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Nommé préfet de Corse en octobre dernier, Jérôme Filippini est arrivé en Corse animé par une volonté de servir et un profond respect pour le territoire. Guidé en cela par l’ambition de concilier tradition et modernité, dialogue et efficacité. Une nouvelle aventure qui s’annonce passionnante pour cet homme de terrain, apprécié pour son engagement et sa capacité à rassembler.
Une arrivée sur les chapeaux de roues
Karine Casalta
À peine installé en Corse, le nouveau préfet a été confronté à un défi de taille : la visite du pape à Ajaccio. « Un mois pour tout organiser… C’était un vrai tour de force », confie-t-il. « Annoncé au départ comme une réalité plausible, cet événement d’envergure est très vite devenu de plus en plus probable, se souvient-il, il a donc fallu rapidement se mobiliser. » Jérôme filippini a ainsi immédiatement entamé une collaboration étroite avec les équipes locales : « Avec le diocèse, la ville d’Ajaccio, la collectivité de Corse, et très vite, avec le soutien national, nous avons réussi à transformer cette mission impossible en succès. » Au-delà des enjeux logistiques, les défis sécuritaires étaient également cruciaux, notamment pour garantir la sécurité du souverain pontife et des nombreux participants. « Nous voulions une belle fête qui soit à l’honneur de la Corse et de la France, mais avant tout un événement sécurisé pour le bien de tous. »
Un tour de force couronné de succès, dont la clé de la réussite a résidé dans ce travail d’équipe. « La relation a été fluide et constructive, que ce soit avec le maire d’Ajaccio, les équipes du diocèse ou les services de l’État : le corps préfectoral, les équipes du cabinet, parce que j’ai la chance d’avoir ici une très bonne équipe. Et puis, du côté de la gendarmerie, de la police, des pompiers, des services de renseignement, tous ont montré qu’ils avaient envie de donner le meilleur d’eux-mêmes. »
Une vision moderne et pragmatique de la fonction préfectorale
Une approche collaborative essentielle pour le préfet, qui met l’accent, dans le cadre de sa mission, sur le dialogue, la coopération et la recherche de solutions pragmatiques entre les différents acteurs d’un territoire. Jérôme Filippini le souligne : « Le préfet est là pour représenter l’État, garantir l’application des lois et mettre en œuvre des politiques publiques, mais aussi pour agir en intelligence avec les élus et les acteurs locaux. Parce que les politiques publiques ne se mettent pas en œuvre en Corse, comme elles se mettent en œuvre en Normandie ou dans les Outre-mer. Chaque région a ses spécificités et il faut pour chacune comprendre le terrain sur lequel on est, apprécier les habitants, nouer des relations qui permettent de travailler utilement pour l’intérêt du territoire.Je ne sais pas travailler autrement qu’en collaboration avec mes interlocuteurs ! »
Ainsi dès sa prise de fonction en Corse, il a exprimé sa volonté d’engager un dialogue constructif avec les acteurs et élus locaux, en particulier avec le président du Conseil exécutif, pour faire en sorte, dit-il, que la Corse se développe, s’épanouisse, de la meilleure façon possible.
