Deux mois à peine après son ouverture, la Maison des Adolescents du Pays Ajaccien se veut un lieu ressource pour les jeunes et leurs familles. Là, ils peuvent se poser, échanger avec des professionnels de santé, être accompagnés dans leur envie de « mieux-être ». À leur rythme. Tout simplement.
Par Caroline Ettori
Florent attend avec impatience sa prochaine séance de sophrologie. Depuis l’ouverture en avril dernier de la Maison des Adolescents à Ajaccio, le jeune homme, encouragé par sa mère, a choisi de s’adresser aux professionnels de cette nouvelle structure. Son problème : la gestion de la douleur. À 21 ans, Florent moniteur sportif spécialiste de VTT a subi quelques mauvaises chutes. Conséquences : son épaule et ses cervicales lui provoquent de sévères douleurs. Si les blessures ont été rapidement prises en charge, la douleur s’est installée, insupportable, l’empêchant de pratiquer toute activité physique intensive. « Le sport, c’est ma vie, une source d’épanouissement. Si je ne peux plus en faire, je ne peux pas être fier de moi, j’ai du mal à me reconnaître. » C’est dans cet état d’esprit que Florent décide de pousser la porte de la Maison des Adolescents. « J’avais un a priori positif sur la sophrologie mais les débuts ont été un peu compliqués. Quoiqu’il en soit j’ai ressenti très vite un mieux dans ma vie de tous les jours en dehors de ma blessure. »
Cet hyper sensible comme il se définit lui-même « se met beaucoup de pression au quotidien ». « On a travaillé plus largement sur ce qui me tracassait, éliminer les idées négatives par exemple. Ma blessure remonte à un an et cela a pesé sur ma santé physique et mentale. J’avais des ambitions, des objectifs que je n’ai pas pu atteindre. Même si c’est dur à admettre, il faut se concentrer sur le positif. Accepter que tout cela soit un mal pour un bien. »
Au cours de ces séances personnalisées, Florent parle de lui, travaille sur sa respiration, ses émotions pour retrouver un certain équilibre et se rendre compte du chemin parcouru, des progrès réalisés dans d’autres domaines. « J’espère que d’ici cet été, mon rétablissement sera complet mais je ne me mets pas la pression. Je suis maintenant auto-entrepreneur et je profite de ce temps de pause pour communiquer autour de mon activité, élaborer mes prestations et développer mon site Internet. Dès que je sens que lapression est trop lourde, je pratique certains exercices ou j’y pense simplement et ça va mieux. Ce n’est pas magique. Comme pour tout, il faut pratiquer pour que ça fonctionne. »
On se pose et on respire
Psychologue formée à la sophrologie, c’est d’ailleurs à ce titre qu’elle intervient à la Maison des Adolescents, Marie-Ange Brunelli confirme. Si elle a accepté de s’engager dans cette nouvelle structure, c’est justement pour faire découvrir la sophrologie et ses bienfaits aux plus jeunes. Qu’ils s’emparent de cet outil et qu’ils l’utilisent de manière autonome dans leur vie de tous les jours, à leur rythme et selon leurs besoins. « L’idée est de combiner des exercices de respiration, de visualisation positive ou encore de relaxation dynamique pour retrouver un état de bien-être. »
Pour autant la sophrologie n’est pas uniquement synonyme de détente. « C’est un travail où on prend conscience de soi, de ce qu’on est, de ses forces, des limites que l’on se fixe. Une mallette à outils pour résoudre les conflits à trois niveaux : les pensées, les émotions et le corps. Une pratique régulière permet certaines prises de conscience et de fait, une meilleure connaissance de soi. » De quoi affronter les défis du quotidien avec plus de sérénité. Gestion du stress, des émotions, de la douleur, amélioration de la confiance en soi, de la concentration, en cinq ou six séances, la sophrologie permet de se concentrer sur le côté positif d’une situation et d’en tirer le meilleur.
Mais attention, Marie-Ange Brunelli tient à préciser : « La sophrologie ne peut en aucun cas se substituer à un suivi psychologique et médical. Elle vient en complément de ce suivi. Toutefois si le patient n’a pas d’autre besoin, elle peut être utilisée comme une thérapie courte et ciblée. » Depuis l’ouverture de la Maison des Adolescents, la sophrologue a dû répondre à différentes demandes. « Les enfants sont stressés par les notes, les examens, par l’image qu’ils renvoient. Ses problématiques arrivent de plus en plus tôt. Ils aspirent à un idéal inatteignable, une image déformée notamment par les réseaux sociaux. Ils s’imaginent ne pas être à la hauteur de ces nouveaux standards de beauté ou de performance sans se rendre compte que ce qu’ils voient n’est pas la réalité. »D’où l’importance de mettre des mots sur leur malaise, de faire un pas de côté pour reprendre son souffle. Littéralement.
