Depuis huit ans, cet homme à l’énergie discrète, mais efficace, est à la tête du Borgu, le premier centre social associatif d’Ajaccio. Cumulant plus de trente ans d’expérience au sein de la structure, sa trajectoire improbable commencée bien loin de son rôle actuel a fait de lui une figure clé de la solidarité locale. Une vocation née du terrain, nourrie par un profond désir d’ouverture et de partage.
Par Karine Casalta
Un parcours atypique au service de la solidarité
Son parcours, Joseph le décrit avec une certaine modestie. « J’ai commencé dans la restauration », dit-il simplement, comme s’il évoquait une autre vie. En réalité, un accident de parcours l’a conduit à prendre une autre voie. Et c’est tout à fait par hasard, qu’il va intégrer le centre en répondant à une petite annonce pour un poste d’agent d’accueil au Borgu, à une époque où il n’avait aucune expérience dans le milieu associatif ou social. « J’y suis rentré sans rien connaître du milieu associatif », se souvient-il, mais il ne s’est jamais arrêté là. Porté par sa curiosité et sa capacité à se former sur le terrain, il a évolué rapidement au sein du centre, passant de l’accueil au secrétariat, puis, prenant toujours plus de responsabilités administratives, en secondant l’ancienne directrice. C’est donc naturellement que lorsque cette dernière a pris sa retraite, il s’est porté candidat pour lui succéder. Une candidature qui s’apparente alors néanmoins pour lui à un véritable défi, en l’obligeant à suivre une formation de plusieurs mois. Un parcours obligatoire pour obtenir le diplôme nécessaire au poste de directeur et maintenir l’agrément « centre social » du Borgu. « Il a fallu que je me forme, car je n’avais pas le niveau nécessaire », reconnaît-il. Cette formation, bien plus qu’une formalité, lui a apporté confiance, compétences et reconnaissance dans un milieu où il évolue aujourd’hui avec assurance. Une volonté constante de se former et de s’adapter qui le caractérise. Mais ce qui motive réellement Joseph tient aussi à autre chose. « Je pense que cela vient de mon enfance », confie-t-il, évoquant sa jeunesse passée entre Vico et Ajaccio dans une famille où la porte était toujours ouverte. Le Borgu aujourd’hui est vécu pour lui comme une extension de ces valeurs d’accueil et de partage.
Fédérer les publics et innover
Car depuis huit ans, Joseph dirige le centre avec une vision claire : renforcer le lien social au sein de la ville. « Ce qui me plaît, c’est que chacun se sente accueilli, que les publics se mélangent », dit-il avec un sourire. Sous sa direction, le Borgu, structure associative subventionnée par la Ville d’Ajaccio, la CAF et la Collectivité de Corse, est devenu bien plus qu’un simple centre d’activités.
Ouvert tous les jours de la semaine, de 8h à 21h, sa mission s’étend bien au-delà de l’animation de loisirs : le centre joue un rôle clé dans la promotion d’actions sociales, socio-éducatives, culturelles, sportives et sanitaires. Il œuvre activement pour faciliter l’insertion sociale des habitants, créer des liens entre eux, encourager la vie associative et coordonner l’action sociale dans le centre-ville. U Borgu contribue également à la lutte contre l’exclusion, s’efforçant de favoriser l’intégration de toutes les personnes, quel que soit leur origine ou leur statut social, consolidant ainsi son rôle de pilier au sein de la communauté locale.
Il incarne un véritable lieu de vie, un espace où enfants, adolescents, adultes, et personnes âgées se croisent et échangent, où les associations locales trouvent un lieu pour se développer. Ainsi le Borgu ne se limite pas à offrir des activités « classiques » comme le théâtre ou la peinture. Le directeur et son équipe sont constamment à la recherche de nouvelles propositions pour répondre aux attentes du public. Que ce soit par des activités originales comme le flamenco ou le Qi Gong, ou encore des ateliers intergénérationnels et familiaux, l’objectif est toujours le même : favoriser la rencontre et l’échange. « On propose aussi beaucoup de sorties en extérieur pour permettre aux gens de se rencontrer et de s’impliquer dans des activités et des jeux. » Et d’évoquer avec enthousiasme des événements tels que le carnaval annuel, qui permet de rassembler des enfants de quartiers qui ne se croisent jamais. « J’aimerais continuer d’intensifier cet accueil du public en sortant du centre-ville car on attire aussi un public hyper large qui vient de l’extérieur. » Joseph Filipputti insiste d’ailleurs sur l’importance de cette mission fédératrice : « Ce qui me rend fier, c’est cet échange, ce liant. C’est mon truc : arriver à ce que tous les publics se rencontrent. »
Des défis constants à relever
Mais diriger un centre social n’est pas sans défis, et Joseph le sait bien. Un des plus grands qu’il a eu à affronter a été le Covid. « On est passés de plus de mille adhérents à 250 », se souvient-il. Pourtant, grâce aux réseaux sociaux et à l’implication sans faille de son équipe, le Borgu a réussi à maintenir un lien avec ses adhérents malgré la fermeture physique. « On a proposé des activités en ligne tous les jours », explique-t-il. Aujourd’hui, bien que la fréquentation ait repris, Joseph doit aussi se battre sur un autre front : celui des financements. Car comme beaucoup de structures associatives, le Borgu doit composer avec des subventions qui stagnent tandis que les charges augmentent. « C’est un combat quotidien », admet-il, en ajoutant que cela fait aussi partie de ses responsabilités de directeur. « Il faut que je bataille pour aller chercher ces financements supplémentaires, pour maintenir les emplois et continuer à offrir cet accueil du public. »
Une gestion humaine, ouverte et tournée vers l’avenir
Mais le directeur ne manque pas d’énergie ni d’idées pour l’avenir du Borgu. Un de ses projets phares serait de développer davantage le pôle culturel du centre, en offrant toujours plus d’opportunités aux artistes amateurs d’exposer leurs œuvres. « J’aimerais aussi intensifier l’accueil des tout-petits », ajoute-t-il, faisant référence à une nouvelle initiative pour créer des activités pour les enfants de un à trois ans et leurs parents. « Jusqu’à présent, on accueillait les enfants à partir de trois ans. Mais là, on va mettre en place un accueil collectif, pour les tout-petits en développant des activités parents-enfants. C’est en train de se mettre en place. » Ce nouveau service, qui débutera d’ici la fin de l’année, témoigne d’une volonté de toujours élargir l’offre et d’adapter le Borgu aux besoins des familles. En parallèle, il rêve de voir le Borgu continuer à jouer son rôle « d’aimant », en attirant un public diversifié, non seulement du centre-ville, mais aussi des quartiers et des villages extérieurs. En somme, Joseph Filipputti incarne à la perfection l’esprit du Borgu. Parti de rien, il a su se former, évoluer et se battre pour faire de ce centre un lieu incontournable de solidarité et de rencontre. Pour lui, le Borgu n’est pas seulement un centre social, c’est un creuset où se construisent des liens humains, jour après jour. Et si une lumière reste allumée jusqu’à 21 heures chaque soir dans la rue du Borgu, c’est aussi grâce à lui.
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