Une ambition claire pour ce haut fonctionnaire doté d’une solide expérience forgée au sein de l’administration publique, qui se définit lui-même comme un serviteur de l’État. « La curiosité, l’état d’esprit positif, l’envie de trouver le meilleur dans toutes les situations. C’est ce qui m’anime. Et le goût de rendre service, d’être utile, parce que je suis un serviteur ! »
Une expérience riche, entre diversité et engagement
À 56 ans, l’ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA) a occupé en effet de nombreux postes de responsabilités, exerçant successivement des fonctions au sein de la Cour des comptes, et en préfectures dans des territoires aussi divers que le Lot, l’Eure, ou encore La Réunion. « Chaque poste a été une expérience unique, mais mon séjour à La Réunion restera gravé comme une période particulièrement marquante, grâce à la richesse culturelle et humaine de ce territoire. » Une expérience qui lui a permis d’appréhender au cours de sa carrière les enjeux complexes propres à chaque région, comme les problématiques liées à la ruralité dans le Lot ou celles liées à la gestion d’une île-montagne à La Réunion, qui le guident aujourd’hui dans sa mission ici. « En tant que préfet de La Réunion, j’ai également eu à gérer une île-montagne, et je me retrouve aujourd’hui dans une autre île-montagne. Les problématiques liées à la loi Littoral, à la loi Montagne, ou encore au développement des services publics dans les zones les plus enclavées me tiennent particulièrement à cœur, et je souhaite continuer à faire progresser ces dossiers ici comme ailleurs. Cette expérience m’a également permis de mieux comprendre les enjeux spécifiques de la connectivité et de l’insularité, des questions qui sont communes à La Réunion et à la Corse. Toutefois, il est important de ne pas appliquer des schémas identiques, car les réalités sont différentes. Et la Corse est bien plus proche du continent que l’océan Indien ne l’est de l’Europe. Malgré ces distinctions, certains défis restent similaires. »
C’est donc avec l’ambition claire d’une approche sur mesure, adaptée aux spécificités et aux aspirations des Corses, conjuguée à une fermeté républicaine et une écoute active pour répondre aux attentes élevées de l’île, que Jérôme Filippini aborde son nouveau rôle de préfet de Corse.
Un préfet face aux défis multiples de l’île
D’autant que sa nomination intervient à un moment charnière pour l’île, où les discussions sur une éventuelle autonomie renforcée occupent une place centrale. Conscient de la sensibilité de ces débats, Jérôme Filippini entend jouer un rôle de facilitateur, favorisant des échanges constructifs entre l’État et les représentants insulaires. Convaincu que l’État doit être à la fois garant de l’unité nationale et partenaire attentif aux aspirations locales. Cette double exigence guide son approche, qu’il veut équilibrée entre rigueur institutionnelle et ouverture aux spécificités de l’île. « Je suis conscient de la sensibilité de certains sujets, notamment ceux liés à la définition de l’identité ou de la singularité corse. Je les prends très au sérieux : si ces questions sont importantes pour mes interlocuteurs, elles le deviennent également pour moi. Il est essentiel, tout d’abord, d’aborder ces sujets avec franchise et de chercher des voies d’avancée sans recourir à la violence ou à la radicalité. La violence n’a jamais rien résolu. »
Mais l’agenda de Jérôme Filippini ne se limite pas à l’épineuse question de l’autonomie.
Il souhaite également s’attaquer aux enjeux cruciaux de la lutte contre la criminalité organisée – d’autant que depuis son arrivée, l’île a été le théâtre d’une recrudescence d’actes criminels et violents – au développement économique, à la préservation de l’environnement et la valorisation de l’identité corse. Ces défis, qu’il aborde avec pragmatisme et détermination, sont pour lui autant d’opportunités de démontrer que l’État peut être à la fois un partenaire de proximité et un garant de l’unité nationale. « Il est indispensable de ne pas se limiter aux seules questions identitaires ou symboliques. Les préoccupations concrètes – comme la vie chère, la situation des entreprises, le logement, la mobilité ou encore l’éducation – doivent être au cœur de nos priorités. Il serait contre-productif de s’enfermer dans un dialogue restreint à quelques questions. La Corse mérite un travail collectif et approfondi sur une multitude de sujets, et non une focalisation sur un seul. » Le préfet aspire ainsi à conjuguer présence et écoute pour restaurer la confiance entre l’État et les habitants de l’île. « Ici en Corse, la relation est souvent exigeante vis-à-vis de l’État. Par le passé, elle a pu être marquée par des épisodes dramatiques de violence, mais je refuse de réduire cette relation à cela. Cette exigence, paradoxalement, s’exprime même chez ceux qui critiquent l’État et la République, et traduit une demande forte à son égard. Je perçois cette demande comme une quête de dialogue, de respect et de compréhension mutuelle. C’est dans cet esprit que je m’inscris : un échange fondé sur l’écoute et la reconnaissance réciproque. »
Ainsi en quelques semaines seulement, Jérôme Filippini a su imprimer sa marque. Incarnant une vision moderne de l’État, à la fois ferme dans ses principes républicains et attentif aux réalités locales, sa détermination à relever les nombreux défis qui l’attendent, fait de lui un acteur clé aujourd’hui en Corse.
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