Riintrata in scola
Natura è Lingua à u prugramma !
Finie la récré estivale pour les écoliers et les enseignants. Sur les bancs de l’école publique on apprend, on étudie, chez nous on suit le programme national imposé par l’Éducation nationale avec cependant quelques adaptations spécifiques à notre territoire. Les enseignants prennent quelques libertés et établissent leurs projets pédagogiques autour de ce que peut leur offrir notre patrimoine et notre environnement.
Par Vannina Angelini-Buresi
Des méthodes pédagogiques dites alternatives font leurs preuves depuis longtemps dans le secteur privé, elles sont entre autres liées à la nature et à l’apprentissage en autonomie, hors les murs en se familiarisant avec le territoire. On pourrait prendre en exemple ces centres immersifs en langue corse nichés dans la Corse profonde comme une pédagogie adaptée au lieu, s’en inspirer pour créer le système éducatif de demain…
Scola Scuparta
De nombreux pays européens préconisent depuis un certain nombre d’années, un rythme scolaire, plus souple en cohérence avec le lieu, l’environnement en incluant quotidiennement des activités sportives et autres en plein air. Pour certaines écoles de l’île aujourd’hui, c’est une habitude de prévoir dans leur projet en début d’année, un séjour linguistique mais pas que dans un des centres d’immersion. Savaghju jusqu’ici était le plus demandé car le seul, le seul en tout cas où l’on pouvait séjourner. In piena furesta nantu à a Cumuna di Vivariu, à 900 mètres d’altitude, ce centre propose à la fois aux élèves d’être en connexion avec leur environnement, et ainsi apprendre à le connaître tout en étant plongés dans un bain linguistique. Parmi ces scolaires, nombreux ne maîtrisent pas la langue suffisamment en classe et encore moins en dehors. Une chance aussi pour ceux qui vivent en milieu urbain, qui souvent n’ont pas de village et n’ont pas eu ou plus de transmission de la langue dans leur foyer. Là, ils sont servis et repartent nourris et enrichis de ce qu’ils ont respiré et découvert.
Par ognunu, scola sfarente, ma par tutti
La plupart des séjours s’adressent aux classes bilingues et non bilingues, le public vient du premier et du second degré. Écoles cismuntinche è Pumuntinche, maternelles primaires, collèges et lycées, di a Corsica sana, y ont accès. On y vient parfois de très loin, des scolaires marseillais du lycée Perrier qui propose une option corse, où l’on retrouve des élèves souvent originaires d’ici, reviennent chaque année avec une enseignante d’origine corse et partagent leur séjour entre Savaghju et Bastelica.
Du côté de Toulon, un enseignant Capicursinu d’un lycée agricole établit son projet en prévoyant quelques jours en totale immersion avec la nature et la langue corse. Les conseillers pédagogiques en langue corse et les inspecteurs accompagnent et favorisent ce type de projet. Le travail autour de ce séjour se prépare en amont dans les classes concernées et se perpétue en aval. « On peut tenir l’année entière », se réjouit Stéphanie Padovani, conseillère pédagogique Langue et Culture Corses. Alors enseignante, Stéphanie avait effectué avec sa classe un séjour à Savaghju au cours duquel elle avait initié avec ses élèves un projet de pièce de théâtre qu’elle a poursuivi tout au long de l’année en classe. Aujourd’hui, on retrouve cette pièce « L’Omatone di Savaghju » parmi d’autres dans un recueil intitulé « A Principessa è u Mulinaghju ».
Pour seconder nos enseignants et éduquer les jeunes élèves, ce sont des équipes constituées de deux professeurs de corse pour chaque centre, des animatrices, des cuisiniers, et des agents de services qui accueillent les écoles, collèges et lycées et leur proposent un programme très complet en harmonie avec le lieu et exclusivement en langue corse. Les deux centres de Savaghju et de Bastelica sont dirigés par la même directrice, Letizia Fiordelisi Tavera.
Immersione in Furesta è in paese
Si le plus ancien base son séjour sur la découverte de la faune et la flore, il propose des activités de pleine nature telles que les randonnées et la découverte de la forêt le tout toujours en langue corse. L’autre, plus récent qui se situe en plein cœur du village de Bastelica, permet aux scolaires d’être en contact avec la population, il place le village au centre du séjour linguistique avec son histoire, autour de Sampieru Corsu, son patrimoine, sa vie économique autour de l’agropastoralisme et de l’artisanat. Le centre de Bastelica incite les acteurs économiques et I Paisani à participer en jouant un rôle éducatif auprès des apprenants lors de leur séjour. Les équipes pédagogiques des différents centres, professeurs et animateurs, prennent en charge les élèves sur place et chaque instant de la journée est un moment d’apprentissage y compris lors des repas avec la dégustation des produits de la région, les différentes recettes et l’implication des cuisiniers. Les moments de regroupement après les différents repas sont des moments de partage, de jeux toujours en lien avec le territoire : ils vont s’initier au jeu de China, de morra, de scopa mais aussi écouter les histoires contées par les animateurs, légendes de la microrégion, stalvatoghji etc.
