Edito : Juin 2014
Le palais des chimères
Les jeux sont faits. Rien ne va plus. Au grand casino des idées la Corse flambe ses dernières mises. Assaillie de problèmes, percluse d’inconnues, elle paie comptant les récurrentes erreurs et l’absence d’une stratégie lucide. Le mal vient de loin. Il s’enracine sur le terreau de l’illusion irrigué par le déni de réalité. Dans une folle fuite en avant, les questions essentielles recevaient inexorablement de fausses réponses. Vains palliatifs, s’apparentant à dissimuler la poussière des problèmes sous le tapis de l’histoire. Les transports maritimes sont devenus un véritable goulet d’étranglement. La précarité devient monnaie courante. L’immobilier flambe et tue. Le chômage met une jeunesse à genoux. La ruralité s’habille d’illusions. L’économie joue un requiem. Triste spectacle. Une société part à vau-l’eau. Et tandis que le navire coule, des faux timoniers se complaisent encore dans de vaines polémiques, sur le pont des soupirs.
En finir avec le mille-feuille administratif ? Vous n’y pensez pas mon prince. Laissez nous nos trois cents soixante communes, les intercommunalités, et les floraisons de syndicats mixtes. De grâce que perdurent les conseils généraux et la collectivité territoriale. Qui fait quoi ? Empiètements de prérogatives ? Morcellement des compétences ? Méandres indéchiffrables ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse de l’élu. Même si l’ile doit pour cela boire le calice jusqu’à la lie.
Notre région, est-elle la Lozère ou quelque coin banni des dieux ? Nullement. Elle regorge de potentialités naturelles, et de personnes qui allient volonté et esprit d’initiative. Mais ce panel de richesses ploie sous le joug d’une organisation sclérosée. Alimentée par un conservatisme suranné, qui engendre l’immobilisme et fait éclore les fruits amers du malheur.
Voilà bien des années déjà, des voix s’élevaient pour dire et affirmer que notre région vivait sous perfusion. Transferts sociaux et subventions étatiques palliaient l’absence de ressources propres. Eternel recommencement. Sous le soleil, la misère. Un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. L’agriculture est moribonde. Le monde entrepreneurial s’asphyxie. Et l’on nous ressert sans cesse et toujours l’antienne interrogative quel tourisme pour la Corse ?
Par un curieux hasard, qui défie l’entendement, dès que certains élus esquissent des pistes nouvelles, d’autres se lient en une alliance de circonstance pour tenter de les pourfendre. Statut de résident ? Discriminatoire. Le plan d’aménagement ? Illusoire. Evolution institutionnelle ? Vouée à l’échec. Cet antagonisme qui transcende les clivages politiques traditionnels a reçu une première réponse lors des dernières municipales. Deux places fortes, symboliques entre toutes sont tombées sous une offensive générationnelle. Une recomposition s’esquisse. Dire la forme qu’elle prendra relève de l’incantation ou des augures de la pythie. Mais l’avertissement est clair. Malheur à ceux qui ne l’entendront pas.
Jean Poletti
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