Prendre le maquis derrière une caravane de mules et son imposant chargement, voilà l’expérience à laquelle Paroles de Corse vous invite en cette rentrée. Prendre le maquis pour retenir encore un peu l’été et surtout les traditions séculaires de notre île. Un territoire parsemé de chemins qui, jadis, ne se parcouraient qu’à pied ou alors à dos de mules et autres équidés, essentiels au labeur quotidien. Transhumances, transports, transmission de messages d’un village à l’autre ; ânes, mules, mulets et chevaux en ont été les piliers. Aujourd’hui, on aperçoit encore leur crinière sombre se déplacer le long des chemins caillouteux. Une tradition qui s’actualise grâce à quelques professionnels passionnés qui travaillent encore avec les bêtes de somme pour livrer, ravitailler, et partager leur respect de l’animal et du territoire.
Par Diana Saliceti
Benvenuti à fiancu à i mulateri d’oghje, quelli chì à tutte l’ore, ponu purtà per isse muntagne robba è amicizia.
Primi passi in Usciolu. Avant-propos de reportage
Par une belle journée d’août,c’est sur le sentier reliant Cozzano à Usciolu que l’on rejoint Marie-Line Coppolani. Dans le grand van gris attelé à son 4×4 ? Deux chevaux et trois mules, ces dernières étant le fruit de l’union d’un âne et d’une jument. L’objectif de la journée est de redescendre les poubelles d’Usciolu, un refuge du GR20, situé entre Prati et Asinau, à 1 750 mètres d’altitude, dans les montagnes du Taravu. Marie-Line est une cavalière professionnelle, enseignante en Plaine orientale au sein des écuries qu’elle possède, un lieu dédié au cheval appelé U Baladinu. Championne de sauts d’obstacle, on peut se demander ce qu’elle fait là, à la tête de cet impressionnant convoi de mules. Il s’agit d’harnacher tout le monde, les chevaux avec selles et filets, les mules avec le fameux imbastu, un bât de bois permettant de charger l’animal jusqu’à 200 kilos. Mais attention, les charges doivent être égales à droite comme à gauche, sous peine de courir à l’incident sur des sentiers qui ne pardonnent pas. Un dernier coup de Turcinellu, le bâton permettant de serrer les cordes qui fixent les charges sur l’animal et le convoi démarre avec la solennité d’une procession. L’ascension jusqu’à Usciolu dure une bonne heure. Le sentier est pentu, escarpé mais aucun des animaux du convoi ne faillit à sa mission, pas un ne trébuche ni ne glisse. Une fois la caravane arrivée à Usciolu, on croise une randonneuse qui s’exclame aux vues de la scène et de Marie-Line, altière sur son cheval pie guidant les mules : « Ce n’était donc pas une légende ! »
Une réaction pour le moins spontanée qui renvoie au questionnement suivant : la Corse d’Antan n’est-elle plus qu’une légende ? Mythifiée au moindre article, encadrée à la première carte postale. Après une fabuleuse journée passée en altitude auprès de Marie-Line et des gardiens d’Usciolu dont Battì Pantalacci, le frère du regretté Francis disparu il y a quelques mois, un rendez-vous est pris pour un reportage toujours sur le GR20 avec Marie-Line, ses mules, mais aussi François Morati. Celui ci est un muletier assermenté depuis plus d’une vingtaine d’années. Selon la cavalière, c’est ce dernier qui l’a initiée au travail de la mule sur le GR20. Un virus apparemment très transmissible à en juger la passion qui habite la jeune trentenaire dans chacun de ses gestes, dans chaque effort que la montagne exige. Ici, à n’en point douter, il est question de réalité et de travail quotidien, loin, très loin de tout mythe romantique ou passéiste. N’en demeure pas moins le bonheur d’évoluer au rythme des bêtes sur les sentiers, entourés d’immortelles toujours en fleur et de blocs granitiques dominant la vallée jusqu’à la mer.
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