Brûlantes polémiques
Par Jean Poletti
Flammes d’enfer. Paysages lunaires. Allumettes assassines. Tapis de cendres. Corse blessée. Stigmates indélébiles. Traumatismes. La mort qui rodait. L’été fut marqué au fer rouge. Les incendies voilèrent le farniente d’une atmosphère angoissante. Teintée de colère. L’heure de la rentrée ne peut cette fois occulter une véritable introspection sur cette tragédie écologique qui risqua aussi d’être humaine. Il convient d’en finir avec les sempiternelles réactions compatissantes, larmoyantes qui ravalent les feux à une sorte de fatalité nourrie par la canicule. L’automne qui s’installe ne devra pas être synonyme d’oubli. Trop souvent en effet les cendres furent glissées sous le tapis du silence sitôt que tombaient les premières châtaignes. Pour revenir d’actualité avec le retour des beaux jours. La liste des sinistres ressemble à un inventaire sans cesse rallongé. Il renvoie en ombre portée à cette stèle du souvenir, enveloppant dans un éternel silence ceux qui périrent en luttant contre les insatiables flammes.
Défigurer notre île est devenu chez certains esprits retors une arme fatale pour assouvir une vengeance, réparer une injustice, concrétiser une jalousie. Détruire un patrimoine. Susciter l’effroi et mettre des vies en péril. Les larmes de Pierre Vivoni, maire de Sisco devant le spectacle lunaire de sa commune valent mieux que longues digressions.
Certes, il convient de souligner la vaillance des pompiers et autres pilotes de bombardiers d’eau. Nul ne remettra en cause leur efficience, qui parfois tutoie l’abnégation. Mais tisser de légitimes louanges n’interdit pas d’évoquer en corollaire l’omnipotence d’une véritable industrie du feu. Une rente qui ne connait pas la crise. Elle empoche, grâce aux sinistres, de copieux dividendes. Quand il ne s’agit pas de lucratifs accords commerciaux. A cet égard souligner que la France put vendre plusieurs Airbus au Canada à condition qu’elle achète des Canadair relève du secret de polichinelle.
Bannir la polémique n’interdit nullement de poser une problématique, trop souvent dissimulée derrière un écran de fumée. Le sujet parait encore tabou. Et pourtant la stratégie privilégiant outrageusement la lutte atteint ses limites et son inanité quand chaleur et sècheresse se conjuguent. Nous en eûmes récemment encore la cuisante démonstration ! Sans qu’il faille nécessairement rechercher une relation de cause à effet, nul n’infirmera qu’en corollaire la prévention demeure le parent pauvre. La variable d’ajustement. Presque un prétexte. Et pourtant les spécialistes affirment qu’une forêt exploitée ne brûle pas. Chez nous la ruralité devient un mythe, une chimère. Les paysans ont déserté, laissant maquis et ronces régner sans partage. Eux savaient allumer des contre-feux efficaces. Interdits par la règlementation ! Les troupeaux de caprins et les cheptels bovins ne sont plus ces nettoyeurs naturels qui se nourrissaient de végétaux devenus depuis de véritables tapis d’amadou s’enflammant à la moindre étincelle. Le palliatif ? Larguer du produit retardant !
Attisant les braises de la philippique gratuite l’inénarrable Christophe Barbier affirma que si la Corse était indépendante, Gilles Siméoni ne disposerait sans doute pas du concours des Canadair ! Haro sur Pascal, honte à Descartes, ils n’avaient pas prévu que les neurones aussi pouvaient s’enflammer!
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