Edito – Février 2015
EDITO
Un devoir d’humilité
Par Jean Poletti
La Corse a souvent l’art et la manière de polémiquer sur tout et n’importe quoi. Un problème, une éventualité, un projet ouvre les colonnes médiatiques aux antagonismes. Le dialogue, la synthèse plient et se volatilisent sous les assertions parfois aux lisières de l’invective. Le nombrilisme aidant, détracteurs et laudateurs dressent une ligne étanche, ne laissant place a aucun compromis. Chaque camp se drape dans une certitude d’airain, utilisant une phraséologie fréquemment exagérée pour défendre sa position. Refusant de céder un pouce de terrain. Fut-ce au prix de l’échec total ou du statu-quo. Au gré du temps et des situations, des dossiers initiés par des édiles ou tels représentants de la société civile sont d’emblée voués aux gémonies ici, et encensés là. A priori, jugement à l’emporte-pièce, refus d’écoute et d’analyse scindent, amputent détruisent. Et finalement nourrissent cet immobilisme, paradoxalement unanimement condamné.
Notre communauté, si prompte à se quereller sur des questions à maints égards subalternes est aussi capable d’union et de rassemblement lors de circonstances majeures. Notre histoire fourmille d’exemples, dont certaines mériteraient d’être inscrites au fronton de l’héroïsme collectif. Sans remonter aux calendes grecques, rappelons que les résistants se débarrassèrent du joug hitlérien contribuant ainsi à faire de l’ile le premier département libéré. Tandis qu’aucun Juif n’eut à subir la délation, synonyme de voyage au bout de l’enfer.
Et si l’on se réfère à la sanglante actualité nourrie de fanatisme religieux, les rassemblements spontanés du Cap a Bonifacio indiquent mieux que longues explications la capacité citoyenne à se dresser contre les fous d’Allah. Certes nul enseignement exhaustif ne doit être tiré. Bien sûr l’extrapolation serait exagérée. Pour autant, nier que cette mobilisation du peuple est riche d’enseignements s’avèrerait tout autant infondée. Des gens, bousculant les barrières générationnelles, corporatistes ou politiques, ont spontanément ressenti le besoin de se réunir. Et dire, dans un éloquent silence, qu’il était des moments qui transcendent les vies individuelles pour se fondre dans un destin commun. Celui qu’offrent la démocratie et la République. Au-delà d’une réaction spontanée ce fut un instant d’humilité et d’introspection. Comme si de telles tragédies renvoyaient nos dissensions, dont nous sommes si friands, au niveau secondaire qu’elles n’auraient jamais du quitter.
Gageons que nous retiendrons cet instant de concorde, source de progrès partagé. Prémices d’une Corse plus sereine, qu’appellent de leurs vœux ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas.
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