Élections sous tension
Le risque populiste existe bel et bien en France. Et même si les extrêmes ont enregistré des contreperformances lors des élections régionales, marquée par une abstention massive. À l’instar de plusieurs de nos voisins, nous n’échappons pas à cette vague qui traverse les démocraties libérales. À moins d’un an de l’élection présidentielle, Marine Le Pen conforte son potentiel électoral. C’est ce que révèle la dernière vague de l’enquête menée par la Fondapol en avril 2021.
Par Vincent de Bernardi
Pour le premier tour de l’élection présidentielle de 2022, elle est créditée du potentiel électoral le plus élevé de tous les candidats déclarés ou supposés. Avec un minimum de 10% (« certains » de voter pour la candidate RN) et un intermédiaire de 20% (« certains » ou qui ont « de fortes chances » de voter pour la candidate RN), Marine Le Pen devance largement ses concurrents. Seuls 5% des électeurs sont certains de voter pour Emmanuel Macron quand 16% disent avoir de fortes chances de voter pour lui. Xavier Bertrand voit son potentiel électoral minimum atteindre 3% et son potentiel électoral intermédiaire 11%. 3% des électeurs se disent certains de voter pour Jean-Luc Mélenchon, tandis que 8% déclarent avoir de fortes chances.
Mais au-delà de ces chiffres, cette nouvelle enquête souligne la « disponibilité à la protestation électorale » des classes moyennes et des classes populaires ; la poursuite et l’affirmation de la droitisation de l’opinion, notamment chez les plus jeunes ; une contestation de la représentation médiatique (61% des personnes interrogées estiment que les médias parlent de sujets qui ne les concernent pas) qui vient compléter la crise de la représentation politique déjà observée. Elle met d’ailleurs à jour un lien entre disponibilité à la protestation électorale et les chaînes d’information en continu, les électeurs proches du RN ou de LR étant plus nombreux à s’informer via ces chaînes, même s’il n’est pas possible de réduire leur audience à un monde de droite. Elle fait également le constat que, pour une majorité des personnes interrogées, les partis d’opposition, de droite ou de gauche, n’auraient pas fait mieux s’ils avaient eu à gérer la pandémie mais aussi un attachement à l’Europe qui n’a pas été altéré par la crise sanitaire ; ou encore l’opinion largement très favorable des Français à un mouvement de décentralisation.
Vote antisystème
À l’approche du scrutin, non seulement l’idée d’une candidature hors des partis n’a pas disparu avec l’expérience du quinquennat d’Emmanuel Macron, mais elle demeure l’hypothèse privilégiée par les électeurs. 55% disent qu’ils pourraient voter pour un candidat ne venant pas des rangs d’un parti politique. C’est bien là l’expression d’une protestation, aux côtés du vote en faveur d’une candidature antisystème (le vote populiste), de l’abstention dont on a vu qu’elle était le signal d’une alerte démocratique et du vote blanc. Cependant, alors que la disponibilité à voter pour une candidature populiste et, dans une large mesure, la propension à s’abstenir, concernent principalement les catégories populaires, le vote pour un candidat qui ne viendrait pas d’un parti est davantage le fait des catégories supérieures. Ils sont plus souvent diplômés de l’enseignement supérieur (60%), appartenant aux CSP+ (60%), aux classes moyennes (57%) plus qu’aux classes populaires (50%) ; artisans, commerçants ou chef d’entreprise (65%), salariés du public (60%) plus que du privé (52%) ; les revenus mensuels de leur foyer sont supérieurs à 3 500 euros (63%) et ils sont plutôt âgés de 35 ans et plus (56%).
Abstention démocratique
C’est aussi le signe d’un rejet de plus en plus marqué des partis qui ont gouverné tour à tour sous la Ve République, en particulier le PS et LR, qui sont discrédités par les catégories populaires comme par les catégories supérieures. Les catégories populaires optent, elles, pour un vote antisystème, en apportant leur soutien à un parti populiste, ou pour un retrait du jeu politique dans l’abstention. C’est ce qui fait dire à Dominique Reynié, le directeur de la Fondapol, que les partis traditionnels sont en train de perdre la maîtrise de l’élection présidentielle qui était la clé de leur contrôle de la vie politique depuis 1965.
En 2017, la présidentielle a été marquée par une opposition inédite : d’un côté, une candidature hors système, celle d’Emmanuel Macron, sans passé électoral ni parti constitué ; de l’autre, une candidature antisystème, celle de Marine Le Pen, à la tête d’un parti populiste. Ce fut l’avant-goût d’une confrontation qui s’installe au cœur de l’élection présidentielle. Or, depuis l’élimination au premier tour de 2017 des candidats présentés par la droite et la gauche traditionnelles, la défiance à l’égard des partis n’a cessé de s’accentuer.
Le prisme des primaires
Les partis défaits, depuis 2012 pour la droite et depuis 2017 pour la gauche, ne sont pas parvenus à retrouver le soutien de l’opinion. Leur impopularité obère les chances de succès des candidats qu’ils choisissent, dès lors qu’ils parviennent à les choisir.
Les primaires ont montré, il y a cinq ans, que lorsqu’elles étaient « identitaires » et non électorales, elles ne sélectionnaient pas le meilleur pour gagner mais le plus à même de satisfaire son propre camp. Or, une élection présidentielle ne fonctionne pas comme ça.
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