Edito – Juil/Août 2015

Touriste si tu savais !

Par Jean  Poletti

Bienvenus, juillettistes ou aoutiens qui foulez notre île. Vous débarquez en un lieu trop souvent victime de clichés infondés. Fainéantise. Prébendes. Omerta. Autant de fausses accusations qui  forgent dans l’hexagone une vision irritante.  La Corse a ses travers. Mais les assertions globalisantes,  entretenues au fil de l’histoire constituent à l’évidence un mensonge qui confine parfois au racisme.  Sans verser dans la grandiloquence osons rappeler que chez nous se constituèrent  avec Sambucucciu et Paoli les premières démocraties d’Europe. Dont l’une inspira la constitution des États Unis d’Amérique. Ici furent  brisés neuf mois avant le continent le joug nazi et fasciste. Et c’est Ajaccio et non Sainte-Mère-Église qui devint la première commune   de France Libérée.  Avez-vous connaissance que chez nous  aucun juif n’eut à subir les affres de la délation.  Êtes-vous conscients  qu’ici les femmes eurent droit de vote au quatorzième siècle. Ou que l’organisation administrative qui régit encore le pays  fut initiée par un certain Napoléon.   Pourtant dans une dualité réductrice et pour tout dire fallacieuse, la Corse  allie uniquement  paysages grandioses et terre de banditisme.  Le prisme déformant fait le miel les détracteurs.

La caricature est prolixe au café du commerce et déborde dans les sphères étatiques. Jusqu’au paroxysme illustré par la saillie de Michel Poniatowski, ancien ministre de l’intérieur,  martelant que nous avions le chromosome du crime ! Et lorsque Manuel Valls  dit que nous sommes responsables par notre silence des chroniques sanglantes il participe à ce dénigrement.   Comme si  les bandes et les gangs  entonnaient, sous l’air des lampions,  les exactions et règlements de comptes qu’ils s’apprêteraient à  commettre.  Il  oublie  ces rendez-vous discrets entre tel ex-préfet de police et des fugitifs.  Il  passe au chapitre de l’amnésie   cette spectaculaire conférence de presse dite clandestine, qui reçut la bénédiction d’un de ses prédécesseurs de la Place Beauvau. Lui et d’autres ont des sémantiques différentes  pour évoquer les fusillades de Marseille ou aux périphéries de la capitale et celles qui malheureusement sont à déplorer dans l’ile. Là-bas il s’agit de classiques  affrontements entre bandes rivales. Ici d’un phénomène de société.  Nul n’en disconvient, la Corse est malade. Économiquement et socialement. Une dualité qui irrigue le terreau de la violence. Sans doute se cherche-t-elle un destin collectif. Briser la maléfique spirale.  Mais  au lieu de la main tendue  républicaine,  elle reçoit les gifles de l’injustice.  De Gaulle à son mystère comme nous avons la Corse disait le grand Malraux. Oui, ici  l’écrasante majorité  tente de survivre malgré les vents contraires. Elle n’est pas repliée et ne rêve nullement d’autarcie.  Pourtant  le discours dominant, presque une pensée unique, qualifie une île,  déjà victime, en coupable désignée. La double peine !

Ami vacancier, en faisant trempette ou lors de randonnées, daigne accepter l’espace d’un instant que l’écrasante majorité du peuple ne se reconnait pas dans  le bon sauvage cher à Rousseau ou les élucubrations de Mérimée.

 

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