« Il y a plusieurs temps dans une séance. Un temps d’écoute, un temps d’explication des mouvements, un temps pour expérimenter les exercices et enfin, un temps d’échange. Il est important de savoir comment ils ont vécu la séance, ce qu’ils ont ressenti, pour pouvoir avancer en s’adaptant au mieux à leurs besoins. » Leurs besoins, leurs demandes, leur rythme. Même si les jeunes sont accompagnés par leurs parents ou invités à consulter par d’autres professionnels de santé, ils seront reçus en tête à tête par Marie-Ange Brunelli qui respectera leur volonté. Rien ne se fera sans leur accord. Ils sont libres de revenir ou non. « L’écoute de ces jeunes est essentielle. Et il faut les encourager à s’exprimer mais sans les braquer. En ce sens, la Maison des Adolescents est un lieu ressource et de ressources où toutes les questions peuvent être posées, où tout peut être dit sans avoir peur d’être jugé. »
Liberté et bienveillance
Un lieu ouvert à tous, anonyme, confidentiel et gratuit, accessible sans l’aval des parents qui peuvent néanmoins bénéficier d’un accompagnement personnalisé. C’est ainsi que Marie-Pierre Pezzano a imaginé la Maison des Adolescents du Pays Ajaccien. C’est ainsi qu’elle la fait vivre.
Marie-Pierre Pezzano est éducatrice spécialisée. Après avoir œuvré de nombreuses années dans le secteur de la prévention, elle participe à la suite de la crise du Covid au développement de l’Espace Santé Jeunes. Plus récemment, l’Agence Régionale de Santé lui confie la mission de préfiguration de la Maison des Adolescents. Différents diagnostics et constats sont posés et une conclusion s’impose : une structure entièrement consacrée au bien-être des jeunes animée par des professionnels de santé est plus que nécessaire.
L’ARS qui a fait de la santé des jeunes une priorité portera le projet alors qu’un groupement d’intérêt public présidé par Hélène Dubreuil Vecchi se met en place pour assurer une partie de son fonctionnement. Ainsi, la Capa, la Collectivité de Corse, la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la Falep, la CPAM, la mission locale, la MSA et enfin l’Éducation nationale se sont logiquement retrouvées autour de cette initiative.
Située au 75 cours Napoléon à Ajaccio, la Maison porte bien son nom. Une ambiance cosy, des couleurs apaisantes, un salon, des espaces privés, un coin cuisine… Tout a été pensé pour que les jeunes s’y sentent à l’aise. Un point essentiel pour la désormais directrice Marie-Pierre Pezzano. « Le jeune peut arriver avec ou sans rendez-vous. Nous l’accueillons, nous nous présentons avant de lui faire visiter les lieux, de boire un café, de discuter sans fard. Dans un deuxième temps, nous parlons de nos missions et des professionnels présents pour lui : psychologues, sophrologue, diététicienne. L’évaluation des besoins se fera lors d’un entretien en tête-à-tête dans un petit salon privé. Dans tous les cas, l’adhésion du jeune homme ou de la jeune femme est essentielle. Il n’y a aucune obligation. Il peut s’agir d’un simple rendez-vous ou d’un accompagnement plus long. Nous ne forçons rien. »
Liberté et bienveillance pourrait être la devise de la Maison des Adolescents du Pays Ajaccien qui ouvre ses portes aux jeunes âgés de 11 à 25 ans, sans restriction et sans condition. Tout le monde est le bienvenu y compris les publics plus éloignés qui ne font pas partie de la Capa. Le champs d’action de la MDA couvre en effet tout le territoire de la Corse-du-Sud à l’exception de la région de Porto-Vecchio et Bonifacio qui a déjà sa propre structure.
