Horloger créateur – Quand un Corse se montre
AVIA U PRUGETTU DI PARTE IN SVIZZERA DA TRAVAGLIÀ PER UN GRANDE GRUPPU ORILLOGIAIU, MA A PANDEMIA DI COVID-19 HÀ CAMBIATU UN POCU STA VIA. TANDU, À 25 ANNI, JEAN-DOMINIQUE LE MEUR HÀ DECISU DI FRANCÀ U PASSU : METTE IN BALLU A SO PROPRIA ATTIVITÀ IND’U SO PAESE D’A SULINZARA, « A SO PICCULA IMPRESA », CUM’ELLU A DICE ELLU. HÀ VULSUTU FÀ E COSE BÈ, RIPIGLIENDU ANCU STUDII DI GESTIONE D’IMPRESA À L’IAE, IN CORTI, ALLORA CH’ELLU VENIA D’ACQUISTÀ U SO DIPLOMA IN ORILLUGERIA. SENZA PRUVÀ ÙN SI PÒ RIESCE, QUESSA L’HÀ CAPITA STU GIUVANOTTU AGGALABATU È PASSIUNATU ASSAI DA U SO MISTIERU. DI A SO CAMERA ZITELLINA NE HÀ FATTU U SO ATTELLU INDUV’ELLE SÒ NATE E SO PRIME CREAZIONI. SEMPRE À L’ORA, HÀ RISPOSTU À E NOSTRE DUMANDE, À U FILU D’UN BELLU SCONTRU…
Prupositi racolti da Petru Altiani
Jean-Dominique Le Meur, qu’est-ce qui vous a incité à vous former à l’horlogerie ?
J’avais 11 ou 12 ans quand je suis tombé amoureux de l’horlogerie. Je ne comprenais pas pourquoi certaines montres étaient des objets de valeur sans être en métaux précieux, et j’ai appris que ces dernières n’avaient pas besoin de piles pour fonctionner. Ça m’a interpellé et j’ai fait mes petites recherches, j’ai alors découvert ce qu’était un mouvement (mécanisme, ndlr) de montre, c’est là que j’ai mis le doigt dans l’engrenage.
Mon parcours de formation est assez atypique : j’étais à l’internat pour un Bac STI Électronique au lycée Paul-Vincensini à Montesoru, et puis j’ai découvert un cursus de Bachelor en Ingénierie Micromécanique Horlogère à la Haute-École Arc de Neuchâtel. J’ai passé le concours d’entrée et j’étais retenu sous réserve d’obtention de mon baccalauréat.
À 17 ans, je suis donc parti en Suisse pour cette formation et me suis rendu compte que j’allais finir derrière un ordinateur avec assez peu de pratique à la clé. Je me suis alors réorienté vers un cursus de Bachelor en Conservation des biens du patrimoine, avec une spécialisation pour les objets techniques, scientifiques et horloger, et enfin un Master en Conservation-Restauration des Biens du Patrimoine Horloger toujours à la Haute-École Arc de Neuchâtel, en Suisse ; cette formation comporte une plus grande partie pratique qui a mieux satisfait mon besoin de « mettre les mains dedans ».
En rentrant de Suisse, j’ai fait une formation professionnalisante en Horlogerie au centre P2R Formations à Besançon, pour vraiment compléter mon profil et repartir travailler en Suisse.
À 25 ans, comment avez-vous eu le déclic pour créer votre propre activité ?
Finalement, c’est le Covid-19 qui a tout bousculé, puisque je n’ai pas pu repartir en Suisse à cause de cela. Comme tout le monde, je pensais que ça serait l’histoire de trois mois et me suis dit que j’avais alors le temps pour travailler sur un projet qui me tenait à cœur.
Au début, j’ai simplement dessiné les cadrans, la montre, etc.
J’ai trouvé les dessins tellement beaux que je me suis dit qu’il fallait que je tente d’en obtenir un produit fini.
