En voeux-tu en voilà !
Par Jean Poletti
Pace e salute. Ce leitmotiv est un rituel. Une formule obligée d’une année, l’autre. Mais chez nous, c’est aussi une forme de supplique dans un avenir moins tumultueux, puisqu’il donne la primauté à la paix, avant la santé. La Corse d’hier, percluse de drames et de vengeances. Mettant en scène cette justice privée, que dans une forme d’éphémère incantation de chaque premier de l’an, le traditionnel vœu voulait exorciser.
La violence endémique, qui structurait malheureusement l’existence d’une communauté, s’est fort heureusement atténuée. Mais une autre forme d’agression, plus pernicieuse, délite notre société. Elle altère le fameux vivre ensemble, trouble les différentes générations et dessine une Corse à plusieurs visages, dont les regards s’ignorent superbement. Sauf à se dissimuler derrière l’illusion, toutes les explications du monde ne pourront interdire d’affirmer que notre île est proche du décrochage économique. Un chômage endémique, une jeunesse déboussolée. Des retraités devenus nouveaux pauvres. Bref, une communauté orpheline de repaires et de lisibilité. En scrutant cet horizon ourlé d’inquiétudes, une population semble désemparée. Étreinte par le doute. Figée dans l’expectative. Pace e salute. Oui bien sûr. Cette dualité conditionne dans un saisissant raccourci l’essentiel de la vie. Mais pour les nouvelles générations, l’avènement d’une véritable santé… sociale devrait également figurer au fronton des souhaits. À qui sait écouter, le bruit de fond d’un malaise sociétal vient troubler l’harmonie d’un instant, qui marque la fin des quatre saisons.
De manière prosaïque et presque dans un réflexe ultime, la Corse a remis son destin collectif dans l’escarcelle nationaliste. Elle veut sans doute encore croire non pas aux lendemains qui chantent, mais en un futur moins austère. En se raccrochant à un discours volontariste, une communauté casse les codes, se détourne des propos classiques, et fait un énorme pari. Réussir là où tant d’autres ont échoué. Contribuer à sortir une île de l’ornière. Voilà l’attente. L’enjeu est énorme pour les nouveaux dépositaires de cette quête essentielle. Ils en sont à l’évidence conscients. L’année qui s’ouvre sera celle de tous les défis pour redorer le blason de la Corse. Le chantier institutionnel se double sans conteste de pans entiers économiques et sociaux à rebâtir. L’architecte Gilles Simeoni et son équipe doivent certes répondre aux espoirs de ceux qui majoritairement leur ont fait confiance. Mais en corollaire, ils devront – avec leurs opposants cette fois – briser cette spirale du désintérêt de la chose publique qui métamorphose la citoyenneté en abstentionnisme.
Sans aller jusqu’à dire que notre île est dans le pétrin, nul ne disconviendra qu’il y a du pain sur la planche.
Étrangement, ou sans doute en regard des enjeux, le Pace e salute qui est sur toutes les lèvres revêt cette fois un relief singulier. Celui d’un credo qui dépasse la simple tradition pour atteindre les rivages d’un authentique espoir. Celui qui allie, au-delà de la quiétude collective et l’absence de maladie, un essor partagé. Et le retour dans la société insulaire de tous ceux que les coups du sort ou le marasme ambiant ont jeté sur les bords du chemin.
Ce Pace e salute est assurément semblable et différent de ceux qui l’ont précédé. En cela, il prend tout son sens et devient précieux à tous égards.
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