Si la Maison est tournée tout entière vers l’accompagnement des jeunes, les parents peuvent aussi être guidés et bénéficier d’un suivi. « Depuis le mois d’avril, nous avons reçu essentiellement des mamans qui rencontrent des difficultés avec leurs enfants, qui ne savent plus comment leur parler. Dans ce cas, nous pouvons proposer une médiation et une prise en charge du parent mais avec un professionnel différent. Le même psychologue par exemple ne suivra pas les parents et leur enfant mais tout sera fait pour renouer le dialogue. » En respectant le choix et les envies des jeunes qui restent au centre de la démarche. Pour Marie-Pierre Pezzano, ils sont le moteur du changement. « Même si tout va bien en apparence, certains jeunes peuvent être porteurs de souffrance. Ils subissent les injonctions de la société, cette obligation d’être physiquement parfait, bon en tout. Cette pression entre autres choses peut être source d’angoisse, de colère, de décrochage scolaire ou encore de troubles alimentaires. Les craintes sont multiples, de la réussite à un examen à l’avenir de la planète ! Il est important qu’ils sachent que quelle que soit la question, quels que soient leurs doutes ou leurs difficultés rien n’est tabou à la MDA. »
S’accepter et retrouver l’équilibre
Y compris lorsqu’il s’agit de parler de sa propre image, de son propre corps. Célia Sarossy, diététicienne nutritionniste, ingénieure agroalimentaire formée à l’hypnose dans le cadre des problématiques nutritionnelles fait partie de l’équipe de la Maison des Adolescents. Sollicitée par Marie-Pierre pour mettre ses compétences à disposition de ce public si spécial, Célia n’a pas hésité : « Les ados me touchent particulièrement, j’aime être à leur écoute d’autant plus qu’il n’y a pas tellement d’espaces où ils peuvent être écoutés et entendus quoi qu’ils aient à dire. Partout il faut aller vite, là non. C’est ouvert, flexible, on peut ralentir les choses. C’est essentiel pour se sentir à l’aise, arriver à une certaine sérénité, pour eux comme pour moi. »
Pulsions alimentaires, boulimie, hyperphagie, anorexie ou « simples » déséquilibres, selon la jeune femme 80% des ados présenteraient des troubles de l’alimentation. « Ces jeunes traversent une période charnière de leur vie où leur corps se transforme sans qu’ils n’aient leur mot à dire. Et en plus, ce corps s’éloigne naturellement des standards insensés promus par les réseaux sociaux. Ils sont paniqués, c’est très perturbant. Mon rôle est de les aider à avoir une relation saine avec l’alimentation et leur physique. Je les encourage à être bienveillants envers ce corps mais c’est très difficile. » La patience est la clé. D’autant plus que les conseils de Célia ne s’arrêtent pas à l’adolescence. « Dans la pratique, il s’agit de trouver le mode alimentaire qui convient à la personne, d’adapter et d’adopter les bons réflexes : c’est quoi une bonne alimentation pour moi ? C’est quoi la faim ? La satiété ? Comment se faire plaisir sans excès ? C’est vraiment une question de bien-être durable. »
À peine opérationnelle, la Maison des Adolescents pense déjà à la suite. Ateliers, projets collectifs autour notamment de l’alimentation, du sport, de l’addiction sont à l’étude. Tout dépendra des demandes émises par les jeunes usagers. De plus, la MDA souhaite jouer pleinement son rôle et contribuer au réseau de professionnels dédié à la santé et à la jeunesse. « Les établissements scolaires, l’ensemble des partenaires sont informés de nos services et de nos missions. Certains, comme la Mission locale, le Centre Intersecteur pour l’Adolescence (Cisa) ou France Addiction viendront chez nous pour présenter leurs actions. Par ailleurs, si la Maison n’a pas les ressources en interne pour répondre à une demande, nous irons chercher un spécialiste qui interviendra directement à la MDA pourne pas que la personne en attente soit obligée de passer d’un bureau à un autre. » Un passage de relais dans un espace protégé. Encore une fois, tout est fait pour faciliter le parcours des jeunes qui décident d’entrer dans cette maison pour le moins atypique avec une équipe qui n’est définitivement pas là par hasard. « Si ça peut permettre à d’autres jeunes d’être aidés, c’est super », souligne Florent qui a tenu à partager son expérience. « En plus c’est gratuit, idéal pour les personnes qui n’ont pas forcément les moyens de payer ces consultations. Et j’ai toujours reçu un très bon accueil, l’équipe est top ! » Parole de jeune.
Maison des Adolescents du Pays Ajaccien
75 cours Napoléon – Ajaccio
Du lundi au vendredi de 12h à 19h
Samedi matin de 9h à 12h
Tel : 04 95 24 39 94
Instagram : @mda_paysajaccien
Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.