J’ai alors commencé à réaliser les dessins techniques, à rechercher les industriels pour me fournir les pièces détachées et produire le cadran selon mes plans et codes Pantone. Finalement, mon projet m’a pris plus de temps que prévu et au bout de six mois environ, j’assemblais la première montre Chronograph Regatta.
Vers novembre, j’ai eu la chance d’être assez médiatisé sur mon projet et tous les chronographes de Régate ont trouvé preneur. J’ai fait le choix de ne pas me rémunérer et d’investir l’intégralité de ce que j’avais pu gagner dans de l’équipement afin de pouvoir lancer ma propre marque de montres : les montres LE MEUR.
En quoi était-ce important pour vous de vous installer dans votre village de Sari Solenzara ?
Au-delà de l’attachement viscéral que je peux avoir pour mon village, il faut savoir que le choix ne m’était pas laissé dans la mesure où, mon activité ne me permettant pas dans l’immédiat d’avoir mon propre local, j’ai simplement fermé et aménagé la terrasse de ma chambre d’enfant en un atelier de création horlogère.
Mais je trouverais magnifique de pouvoir vivre de ma passion ici, et de ne plus avoir besoin de choisir entre ma passion qui m’avait amené à partir en Suisse et ma famille et amis ici en Corse.
Quels types de montres fabriquez-vous ?
La première collection était composée de chronographes de Régate en édition limitée. Aujourd’hui, j’ai déposé la marque Le Meur et j’espère lancer chaque année un nouveau modèle pour enrichir ma gamme.
Chacune des montres Le Meur a été dessinée par mes soins, des premiers prototypes imprimés en 3D jusqu’au dessin technique final de pré-production. J’assure également la réalisation des cadrans ici à Solenzara et les mouvements (mécanismes horlogers, ndlr) sont, pour leur part, suisses.
Chaque montre est assemblée, réglée et testée par mes soins, et chacune est numérotée et garantie 2 ans.
Quel est votre produit phare et ses spécificités ?
Le produit phare des montres Le Meur cette année, c’est le modèle A Prima. Cette première née des montres Le Meur est un modèle élégant et polyvalent, proposé en 4 coloris et animé par un mouvement suisse. Le cadran réalisé par mes soins est abrité dans un boîtier en acier inoxydable étanche à 100 mètres et protégé par un verre saphir très résistant aux rayures.
L’idée est de proposer une montre originale et durable, le tout à partir de 1 495€. D’ailleurs, j’offre également la possibilité de personnaliser les montres, aussi bien au niveau de la couleur et des inscriptions du cadran, qu’au niveau du dos de la montre grâce à une gravure laser de haute précision. Ainsi, pour moins de 2 000€ on peut obtenir une montre unique et porteuse de sens, que ce soit pour satisfaire ses goûts ou pour marquer une grande occasion.
Il y a également une version ultra premium de ce modèle A Prima…
Combien mettez-vous de temps pour fabriquer un exemplaire de ce produit phare ?
D’abord, il y a des mois de travail acharné en pré-production, c’est-à-dire toute la partie conception, dessin technique, design, recherche de méthodes de réalisation, perfectionnement des techniques afin d’obtenir le résultat recherché. À dire vrai, je suis dessus jour et nuit depuis décembre.
Ensuite, la partie réalisation du cadran, de la gravure, assemblage, réglage, tests, prend une quinzaine de jours entre la première étape et l’obtention d’un produit fini. J’ai estimé ma capacité de production annuelle à environ 60 montres, jusqu’à 80 si je fais de gros sacrifices au niveau de ma vie privée. Mais lancer une activité n’est jamais une chose facile.
Avez-vous à faire à des amateurs, une clientèle locale ou plutôt extérieure à l’île ?
