Edito : Décembre 2013
Le chant du cygne
Il était une fois la ruralité. Evoquerons-nous bientôt la désertification de l’intérieur sous forme d’un conte nostalgique ? La question prend un relief particulier avec la préparation des municipales. Dans maints villages accrochés aux montagnes et tutoyant les cieux, des maires âgés jettent l’éponge mais personne ne peut prendre la relève. Le désert corse se rappelle à notre bon souvenir lors de cette consultation démocratique. Le cas de Alzi, est emblématique, mais nullement isolé. Ici et là, en ces lieux de haute solitude, constituer une liste relève du parcours du combattant. Trouver sept ou huit citoyens symbolise déjà une victoire. A la Pyrrhus. En trompe-l’œil. Illusoire. Elle contraste singulièrement avec le discours de nos élites régionales, qui évoquent à l’envi une revitalisation à portée de main. Méthode Coué ? Sans doute. Argutie proche du déni de réalité ? Possible.
Inverser la tendance implique une véritable stratégie soucieuse de créer une économie rurale. Actuellement la vie semble artificielle. Le silence ambiant se brise uniquement lors du week-end, ou des vacances estivales. Tragédie pour certains. Mouvement sociétal inexorable pour d’autres. Le constat est prégnant. Implacable. Continu. Irréversible ? Nullement affirment ces militants du renouveau. Ils se battent au quotidien et sur place pour casser la maléfique spirale. Mais une telle résurrection ne se nourrira pas de mots. Goudronner les voies d’accès, refaire les édifices. Bref bénéficier de subventions diverses et variées peuvent être un satisfécit pour les maires. Tout en alimentant les illusions perdues.
Voilà qui fait éclore l’urgence des regroupements. L’intercommunalité, sans être le remède miracle, peut devenir une thérapie salutaire pour ce grand corps malade. Mettre en commun une stratégie de reconquête. S’unir par Pieve ou microrégions. Voilà un chemin qu’il conviendrait d’emprunter. Cela implique de briser cet esprit de clocher pour œuvrer ensemble. En corollaire il convient d’enterrer cette sorte de pensée unique martelant qu’hors du littoral point de salut. La politique publique serait bien inspirée de s’imprégner que bord de mer et intérieur loin d’être antagonistes doivent revêtir les habits de la complémentarité. Car aujourd’hui le fossé ne cesse de s’élargir, façonnant une île à deux visages. Les lumières de la ville, le noir de nos campagnes. Les vagues spéculatives du littoral, l’abandon et les maisons en ruines qui hantent la montagne.
D’ores et déjà Bastia, Ajaccio et leurs périphéries accueillent la moitié de la population insulaire. Toujours plus ? Mais au-delà de ces migrations, le sociologue perçoit un changement d’habitudes et de valeurs liées aux modes de vie urbains. Tandis qu’en effet pervers les villages sont la proie de la précarité, de la délinquance. Et des petites frappes qui volent dans les maisons inhabitées depuis la mort des propriétaires. On le déplore à Asco, et ailleurs. Le chant du cygne ?
Jean Poletti
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