en compétition. « Avant d’avoir la confirmation de ma participation, je désirais concourir au championnat du monde. Il se trouve qu’en 2022, le Dakar en constitue la première manche. Donc si ça se passe bien, je pourrais enchaîner sur d’autres courses, peut-être pas toutes, parce qu’il faut travailler aussi ! »
En attendant, l’objectif du pilote est simple : prendre du plaisir, arriver au bout de ce Dakar « et si on peut gagner une spéciale au passage, ce sera un beau résultat. J’ai déjà gagné plusieurs spéciales au Maroc, ce qui m’a rassuré concernant le sable, et en Andalousie mais ce n’est vraiment pas la même chose. On va plutôt rester humble. »
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Michaël Pisano, buggy, 8e Dakar, #235
La force tranquille. Michaël Pisano, 38 ans, chef d’entreprise dans l’événementiel, est le plus expérimenté des pilotes insulaires engagés. Il a déjà vécu cette course folle en moto, à cinq reprises en tant qu’amateur pour sa première participation en 2009, il a alors 24 ans, puis comme pilote officiel pour différentes équipes. « J’ai eu la chance de vivre de la moto, de ma passion en participant à des compétitions internationales, en en remportant certaines dont l’Africa Race en 2014. » En 2015, le pilote est approché par une équipe pour courir en voiture. Venant d’une famille où le sport automobile est roi, l’envie est évidemment présente et l’occasion trop belle. « J’ai d’abord roulé sur l’asphalte, un peu partout, pour acquérir de l’expérience. Même si j’avais des facilités, passer de la moto à la voiture représentait un nouveau challenge. Pendant un ou deux ans, je me suis cherché. » Le palier sera finalement franchi en 2019 grâce au parrain d’un de ses deux garçons, Mathieu Serradori qui a fondé sa propre équipe, SRT et qui affiche de très bons résultats. « Cela s’est fait naturellement et mon premier Dakar en voiture s’est terminé le 4e jour au Pérou. On a cassé le moteur… Les joies du sport mécanique. Il faut l’accepter. » Par la suite, Michaël intègrera l’équipe MD Rallye Sport pour une participation sous ses nouvelles couleurs en 2021. « L’équipe est basée en Normandie. Cela fait 15 ans qu’elle est présente sur le Dakar et en rallye raid. C’est un esprit très famille qui me plaît. On a fait du bon boulot en peu de temps. » En effet, malgré la casse d’un amortisseur et le peu de temps partagé avant la course avec son navigateur, Max Delfino, un pilote de chasse à la retraite, la première tentative s’est révélée prometteuse avec une 27e place au classement. Toutefois, le compétiteur Pisano ne souhaite pas s’en contenter. Le physique est affûté, le mental est là. « J’ai toujours envie d’aller me battre d’autant plus en Afrique où le désert et la navigation reviennent en force. Cet aspect avait un peu disparu en Amérique du Sud. Pour autant, je sais maintenant ce qui m’attend. Je voudrais me retrouver directement sur la ligne de départ et éviter toutes les formalités ! » Une envie de course, une urgence de découverte aussi. « Le Dakar est une course laboratoire pour le futur de la mécanique. L’objectif est d’organiser un Dakar propre dès 2025. Certains constructeurs testeront cette année des prototypes hybrides. L’épreuve est encore décriée pour son impact environnemental mais la discipline se transforme avec notamment l’hydrogène et les véhicules hybrides qui sont pour moi les meilleures options. »Si la grande révolution du secteur est en marche, la ligne de mire de Michaël Pisano est claire : progresser. Toujours. « Nous avons fait l’Andalousie au mois de mai et nous avons bien travaillé avec Max. Une belle complicité nous unit et nous voulons la même chose, donner le maximum et prendre du plaisir. Les résultats suivront », conclut le pilote qui veillera avec beaucoup d’attention sur les parcours de Vincent Padrona et Sébastien Cojean.
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