Edito – Mai 2015

Le véritable combat

Par Jean Poletti

La Corse était cigale, deviendra-t-elle fourmi ? En ces temps de pénurie, nécessité semble faire loi. Il est vrai que l’Europe et l’Etat ne sont plus ces  bienfaisants  tonneaux  des danaïdes faisant couler sur l’ile des subventions multiples et variées. La doctrine  de la rente masqua  longtemps une économie atone. Pis encore elle tint  souvent lieu de politique.  Revers de la médaille, l’absence de stratégie  de développement hiérarchisant clairement les priorités et répondant aux véritables besoins des habitants. Le résultat ? Logements en panne, chômage augmentant deux fois plus vite que la moyenne nationale, petites entreprises et artisanat aux abois. Comble d’inconséquence, le tourisme fut même officiellement qualifié de mal nécessaire !  Tandis que les plans  locaux d’urbanisme  sont  systématiquement  annulés par les  magistrats administratifs. Et pendant ce temps les collectivités embauchèrent à tour de bras  au  point que les budgets de fonctionnement  obèrent les nécessaires  investissements.  Le réveil est brutal. La prise de conscience cruelle.  Le nouveau maire d’Ajaccio  fait de la chasse au gaspi sa priorité. Sitôt réélu le président du département de Haute-Corse annonce un moratoire des  recrutements. Ici un Palais des congrès aux déficits abyssaux. Là un établissement paramédical aux portes closes, peu après avoir été inauguré en grande pompe.  Inutile de poursuivre. Les exemples abondent.  Ils sont connus de tous. Certains sont même rentrés  dans le  Guinness book  local à l’image d’un délégué aux abattoirs, qui conserva titre et  fonction alors que la structure n’existait plus depuis belle lurette !

Ces anecdotes prêtent à sourire. En ce domaine, la Corse n’a pas l’apanage de ces abus. C’est  un mal Français en quelque sorte. Mais cela ne doit pas nous consoler.  Non pas dans quelque souci d’exemplarité, mais simplement  parce que la communauté insulaire est dos au mur. Elle a décroché. Sans un sursaut collectif elle restera à la traine  le jour ou la reprise  économique sera perceptible ailleurs.  Tendre la sébile, vilipender Paris et Bruxelles  de moins bourse délier  équivaut a s’exonérer  de nos propres errements.  En contre point du discours  dominant, frappé au coin des sempiternelles illusions, des voix s’élèvent pour dire qu’un avenir collectif est possible.  Oui,  la Corse peut avoir un destin tournant résolument le dos   du non développement, masqué par les subsides, qui fait le lit des bandes et des gangs. Il faut avoir le courage de regarder la réalité  en face. Entre l’intégrisme vert voulant faire d’une région en sanctuaire juridique, la frénésie spéculative, et les propos lénifiants d’une certaine classe politique existe une autre voie. A condition toutefois que les citoyens le veuillent vraiment !

 

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.