DETTE
La dette française est devenue catastrophique à en croire non seulement toute l’opposition, mais encore quasiment tous les experts financiers, les médias et même certains membres de la majorité. Cette alarme répétitive, du fait même de sa répétition, n’est pas entendue et est couverte par le bruit des demandes sociales.
Par Michel Barat, ancien recteur de l’Académie de Corse
Aucun responsable, surtout au pouvoir, n’osera aujourd’hui parler de rigueur, terme qui aux oreilles populaires et à celles des électeurs, ne nomme pas une sage vertu mais désigne une horrible punition. Si on était un peu ironique, il ne serait pas interdit de dire que le populisme a gagné les responsables, fussent-ils financiers, avant de s’emparer de la conscience citoyenne et de l’électorat.
Pourtant le montant atteint est effectivement alarmant car il dépasse trois mille cent milliards d’euros et atteint les 100% du produit intérieur brut de la France.
Le déficit budgétaire et la dette pulvérisent les normes européennes qui sont pour le déficit budgétaire de 3% du PIB et de 60% pour la dette. Il est vrai que ces règles ont été suspendues entre 2020 et 2023 du fait de l’épidémie de Covid et de la guerre d’Ukraine. Cela dit, on entend de partout sonner le tocsin. Nul ne saurait contester que continuer sur une telle pente, plus que de poser un grave problème financier ou comptable, finirait par remettre sérieusement en cause la souveraineté nationale.
Moralité et solidarité
La question n’est pas comptable mais politique voire morale. Bien entendu tous déplorent qu’on laisse aux générations futures un héritage négatif qui hypothèque leur avenir. Mais en réalité le contribuable moyen ne se comporte pas vraiment en « bon père de famille » mais choisit comme devise « après moi le déluge ». La seule question est de connaître les raisons d’une telle dette surtout en comparaison de nos voisins européens. La réponse est aisée : la France a une culture de services publics et une tradition sociale forte. Ainsi la dépense sociale est la plus importante du budget national.
La dette française n’est pas immorale mais bien plutôt elle se multiplie par moralité et solidarité. Notre philosophie morale collective n’est pas comme la Nordique, l’Anglo-Saxonne ou l’Américaine, libérale, elle est sociale voire socialiste. Elle l’est tellement que rares sont les politiques de droite qui malgré leurs discours veulent vraiment y renoncer.
Fait culturel
Aussi la dette a continué de se creuser sous les gouvernements dits de droite. Il s’agit ici d’un fait culturel sans doute parce que la France est un vieux pays catholique pour qui la réussite économique et financière n’est absolument pas comprise comme une bénédiction divine mais est au contraire soupçonnée d’être le fruit de quelques péchés.
La France aujourd’hui majoritairement agnostique voire athée continue de penser qu’il est plus difficile « pour un riche d’accéder au Royaume de Dieu qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille ». Sa foi catholique s’est mutée en foi sociale pour ne pas dire socialiste. Ainsi elle est souvent réprouvée par le Nord protestant qui la juge bien souvent arrogante dans sa philosophie politique. Même aujourd’hui et malgré les apparences et ses votes, le peuple français a conservé son caractère révolutionnaire. L’article un de la Constitution le redit : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »
On comprend alors pourquoi le mot « rigueur » ne renvoie pas en politique à une vertu mais à une plaie ou à un échec alors que dans les pays de protestantisme elle est la marque d’une réussite vertueuse. Cependant laisser filer la dette conduira à rendre impossible la vocation sociale de la République française et la détruira.
Vital remède
Y a-t-il une possibilité de surmonter cette contradiction : peut-être en cessant de penser en termes de comptable et de rigueur mais de politique et de développement. Pour que la dette n’étouffe pas la vocation sociale de la République, il serait peut-être plus efficace d’augmenter sa richesse. Autrement nous finirons à notre tour à rejoindre les pays frugaux et rigoureux au risque de faire croître sans scrupule la pauvreté.
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