Jean-Cyril Spinetta – Patron de Haut vol


Par Karine Casalta

Haut fonctionnaire, conseiller d’État, directeur de cabinet du ministre socialiste Michel Delebarre à la fin des années 80, il a aussi été durant près de 20 ans le grand patron du secteur aérien français à la tête d’Air Inter puis d’Air France-KLM. Qualifié par certains de «tueur» dans les affaires, bénéficiant pour d’autres d’une réputation d’homme social, doté d’un goût certain pour le dialogue, Jean-Cyril Spinetta revendique quant à lui un management social mais pragmatique

Fils et petit-fils de militants socialistes et syndicaux, lui-même membre du Parti socialiste jusqu’en 1977, ce grand dirigeant d’entreprise n’a jamais rien renié de ses origines et de ses convictions. « Lorsqu’on est responsable d’une entreprise,
être patron de gauche ou patron de droite n’a pas vraiment de sens. Ce qui compte c’est de conduire au mieux son entreprise au milieu des évolutions de la société et de son environnement économique, et dire l’exacte vérité aux salariés sur la réalité de la situation en essayant de les associer au maximum avec leurs représentants à l’ensemble des décisions à prendre. Forcément, certaines ne sont pas toujours faciles à prendre, mais les expliquer permet qu’elles soient comprises et donc mieux acceptées.»

Servir la France

Dernier d’une fratrie de trois enfants, Jean-Cyril Spinetta naît à Paris en 1943. La famille originaire de Bastelica est installée à Versailles où il grandit, entre une mère institutrice et un père ingénieur des ponts et chaussées, tous deux socialistes convaincus. Son grand- père, Cyrille Spinetta, ingénieur des arts et métiers, a lui-même été un temps responsable de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) de la fédération du Tarn. Son père, Adrien Spinetta, a conduit une brillante carrière en cabinets ministériels, consacrée tout entière au service de l’État. Un modèle paternel qui va longtemps lui sembler inatteignable. «À l’époque les exemples venaient de ces hauts fonctionnaires au service de la France qui œuvraient de façon remarquable à la reconstruction du pays.» Pourtant c’est bien dans cette voie qu’il s’engage après son baccalauréat en 61. Tout en travaillant comme pion, il suit les cours de Sciences Po, avant de passer avec succès le concours de l’ENA en 66. À la même époque il rencontre son épouse, Nicole, elle aussi active militante. Au sortir de l’ENA, sa carrière débute alors dans différents ministères. Inscrit à la section du parti socialiste d’Évreux il est aussi au début d’une carrière politique prometteuse, boostée par l’élection de Jean-Pierre Chevènement en 73 dont il était directeur de campagne, à la députation du territoire de Belfort. «Autant les études ne m’ont jamais passionné, autant je me suis tout de suite épanoui dans la vie active. »

Turbulences familiales

Une carrière qu’il va néanmoins mettre entre parenthèse à la naissance
de son deuxième enfant, en 75, une petite fille atteinte de surdité profonde. « Ça a été un choc ! J’ai réinvesti mes ardeurs militantes au profit des enfants handicapés et des enfants sourds. Nous sommes partis avec mon épouse à la recherche de solutions pour l’aider et l’accompagner.» Ils créent ainsi une association et importent une technique d’apprentissage de la parole, le « parlé complété », pour lui donner accès à la lecture et à l’éducation. Une méthode révolutionnaire diffusée grâce à eux en Europe qui a permis à sa fille de faire de brillantes études. Après cette aventure qui durera près de dix ans, et la naissance de deux autres enfants, il renoue avec un parcours dans les ministères, notamment auprès de Michel Delebarre avec lequel il collaborera près de cinq ans. Puis par un heureux hasard il est appelé à la tête d’Air Inter alors même que ce dernier est nommé ministre des Transports en 1990. Il en démissionnera trois ans plus tard, suite à des divergences de vues avec son ministre de tutelle sur la gestion de l’entreprise. Commence alors une période de traversée du désert, interrompue quelques mois par une mission de conseil pour les affaires industrielles que lui confie François Mitterrand en 1995.

L’envol de sa carrière

Enfin, en 1997, sa connaissance du secteur lui vaut d’être nommé PDG du groupe Air France, n°1 du transport aérien français, pour en préparer la privatisation. Il passera seize années au sein du groupe, qui resteront pour lui la meilleure partie de sa vie professionnelle, avec en point d’orgue la signature de la fusion Air France-KLM en 2004, qui en fera la 1re compagnie aérienne du monde, de par sa taille et son chiffre d’affaires. «Cela a été un immense honneur d’avoir été aux commandes de cette entreprise à l’activité captivante et d’une grande richesse humaine.» Depuis 2013, date à laquelle il a quitté ses fonctions de président du groupe, Jean-Cyril Spinetta n’en est pas moins resté très actif. Administrateur de différentes sociétés, dont Air Corsica, dont il souligne les très bons résultats, son expertise en matière de transport l’a également conduit en 2018, à rédiger un rapport pour le gouvernement sur l’avenir du transport ferroviaire français, qui a soulevé de nombreuses controverses. Mais se défend- il, «Dans un contexte imposé, l’ouverture à la concurrence ne fait que répondre aux besoins d’évolutions nécessaires pour permettre à la SNCF de conserver une position de leadership et ne pas être démantelée ! » Une réponse pragmatique en somme

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