Alors que la fronde des gilets jaunes n’est pas totalement finie et que la problématique des conditions de travail a souvent été relevée par les manifestants, Paroles de Corse a décidé d’intégrer, le temps d’une journée l’équipe d’un supermarché. Passons pour quelques heures de l’autre côté du caddy. Un voyage pas si évident, puisque, c’est à souligner, plusieurs grandes enseignes ont refusé notre demande de reportage.
Chacun a sa madeleine de Proust, la mienne pourrait facilement être cette supérette du Diamant, située au début du cours Grandval, à Ajaccio. Entre deux rayons, j’y revois mon père ou ma grand-mère à la recherche des dernières victuailles pour le dîner. L’ancien Codec fait indéniablement partie de cet Ajaccio d’hier mais aussi d’aujourd’hui et ce, grâce à l’énergie et au labeur de la famille Marras. Un supermarché de proximité en plein cœur d’une ville dont le développement périphérique fait beaucoup couler d’encre. Ici, c’est le centre ville, et le client arrive à pied aux portes du magasin. « Le stationnement est de toute façon très compliqué surtout avec la non-construction du fameux parking », souligne Mario Marras, dirigeant historique de ce Spar ajaccien. « Ce magasin a été ouvert en 1978 par monsieur Tavella puis mon frère a pris la suite avant que je ne lui succède en 1983. À l’époque notre unique concurrent en centre ville était le Monoprix. Plus en marge de la ville, il y avait Corsaire et l’Hyper Codec, c’est tout »,rappelle ce chef d’entreprise. « Escale devenu Géant et Carrefour Market n’arrivent pour leur part qu’en 1988 ! »
Franchisés indépendants
Il est 8h30 du matin, l’enseigne ouvre ses portes, un café sans sucre pour l’un des maîtres des lieux, le temps de retracer son histoire. « Il y avait à l’époque bon nombre d’épiceries de quartier et déjà Alessandri en haut du cours !, se souvient Mario. Nous, nous avons toujours été une structure familiale bien que franchisée Codec, Shopi, Timy puis Spar (affilié à Casino). Mais, nous sommes toujours restés propriétaires de notre fond de commerce. »Mario a été de nombreuses années à la tête du magasin secondé puis remplacé par sa fille Ingrid et aujourd’hui par son fils Cédric. « Nous dirons que c’est un retraité actif »,sourit Cédric, assis à son bureau qui fait face à celui du paternel. Il est officiellement à la tête du magasin depuis 2010. Les bureaux de la direction sont à un étage au-dessus des rayons, pour y accéder il faut faire très attention à la tête car : « nous avons perdu un peu de hauteur de plafond pour que le client ait plus d’espace en dessous lorsque nous avons agrandi,confie Mario, un sourire en coin.
Stabilité et promotion
Sous les petites fenêtres du bureau a lieu le déchargement d’une des cinq livraisons de semi-remorque de la semaine. Nous sommes dans la descente du lycée Fesch. La porte du lycée fait face à la porte de la réserve du Spar, 150 m2 pour stocker produits secs et frais entre étagères et chambres froides. « Il y a de la manutention mais heureusement que pour le plus gros nous avons le gerbeur (à savoir le chariot automatique) ensuite il faut quand même porter les produits du chariot à leur place de stockage »,explique Nicolas D., 22 ans. « Cela fait quatre ans que le jeune homme travaille à Spar. J’ai commencé pour faire la saison en tant que livreur et ils m’ont rappelé pour que j’intègre l’équipe à temps complet. » Une décision qui a rapporté stabilité et promotion à Nicolas puisqu’il est devenu l’un des trois responsables de la boutique faisant l’interface entre les Marras et les employés bien que la porte des patrons restent accessible à tous.
Esprit de famille
« Ici, il y a une vraie facilité de rapport avec la direction, ça a un côté très familial, confie Laëtitia C. alors qu’elle achalande ses étals. Elle est responsable des rayons fruits et légumes qui se répartissent entre l’intérieur et l’extérieur du magasin. « J’ai quitté mon ancien métier de coiffeuse il y a huit ans pour travailler ici, c’est plus pratique pour m’occuper de ma fille au niveau des horaires et puis j’ai deux jours de repos. » À l’instar des 25 employés, Laëtitia a obtenu son CDI en l’espace de quelques mois, le temps de passer par un unique CDD. Fluidité du CDI aussi pour Nicolas, 23 ans, accessoirement le neveu de monsieur Marras qui avec ses deux autres collègues responsables gèrent les commandes, la réception des marchandises ou encore les caisses. Il veille au bon déroulement de la journée armé d’une petite machine lui permettant de gérer les stocks. « Je suis arrivé ici bac en poche et aujourd’hui je ne voudrais pas changer de métier, on gère le travail de chacun aux quatre coins de la boutique, le temps passe vite, il arrive même que l’on dépasse les horaires. »Pas de népotisme au Spar, non, mais plutôt une bienheureuse tendance à récompenser les gens désireux de travailler.
C’est quoi un travailleur ? Cédric Marras qui fait de nombreux allers-retours entre son bureau et la supérette prend le temps de répondre à la question suivante : Mais c’est quoi un travailleur ? « C’est une personne qui ne connaît pas l’absentéisme, qui est à l’heure, une personne investie avec une bonne mentalité et du respect pour le travail. Ici, ce dernier est alors forcément récompensé. D’ailleurs, nous préférons faire évoluer un employé de l’entreprise avant de prendre quelqu’un de l’extérieur. » Or, il y a des journées comme celle-ci où il faut faire face à des postes vacants et donc à une réorganisation de dernière minute.
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