Dominique Ferrero a créé en 2016, un lieu unique, une maison qui porte le nom de sa famille, en digne héritière de l’amour des produits authentiques et des mets raffinés. Dans un quartier qui ressemble à un village, et depuis peu sur la rive sud d’Ajaccio, portée par la brise marine et l’odeur des embruns, elle donne libre cours à sa créativité dans des espaces entièrement dédiés au plaisir de manger, de cuisiner et de partager. Portrait d’une femme généreuse, convaincue des vertus de l’entreprenariat en Corse.
Parlez-nous de votre parcours ?
Je suis ajaccienne, fille de restaurateurs. Après l’obtention de mon bac, une prépa HEC, je suis rentrée dans une école de commerce à Hyères. Dès l’obtention de mon diplôme, j’ai trouvé du travail dans un grand groupe de nettoyage industriel. J’ai fondé pour cette société deux agences dans le sud, je rompais avec l’histoire de mes parents restaurateurs. Puis le destin m’a rattrapée inévitablement, j’ai été embauchée par le « Métropole Palace » à Monaco pour gérer l’événementiel de l’hôtel, et ensuite par Jacques Chibois propriétaire de « La Bastide Saint-Antoine », deux étoiles au guide Michelin à Grasse.
En 2002, j’ai voulu rompre avec ce rythme effréné de l’hôtellerie restauration, je me suis séparée de mon conjoint et je souhaitais élever mon fils en Corse. Je voulais changer de cadre de vie, de rythme, pouvoir faire du sport (rire) et ne plus rentrer à 23h tous les soirs !
Mes parents étaient propriétaires du « Floride », un célèbre restaurant de poisson, tout naturellement j’ai travaillé avec eux et nous avons développé un autre établissement, le « Bistrot du Floride » qui est devenu en 2009 un célèbre bar à vin puis un établissement de nuit. Il était alors temps de passer la main, mes parents prenaient leur retraite, je pensais déjà à ma reconversion. Je voulais créer un lieu d’échange, toujours autour de la gastronomie mais dans lequel je pourrais conserver un cadre de vie agréable, une vie sociale et personnelle.
D’où la création d’une épicerie fine ?
Oui, l’idée de l’épicerie fine s’est tout simplement imposée, dans ce quartier de l’Albert 1er à Ajaccio qui ressemble à un petit village, et dans lequel je pouvais apporter une offre complémentaire aux commerces existants.
En 2016, le concept « Maison Ferrero » est né. C’est aussi un hommage à mes parents, Claude et Jeanine, sans eux, mon frère et moi ne serions pas grand-chose. Depuis toute petite, j’avais en tête de mettre ce nom en avant, j’avais comme rêve secret d’être à la tête d’une compagnie maritime (rire). Mon rêve de gosse s’est certes transformé et aujourd’hui ce nom est celui d’une petite compagnie au service des meilleurs produits et de leurs producteurs. C’est en effet un lieu, dans lequel on peut retrouver des produits de tous les jours mais avec la garantie d’un produit de qualité avec son histoire et celui de son producteur, corse ou d’ailleurs. L’accent est mis autant que possible sur la proximité pour limiter les impacts environnementaux.
Mon épicerie vit grâce à la convivialité instaurée avec mes clients, ils m’aident à évoluer ; c’est un lieu d’échanges, de passion autour de l’alimentation. J’ai réussi, je crois, à donner une âme à mon activité.
Avez-vous réussi à développer votre concept ailleurs ?
Depuis le 10 juin, j’ai ouvert un autre établissement sur la rive sud d’Ajaccio. J’ai mis un certain temps pour trouver un lieu atypique en dehors du centre commercial. C’est une ancienne auberge, bien connu des Ajacciens, l’« Ostaria », un lieu de vie, de fêtes et de bonne bouffe. J’ai essayé de renouer avec cette ambiance, cette atmosphère de partage et de gourmandise, j’ai même pu créer un potager dans le jardin attenant et je vends enfin mes propres productions. Mes clients qui habitent en dehors d’Ajaccio sont ravis, et ceux qui sont de passage découvrent mon univers.
De quoi êtes-vous fière, avez-vous des regrets ?
Je suis fière de répondre aux attentes de mes clients, de chercher le produit qu’il manque à leur cuisine, de les réconcilier avec certains produits qu’ils ne consommaient plus. Le pain que je propose, par exemple, à un succès qui me dépasse, il est réservé une semaine sur l’autre… Je suis fière d’être choisie pour représenter ses produits et les gens qui les élaborent.
Je n’ai pas de regret, je ne changerai rien. Je ne suis pas dans une période négative en ce moment. Je me sers du temps qui passe, des multiples petits regrets pour avancer, les critiques, les échecs je les intègre.
Est-ce que la Corse est un frein à l’entreprenariat ?
Vivre en Corse, entreprendre en Corse, ce n’est pas très facile techniquement et logistiquement, mais en même temps, c’est un challenge quotidien. C’est un apprentissage de tous les instants, souvent c’est un frein au développement immédiat. Il faut savoir s’armer de patience.
Comment voyez-vous votre position dans le paysage de la consommation aujourd’hui ?
Le cœur de mon métier est de maîtriser son produit. Je sais exactement ce que je propose à mes clients. Il y a toujours un échange, un conseil. Les consommateurs ne se passeront pas du contact humain. Un magasin de proximité, ce n’est pas se perdre dans des rayons qui n’en finissent plus, c’est se retrouver. Un cœur de ville pour employer un terme très usité par nos décideurs, ça bat, ça vit. Il faut que nous gardions cette image à l’esprit. La proximité, la générosité, le partage, le goût pour les bonnes choses, la disponibilité, sont des valeurs auxquelles je crois. Les deux dernières années que nous avons traversées me poussent à penser que le commerce de proximité, de qualité, n’est pas juste essentiel sur le papier, il rythme notre quotidien.
À la sortie du confinement, les gens ont eu besoin de prendre du plaisir gustatif, et de manière général, les consommateurs ont compris l’impact de la nourriture sur la santé. Ils ont eu besoin, et ça c’est drôle, de plus de piment dans leur vie. Nous n’avons jamais tant vendu d’épices !
Un message pour ceux qui souhaitent entreprendre ?
Il faut avoir un véritable projet, mesurer les risques et incontestablement foncer. La Corse est une région à mon sens qui a su s’inscrire, en matière de création d’entreprise dans le bon sens et la modernité. Tout le monde peut mener à bien une entreprise mais en ayant toujours à l’esprit de conserver sa créativité et son savoir-faire.
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