Edito – Juin 2015

Eternel recommencement

Par Jean Poletti

Oh les beaux jours, s’exclamait  Samuel  Beckett. Ils arrivent.  Chassant les indésirables frimas et annonçant l’été.  Le temps d’une saison sont éclipsés les problèmes d’une Corse. Les rayons du renouveau souhaité vont momentanément  percer les  noirs  nuages de l’économie. Et atténuer les rigueurs de la précarité. Cette parenthèse, offerte à la population,  n’équivaut pas à une trêve estivale dans le landerneau  politique. Bien au contraire. L’effervescence règne à l’ombre de la discrétion.  Tous les états majors veulent être en ordre de bataille dès que tomberont les premières feuilles automnales. Les territoriales sont dans tous les esprits et suscitent parfois des coups de chaleur. Malgré la hausse du thermomètre rien d’essentiel ne transpire de ces stratégiques rencontres.  Les éléments de langage, comme on dit aujourd’hui, se fondent dans un moule identique. D’abord les projets, ensuite  l’élaboration des listes. Ben voyons !  Tous prônent main  sur le cœur  l’union  sacrée des sensibilités respectives. Dame, la survie de l’ile est à ce prix.  Transcender les querelles, faire abstraction de ce qui divise dans une même mouvance pour  privilégier ce qui rapproche. Noble dialectique.  Élan généreux.  Altruisme de saison ?  Dans la population nombreux le pensent au regard des récentes empoignades. Désormais les électeurs patentés  ne prennent plus pour argent comptant les  propos de ceux qui affirment agir exclusivement  pour le mieux-être de la société et du peuple.  La campagne qui s’ouvre sera tout à la fois semblable et différente de celles que nous connûmes précédemment.  Cette fois, on dissertera bien évidemment sur la fameuse collectivité unique, le Plan d’aménagement et de développement, la coofficialité ou le statut de résident.  Avec en toile de fond l’affrontement entre Jacobins et Girondins. Les vrais projets de société, marqueurs de la gauche et de la droite, seront mis sous l’éteignoir  pour ne laisser affleurer que les concepts progressistes  ou républicains, mis à toutes les  sauces. Demain comme hier le bon peuple assistera au temps des cassures. Il verra éclore, comme d’habitude, un nombre pléthorique de candidatures. Certaines pour jouer le titre, d’autres limitant  leurs ambitions  au score  nécessaire pour   fusionner et ainsi avoir une chance d’être dans  l’équipe lauréate.

Ces divergences internes entre  camarades, compagnons  ou fratelli  n’ont pas l’aspect de nouveauté. Ils sont récurrents depuis  trente cinq ans,  date de la première élection  de l’Assemblée de Corse !  Mais  chacun feint de croire  qu’il s’agit d’une grande première. En oubliant que chez nous  la politique est comme l’histoire, un éternel recommencement.  Ou comme le disait fort justement Gramsci : Faudra-t-il que tout change pour que tout reste pareil ?

 

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