Les élèves ne partent pas en vacances avec leur professeur, c’est une autre méthode d’apprentissage qu’ils expérimentent, le rythme est moins scolaire mais pour autant soutenu.
D’autres centres d’immersion sont proposés aux scolaires, à Bastia « Campanari » et à L’Oretu di Casinca deux centres immersifs LCC qui accueillent les classes à la journée seulement, ils s’adressent aux élèves du premier degré au rythme d’une fois par mois et proposent des programmes pédagogiques abordant tradition pastorale, chant, histoire et culture. À savoir que ces centres immersifs font tous partie du réseau des PEP qui agissent pour une société inclusive, pour le droit et l’accès de tous à l’éducation, à la culture…
Le social à visage humain
D’ailleurs le centre de Savaghju reçoit durant les vacances scolaires des enfants de l’ASE (Aide sociale à l’enfance) des enfants de foyers de toute la Corse. Ce centre est à la fois centre immersif pour les scolaires mais reçoit également des centres aérés pendant les vacances toujours en tant que centre immersif. Pour ces colonies d’enfants qui n’ont pas la chance d’évoluer dans un milieu familial, le centre interviendra à travers sa fonction sociale plus qu’éducative. Si Nathalie Coulon a rejoint l’équipe de Savaghju grâce à ses compétences d’animatrice, elle n’hésite pas à troquer sa casquette d’animatrice pour celle d’éducatrice en fonction du public qu’elle reçoit. Elle s’épanouit à travers ses différentes fonctions qui sont toutes les deux très enrichissantes, le plus important étant pour elle le lieu magique et atypique où elle exerce, elle qui il y a quelques années a fui le brouhaha de la ville où elle a d’ailleurs enseigné.
Comme pour Léon Giacomoni qui lui est professeur de langue et culture corses aujourd’hui détaché par le rectorat au centre Sampieru de Bastelica, c’est une chance de pouvoir exercer autrement faisant participer la population, dans ce village chargé d’histoire. Il souhaiterait développer les activités du centre aussi hors période scolaire et s’étendre sur le périscolaire ; il faudrait pour cela former le personnel requis à la langue corse.
Pour l’heure, Bastelica comme Savaghju accueilleront des la mi-octobre leurs premières classes pour des séjours qui peuvent aller de deux à trois jours et le plus souvent une semaine. En général, les centres sont complets jusqu’au 30 juin.
Les enseignants élaborent un projet en début d’année scolaire et le présente à l’inspecteur et le conseiller pédagogique de leur circonscription pour validation.
Un piacè par i chjuchi è i maiò : l’Avvene ?
Le cadre scolaire ne permet pas tout, tout approfondir avec la lourdeur des programmes est parfois mission impossible. L’apprentissage des langues proposées est pour beaucoup d’élèves non adapté. Les séjours linguistiques sont le meilleur moyen pour approfondir et se perfectionner en langues, y compris pour une langue qui se perd et que l’on ne transmet plus. Les écoles immersives se multiplient en Corse, Scola Corsa s’étend un peu plus à chaque rentrée sur l’ensemble du territoire. Les séjours immersifs sont un plus, ils ouvrent les esprits et sont facteurs d’intégration. Au-delà de l’apprentissage de la langue d’une trop courte durée, ils permettent cependant la découverte du lieu, créent le lien, favorisent l’appartenance, permettent une connaissance du patrimoine, de la culture et favorisent la cohésion de groupe.
Des moments certes trop furtifs à repenser autrement peut-être… Une expérience à approfondir pour l’avenir en multipliant les séjours ou peut-être en les intégrant d’office à tous les débuts de l’année en multipliant ces centres immersifs encore trop peu nombreux. Placer au cœur du projet, la nécessité d’être en totale connexion avec son environnement permettrait de donner un statut à la langue, elle deviendrait le lien. Se questionner sur le système éducatif qui conviendrait : le rythme est-il approprié à l’époque ? Au territoire ? Aux saisons ? Au changement climatique ?…
Et si un nouveau rythme devenait plus encadré et s’inscrivait dans notre propre programme scolaire, un rythme où l’école hors les murs, à travers les buissons et les sentiers, à l’abri sous les feuilles, porterait-il ses fruits ?
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