J’ai eu la chance d’être accueilli par le public avec énormément de bienveillance. J’ai reçu beaucoup d’encouragements et de félicitations. Une chose unique était également le fait que j’ai pu rencontrer presque tous mes clients en personne et que cela a été l’occasion pour moi d’échanger avec eux et ainsi d’en apprendre beaucoup sur leurs attentes. Parmi les acheteurs des chronographes de Régate, il y a eu des collectionneurs très avertis, qui possèdent des collections prestigieuses, des personnes qui veulent encourager le « Fattu In Corsica », des parents qui veulent offrir la première « vraie montre » pour les 18 ans ou le Noël de leurs enfants, des gens pour qui cette montre est devenue leur « belle montre », celle que l’on met pour aller au restaurant…
La majorité des montres se trouve sur l’île de Beauté, mais pour une petite vingtaine, elles sont parties aux États-Unis, en Espagne, en Suisse, en France… Ça me fait drôle quand j’y pense. En tout cas, j’ai vraiment été très touché par les nombreux encouragements que j’ai pu recevoir.
Avec quels outils exercez-vous ?
Les outils de l’horloger bien entendu : brucelles, tournevis de précision, soufflette, le fameux Rodico pour ceux qui connaissent, et puis toute la panoplie habituelle qu’il serait trop long de citer ici ; potences à chasser, à river, à sertir, à poser les aiguilles, etc. Et pour la phase de test, il y a le chrono-comparateur, c’est-à-dire l’électrocardiogramme de la montre, et les machines de test d’étanchéité.
L’horlogerie est une discipline formidable dans laquelle quasiment chaque opération nécessite un outil dédié.
Cependant, le fait que je sois la personne qui dessine, réalise et assemble les montres m’amène à utiliser des outils de précision qui ne se retrouvent normalement pas dans un établi d’horloger, par exemple une imprimante 3D résine pour l’impression des prototypes, une graveuse laser de précision pour réaliser les gravures et les plaques de tampographie, une machine de tampographie pour peindre avec précision les cadrans, un aérographe professionnel également pour les cadrans, ou encore une micro-sableuse de précision que j’utilise pour des recherches de textures…
Quelles sont les marques que vous admirez le plus ?
Je suis bien entendu admiratif des grandes maisons horlogères réputées comme Patek Philippe, Blancpain, Rolex, Oméga… Mais je dois avouer que les maisons horlogères qui m’émerveillent le plus sont un peu plus confidentielles, A. Lange & Söhne, H. Moser & Cie, mais aussi des horlogers incroyables comme Pascal Coyon, Romain Gauthier, Vianney Halter, et également Kari Voutilainen. Leurs pièces sont simplement magnifiques ! On est vraiment dans ce que je considère comme la perfection en termes d’exécution.
Quel est votre regard sur votre secteur d’activité dans l’île et à l’extérieur ?
Aujourd’hui, nous avons une grande communauté de passionnés d’horlogerie en Corse ; la montre est un peu le seul bijou de l’homme de nos jours, et je pense qu’un horloger créateur comme moi peut trouver sa place ici.
Après tout, j’entends souvent une certaine lassitude de la part des amateurs d’horlogerie concernant des montres haut de gamme qui finalement deviennent trop communes car ils en croisent 10 par jour. Les montres Le Meur seraient l’occasion pour eux d’avoir un produit plus exclusif, voire même une pièce unique et personnalisée.
Quels sont vos projets ?
Mes projets finalement sont assez simples : je souhaite que cette première montre LE MEUR, le modèle A Prima, soit disponible au cours de l’été. Si ce modèle est un succès, je souhaiterais quitter ma chambre d’enfant, m’installer dans un local dédié et commencer à vivre de cette activité. Et bien sûr j’aimerais enrichir ma gamme chaque année avec un nouveau modèle pour ainsi proposer toujours plus de choix.
À terme, j’aimerais pouvoir créer de l’emploi avec un horloger à mes côtés ainsi qu’un chargé de communication/marketing. Cela me permettrait de mieux me concentrer sur la partie création horlogère, conception et réalisation des montres et pourquoi pas accueillir des jeunes insulaires passionnés pour des stages, voire même essayer d’être accrédité pour pouvoir accueillir des apprentissages.
Ainsi, les passionnés d’horlogerie pourraient découvrir cet univers sans pour autant avoir à partir à 800 km de chez eux, avec tout le pendant émotionnel, logistique et financier que cela implique.
Per sapè ne di più : www.montreslemeur.com
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