Véronique Silvy exerce le métier d’architecte d’intérieur depuis plus de vingt ans. Chaleureuse et discrète, elle a construit son succès sans bruit mais non sans talent. Elle réalise des lieux où l’on a l’heureuse tendance de se sentir immédiatement comme chez soi, elle perfectionne l’espace par sa maîtrise de la couleur, de la lumière et ce savant grain d’élégance associés à ce souci permanent du confort. Elle permet de tisser le passé avec le présent, d’inventer l’avenir sans provocation et sans rupture.
Par Anne-Catherine Mendez
Parlez-nous de votre parcours ?
J’ai rencontré mon mari, Jean-Stéphane, au lycée. Après le bac, nous sommes tous les deux partis à Paris. Lui a intégré l’École Spéciale d’Architecture et moi, j’ai été admise à l’Académie Charpentier, une grande école de l’architecture d’intérieur et du design. Diplômée, j’ai intégré le cabinet Jean-Michel Wilmotte, pendant environ un an. Nous avons ensuite créé, avec Jean-Stéphane, une entreprise spécialisée dans les stands d’exposition. Cette période professionnelle a été riche d’expériences en France et en Europe. Le design d’espaces pour des événements permet de véhiculer une idée, un produit avant sa diffusion. C’est une démarche très conceptuelle qui permet de traduire une identité, des contenus pour les rendre immersifs et spectaculaires. Il faut imaginer une scène, des décors qui doivent contribuer à un climat favorable à la vente, à la présentation d’une démarche. Ce sont toujours des aventures créatives valorisantes. En 2000, nous sommes rentrés en Corse, à Ajaccio. À la suite du décès de son père, mon mari a repris le cabinet d’architecture, créé par son grand-père, et moi tout naturellement j’ai poursuivi mon activité au sein de l’Atelier Silvy, en privilégiant l’agencement des espaces publics ou privés localement.
Donnez-nous la définition de votre métier ?
Un architecte d’intérieur est là pour matérialiser les envies des clients. Parfois, il se contente d’intervenir sur la décoration, d’autres fois, il modifie les volumes intérieurs. C’est un chef d’orchestre qui travaille sur la couleur, les circulations, la lumière et compose des harmonies à vivre dans des espaces. Il est aussi psychologue (rire), il écoute les clients et leur propose des possibles que, souvent, ils n’imaginaient pas. Petite, je me représentais toujours devant une grande table à dessin avec plein de crayons de couleur. Je voulais représenter les choses telles que je les percevais, et toujours avec beaucoup de curiosité et d’observation. Je dis souvent qu’un architecte d’intérieur matérialise une idée qui est souvent très personnelle. Je viens en complément de la vision globale de l’architecte. Lui, il conçoit le projet architectural, l’agencement et la réorganisation des différents espaces, et le projet technique, modifications de la structure, implantation des différents équipements… Moi, j’organise les espaces en tant que lieux de vie, alors que l’architecte raisonne en mètres carrés. Par exemple lorsque l’architecte voit des fenêtres, moi je vois de la lumière. Où l’architecte voit des portes et des couloirs, j’imagine les occupants se déplaçant dans le logement. La frontière entre ces deux métiers n’existe que sur le papier, car dans les faits, ils sont étroitement imbriqués. Travailler en tant qu’architecte d’intérieur, dans un cabinet d’architecte, est d’ailleurs une situation idéale. J’ai cette chance ! La cohabitation avec une équipe est essentielle.
Avez-vous un domaine de prédilection ?
Se spécialiser dans un domaine, c’est refuser les autres. J’accompagne à la fois des particuliers et des professionnels. La diversité est très intéressante dans notre métier. Le bouche-à-oreille apporte des projets totalement différents les uns des autres, des maisons, des appartements, des restaurants, des bureaux, des petites ou des grandes surfaces, de la lourde rénovation à la décoration. L’ensemble des interventions sur l’espace à traiter, ouvrir des baies, modifier les cloisonnements, abaisser ou supprimer des plafonds… sont autant d’interventions que l’on perçoit de manière inconsciente et procurent des émotions inconscientes. Que l’on intervienne sur une grande ou une petite surface, l’objectif est le même : repousser les limites du lieu et créer des émotions.
Où puisez-vous vos inspirations ? Comment naît la concrétisation d’un projet ?
La concrétisation d’un projet résulte des réflexions menées sur l’espace, les contraintes techniques et les atmosphères. Le besoin du client est le premier critère à cerner. Comment vit cette famille ? Quelle est la stratégie d’image de cette société ? Il faut comprendre pour penser l’espace. Se mettre en posture d’empathie et se laisser inspirer par le client. Je ne pars pas d’une page blanche. Les contraintes techniques et législatives sont toujours présentes. Il faut réussir à jouer avec. L’ambiance souhaitée est également un critère important. C’est pourquoi je travaille avec de nombreux visuels. Une ambiance contemporaine n’a pas la même signification selon les personnes. Les images, elles, permettent d’identifier clairement ce qui est apprécié de ce qui ne l’est pas. Souvent, je demande à mes clients de venir avec plein d’images puisées dans les magazines, des ambiances, des objets qu’ils aiment. L’inspiration se fait au quotidien, chaque jour dans la rue, chez des amis ou en voyage. Je suis très citadine, très contemporaine dans mon approche du design, les grandes métropoles sont une grande source d’inspiration. En revanche, il ne faut pas se laisser submerger par ses propres goûts et toujours garder à l’esprit qu’un espace de vie qu’il soit public ou privé doit rester authentique.
Y a-t-il une touche unique qui identifie votre style ?
Mon travail des volumes architecturaux est, je crois, caractéristique de mes réalisations. C’est de lui dont découle l’ensemble du projet. Que ce soit la lumière naturelle ou artificielle, les choix des matières et couleurs, tout prend sa source dans cette réflexion. C’est une façon d’envisager l’ergonomie du lieu, une forme plus globale sans jamais se déconnecter du confort, du plaisir de se mouvoir dans l’espace.
Est-ce que vivre en Corse influence votre créativité ?
La Corse est un lieu d’inspiration, car c’est un territoire qui a du caractère, il est riche d’identité, d’authenticité. Les matériaux avec lesquels je peux travailler, comme la pierre naturelle, le bois, illustrent ces valeurs. La clientèle corse est d’ailleurs très sensible à ces matières. Les Corses sont ouverts sur le monde, ils aiment souvent mélanger les objets de famille à une veine très contemporaine. La modernité des espaces sans nier la tradition est sans aucun doute le trait principal que je retrouve dans les désirs de mes clients. Un intérieur réussi est celui qui est lié à la personnalité, au vécu, et non pas à une page de magazine.
Quelle est votre plus grande joie quand vous terminez un projet ?
L’étincelle présente dans le regard du client !
Comment voyez-vous la suite de votre carrière ?
Sans prétention aucune, je crois que je me suis fait un nom dans ce milieu, j’ai inscrit ma signature. Il y a longtemps, quand j’étais encore étudiante, j’ai gagné un prix, pour la création d’une chaise, j’ai souvent pensé faire éditer ce modèle, mais trop de contraintes ont freiné mon enthousiasme. Aujourd’hui, je serais prête à reprendre ce type de projet, il n’est peut-être pas trop tard… Vous voyez, j’ai toujours une part de rêve dans ma tête ! Je suis toujours aussi émerveillée par la concrétisation créative d’une idée.
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