De l’aube au crépuscule, La focale de Mélissa Guillaumin

Mélissa Guillaumin, bastiaise de 32 ans, passionnée d’art visuel, de dessin et de musique électronique, pratique la photographie comme un instrument, cherchant à écrire à travers ce médium, une poésie des couleurs. Une poésie chromatique de la Corse. Grand angle sur son rapport à l’image et aux lieux qu’elle arpente. 

Par Laura Benedetti

Prélude & variations

« D’origine bastiaise, j’ai passé la plupart de mes midis, dimanches et vacances chez ma grand-mère paternel au quartier Giambelli. Petit village dans la ville. La vue sur la mer, le bruit des hirondelles, du merle et du bateau quittant le port, m’ont accompagnée durant de nombreux moments à dessiner chez elle. J’ai toujours aimé reproduire ce que je voyais, un paysage, un vase, une cheminée, du moment qu’il y a des couleurs et de la symétrie. En quittant l’île pour la région lyonnaise à l’âge de 19 ans, par besoin d’urbanisme, de voir autre chose, j’ai ressenti un manque profond. (Bruit, odeurs, couleurs, reliefs, famille, culture…) Un retour aux racines était évident et s’est déroulé deux ans plus tard. ». Ce récit, empreint de synesthésie, marque l’importance de l’ensemble des perceptions sensorielles pour Mélissa, à l’origine de ce qu’elle pratique aujourd’hui. Avec une matérialisation de ses premières images à l’adolescence avec un Nikon Coolpix. 

Médiatrice rattachée à la Ville de Bastia pour laquelle elle travaille en semaine, elle trouve cependant les moyens d’accorder à la photographie une place importante dans sa vie et son quotidien. D’ailleurs, sa fille le lui rappelle bien souvent comme quoi c’est beaucoup trop (sourire). « Les objectifs, pellicules et accessoires occupent la majeure partie de mon bureau (et mon coffre de voiture aussi). Je vais avoir des périodes plus prononcées que d’autres. Je jongle avec mon travail la semaine, et consacre quelques week-ends d’escapade à arpenter l’île de la mer aux sommets munie de ma sacoche. », nous confie Mélissa. Elle ajoute que c’est un besoin, souvent spontané, variant selon l’humeur : « Comme le besoin d’écrire, de peindre ou de composer pour les uns, ce serait un besoin de photographier pour d’autres. » Mélissa n’a pas conscience de la singularité de son rapport à l’image qui apparaît comme une quête du bon angle qui puisse éclairer des zones souterraines via un agrégat d’éléments hétérogènes qu’elle sait pourtant capter avec force : « Parfois, un break est nécessaire, pour reposer le regard et l’esprit. En règle générale, je n’apprécie guère mon travail. Il m’arrive de mettre des dizaines de semaines pour pouvoir enfin trier puis sélectionner et enfin travailler une série de photos. » Désormais, elle utilise un Reflex de chez Nikon D7500 et côté argentique, une Retinette II de chez Kodak, achetée dans une vieille boutique située au marché de Porto Bello, quartier de Nothing Hill à Londres. « J’ai aussi récupéré deux Polaroïds dénichés il y a quelques années chez ma grand-mère, ils sont disposés sur une étagère du salon. », parce que les objectifs, pellicules et accessoires d’appareils occupent la majeure partie de son bureau… et de son coffre de voiture aussi.

« Un coucher de soleil balanin, sur la plaine de Calenzana, un soir d’été, une branche d’olivier partiellement floue en premier plan, un vieux grillage pour l’aspect symétrique en second plan, un doux dégradé de ciel orangé en arrière-plan. Aucune recherche de structure. La spontanéité de l’instant, l’odeur du maquis balanin, la douceur d’un début de soirée. C’était un beau moment, simple et reposant. Le moment de quiétude, de paix, qui précédait l’effervescence d’une soirée festive. » 

Souvenirs de première photo, Mélissa Guillaumin

Clins d’œil et points de vue

Au sujet de son processus artistique, Mélissa nous livre en détail ceci : « J’ai constamment besoin de travailler, d’ajuster mes photos sur logiciel (Lightroom) pour qu’elles ne soient pas limitées par les capacités de mon appareil. Idéalement, il faudrait qu’elles soient les plus proches de mon ressenti, de mon imaginaire, c’est assez subjectif comme processus ; surtout quand on cherche à explorer l’universalité d’un art. Je travaille quasi systématiquement les teintes, la luminosité, les contrastes, la clarté, la symétrie. Je ne veux pas juste donner du beau à regarder, tout le monde peut faire de belles photos, je voudrais qu’elles aient quelque chose de poétique et de philosophique, de plus profond à raconter. » Et, poursuit : « Avec une grande curiosité, je ne tends pas à rester figée dans une technique photographique particulière, le regard change, évolue de manière ondoyante, rien n’est statique et immuable. J’utilise aussi des appareils photo argentiques depuis presque 3 ans, pour les instants “bruts” (petits voyages, week-end sans grandes prises de tête…) dans ces cas-là, aucun travail supplémentaire n’est nécessaire, les clichés sont bruts, d’une qualité aléatoire, d’un grain et d’une symétrie parfaitement imparfaits. »

Si, en ce moment, Mélissa aime particulièrement saisir des scènes de vie, elle avoue exercer de manière récurrente la tentative d’assembler les sujets qu’elle capte par cohérence, qui n’est pas toujours évidente. Ça peut être le lien social, une déconstruction du jugement, un caractère libre de tout engagement, ou encore l’émanation du caractère poétique ou philosophique d’une scène brute ou politique.

Elle, qui collabore à Maquis magazine depuis 4 ans, et dont le site internet est une toile d’exposition incontournable, est en quête d’autres modes d’exposition : « Je songe de plus en plus à changer de vitrine de communication. Les réseaux sociaux et mon site internet lancé l’an passé, permettent une visibilité qui peut être aussi intéressante qu’impertinente. Plus le temps passe et plus les photographes se multiplient, rendant l’exposition invisible, noyée dans une masse d’images sans regards profonds. Je pense davantage à exposer mes clichés d’une manière différente. Trouver un fil rouge, cela demande beaucoup de temps. »

Son board Instagram mêle paysage urbain, scène de vie, architecture… avec une profondeur et une coexistence dont chaque regardeur/admirateur peut témoigner. 

melissaguillaumin.com

@melissa.glmn

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