Consécration internationale pour un créateur d’émotions
Fraîchement nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture, Gabriel Diana, 77 ans, est un artiste dont l’humilité n’a d’égal que le talent. Sculpteur et plasticien aussi prolifique qu’éclectique, il revient sur la démarche de création qui l’anime et évoque sa vision de l’art en Corse.
Par Petru Altiani
Il est l’un des piliers de l’art en Corse. Gabriel Diana peint et sculpte comme il respire. « Je suis un fabricant d’émotions », dit-il le regard éclairé d’humilité. Je me nourris d’émotions et les traduis à travers mes œuvres de bronze, de marbre et même de tableaux sculptés. »
Ballottée entre la Corse et l’Italie, sa vie n’en demeure pas moins guidée par la passion et la matérialisation tangible d’une créativité sans frontière. De la fonderie à l’atelier, du local à l’universel, Gabriel Diana laisse libre cours à son inspiration. Tantôt par la sculpture, tantôt par la peinture… Difficile pour lui, d’ailleurs, de préférer une discipline à l’autre.
« Incontestablement, le tridimensionnel a pris le dessus sur la seule image plate et sans relief de la peinture », poursuit-il. Même sur mes tableaux migrent mes sculptures de bronze et le rapport sensuel avec la matière est devenu pour moi indispensable. »
Ingénieur de formation, il confie avoir cessé — il y a plus de deux décennies — de réprimer l’homme Libre en lui pour se consacrer définitivement à la pratique artistique. « Elle était en gestation en moi, mais si le décès accidentel de notre fils unique n’avait pas marqué mon sort, jamais je n’aurais épousé cette voie. »
Aujourd’hui, Gabriel Diana, toujours le cœur à l’ouvrage, compte à son actif des centaines d’œuvres présentes dans le monde entier chez des collectionneurs privés, dans des lieux publics, musées ou fondations.
Sculpteur et plasticien aussi prolifique qu’éclectique, Gabriel Diana a été fait Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, l’une des plus hautes distinctions du ministère de la Culture qui lui a été remise, à Bastia, par la sénatrice de Paris Catherine Dumas, vice-présidente de la Commission Culture au Sénat, en présence de Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse.
Reconnaissance internationale
« J’en ai été très ému », déclare l’intéressé. Il s’agit d’une reconnaissance du parcours accompli au bénéfice de la culture en général et, bien sûr, de l’île. »
À noter que cette nouvelle récompense intervient pour Gabriel Diana dix ans après qu’il ait été élevé au grade de « Cavaliere della Repubblica Italiana » par le président de la République italienne Carlo Azeglio Ciampi, correspondant à la Légion d’Honneur française. Dix ans après aussi l’ouverture du Dian’Arte Museum, situé route des Marines de Borgo. Un lieu culturel désormais incontournable, hébergeant son atelier de création, et exclusivement consacré à ses travaux.
« 2019 est une année très chargée », souligne-t-il. Entre cette remise de décoration des Arts et Lettres que je n’imaginais même pas et qui fut pour moi une véritable surprise, et la soirée d’anniversaire du Dian’Arte Museum du 4 octobre, je suis quelque peu débordé. Ajoutez à ça une excellente année qui a vu les collectionneurs du monde s’intéresser à mes travaux et donc au pain sur la planche pour renouveler les œuvres renouvelables ou en créer de nouvelles… »
Lorsqu’on lui demande de quelles œuvres est-il le plus fier. Il répond sans sourciller : « Je pense de la prochaine… »
Et une autre question se pose. « Peut-on vivre de son art aujourd’hui dans l’île ? » Gabriel se dit convaincu que « oui ; si le professionnel l’emporte sur l’amateurisme ». Pour lui, « la passion ne suffit pas. Il faut d’abord l’école et les bases, ce qui manque en général à grand nombre de prétendants, puis la créativité, qui elle aussi se cultive et un minimum de sens de gestion. Le reste vient avec le temps, mais sans ce parcours, la tâche me semble impossible. Tout comme un avocat, un médecin ou un notaire, on ne s’improvise pas artiste, on le devient ».
Un constat sans appel
Quant à la situation de l’art en Corse, Gabriel Diana dresse un constat sans appel. « Il est notoire que celle-ci est terriblement dégradée et que les artistes ne jouissent pas de cet horizon indispensable pour pouvoir librement exprimer et exporter leur expression artistique. »
Et d’ajouter : « Les aides financières sont souvent politiquement pilotées, et que la loi du 1% artistique ne soit jamais respectée n’étonne plus personne… « Oui, je sais qu’il y a une loi du 1% artistique, mais comme il n’y a pas de conséquences si elle n’est pas appliquée à quoi bon se compliquer l’existence ? » telle a été la réponse d’un politique à la demande du pourquoi elle n’était pas respectée… »
Selon Gabriel Diana, « le non-respect de ces règles qui, soyons sincères, laisse gouvernement, ministère et collectivités totalement indifférents, met l’art en France, mais surtout les artistes corses, en soins palliatifs. Dans un monde artistique où l’individualisme règne en maître, l’artiste insulaire doit marcher sur une corde raide prête à casser à tout instant. La tension entre la totale indifférence institutionnelle, la passion qui l’anime, et un égo souvent démesuré, enferme le créateur dans une forme d’autarcie qui l’expose à des critiques et à des jalousies dès qu’un semblant de succès ose l’approcher ».
Des projets à foison
« Je confesse qu’au tout début de ma tardive carrière, j’ai été suspecté d’être un privilégié, alors que contrairement à nombre d’artistes insulaires, je n’ai jamais joui d’aides financières ni de la moindre subvention de la part des institutions. J’ai été parfois diabolisé et même sournoisement exposé à des critiques et à des coups tordus qui n’ont fait que m’effleurer, ne devant ma croissance qu’à mon engagement et mon labeur. Cette qualité, épaulée par une solide expérience technique acquise hors de l’île, a fini par faire accepter ma valeur, aujourd’hui une nouvelle fois officiellement confirmée ».
Être un artiste reconnu, tout en restant un homme Libre, a un coût que j’ai dû chèrement payer et je ne le regrette pas. » Une confession poignante marquée du sceau de l’expérience, celle qui a forgé l’âme de ce grand artiste. À 77 ans, Gabriel Diana a à cœur de continuer à vivre aujourd’hui « comme si c’était mon dernier jour », glisse-t-il dans un large sourire, « et de faire des projets comme si j’étais éternel ».
Savoir + : www.gabriel-diana.com
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