EDITO – Novembre 2015
Padduc, l’affaire se corse
Par Jean Poletti
Planifier l’aménagement et le développement de la Corse semblait relever de mythe de Sisyphe. Vous savez ce brave type qui s’échine à pousser jusqu’au sommet de la montagne un rocher qui roule inéluctablement vers la vallée. Ben non. Le maléfice fut rompu. Après trois décennies d’atermoiements, L’Assemblée adopta son Padduc. Elle le fit presque a bas bruit. Sans tambours ni trompettes comme celles qu’embouchèrent maints édiles lors du vote sur la coofficialité. Désormais, promis juré, la Corse allait bénéficier d’un d’essor partagé aux couleurs de l’identité. Organisation spatiale, social, culture, langue, peuple. Toutes ces notions figurent en lettres cardinales, que l’on voudrait gravées dans le marbre de l’acquis. Mais la doctrine aspirant à conjuguer le possible au souhaitable est-il assez solide pour résister à l’épreuve des évidences ? N’a-t-on pas péché par excès d’optimisme ? Oublié que parfois l’ennemi est l’ennemi du bien ? Cassandre et consorts ceux qui émettent de telles réserves ? Non. Lucidité simplement. Car tout commence maintenant. Il faudra que le document passe par les fourches caudines du contrôle de légalité. Le spectre de l’anticonstitutionnalité plane. Mais les dangers ne se limitent nullement aux contraintes juridiques. D’ores et déjà des voix s’élèvent dans le camp des maires fustigeant la mise a mort de l’essor communal. En contre point et selon un chiama e rispondi désormais bien rodé, les associations de défense de l’environnement crieront à la part du lion offerte aux bâtisseurs. Les juridictions concernées vont être noyées sous une pluie de griefs divers, variés, et antagonistes. Flairant le danger, le conseil exécutif plaida pour que le chef du gouvernement décrète que les recours soient examinés directement par le Conseil d’État. Il essuya un refus catégorique des élus territoriaux. Non au dépaysement du dossier en quelque sorte ! Cela peut paraitre anodin, une simple différence d’appréciation. Mais si l’on daigne faire un peu de prospective, il convient d’admettre que les contentieux devant les tribunaux administratifs, conjuguant saisines, arrêts, appels, vont s’étirer en longueur. Des spécialistes évoquent d’ores et déjà plusieurs années de procédures. Rien à attendre lors de la prochaine mandature, ni peut-être avant la fin de la suivante ! On peut ici le regretter, là applaudir, tout en s’accordant a dire que les jugements de valeur se brisent devant les préceptes de la loi.
Dans l’enthousiasme des délibérations, désireux d’aboutir, en quête d’une majorité qui risqua à plusieurs reprises de se dérober, les partisans du Padduc lâchèrent-ils la proie pour l’ombre ? Réussir, là ou tant d’autres échouèrent. Parvenir à l’épilogue heureux. Tendre jusqu’à l’extrême limite vers l’impérieux consensus pour forger une réussite. Tel était le défi. Ne s’apparente-il pas a une victoire à la Pyrrhus ? Nullement diront main sur le cœur les supporters. Bien évidemment rétorqueront avec la même vigueur les réfractaires. A l’évidence le combat change déjà de nature et d’espace. Il sort de l’hémicycle pour devenir débat de société. Avec en filigrane le plausible veto des édiles locaux et des citoyens érigés en sentinelles vertes. Les débats à la rugosité sincère ou calculée des groupes politiques, laisseront place à un cahier de doléances aux pages noircies d’argumentaires juridiques. Dura lex sed lex. L’adage est bien connu. Et feindre de l’ignorer n’exonère pas du couperet.
Nous revoilà dans ce domaine aussi dans une inversion du processus. La fin devient début. L’oméga un alfa. Comme si l’épilogue d’une délibération n’était qu’un trompe l’œil. Une construction intellectuelle, certes séduisante, mais à la fragilité du cristal. Que les coups redoublés qui lui seront portés risquent de faire voler en éclats. La longue marche du Padduc ne fait que commencer….
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