Destinu Scrittu
L’homme est discret, à la limite du raisonnable pour un chef d’entreprise, qui fait partie dans son domaine d’activité, des leaders nationaux. En revanche pour ceux qui côtoient son cercle intime, amical ou professionnel, il se montre souvent très extraverti, sachant manier le verbe, l’humour, la « macagna », toujours prêt pour l’aventure d’une soirée festive.
Son visage éclairé d’un grand sourire, masque sa farouche volonté d’entreprendre, d’innover mais également d’aider et de soutenir la nouvelle génération. Une volonté dont il finit par nous dévoiler ici les racines.
Propos recueillis par Anne-Catherine Mendez
Quel est votre parcours ?
Originaire du village de Campo, j’ai débuté mon parcours scolaire à l’école primaire de Sainte-Marie-Siché, poursuivi mes études au lycée Fesch, puis à l’Université de Corse. Après un Deug de droit, je démarre ma carrière professionnelle comme commercial pour une société d’édition avec, entre autres dans mon catalogue, le fameux Mémorial des Corses. Puis changement d’activité, je travaille pour Corse Chimie Industrie, pour enfin intégrer le milieu bancaire et exercer une activité de conseiller, pendant près de dix ans. En même temps, je crée une société Impact Diffusion, après avoir fait la connaissance de mon associé historique Jean-Pascal Terrazzoni, devenu depuis un ami très proche.
Notre première aventure professionnelle consiste à commercialiser dans les grandes surfaces et bureaux de tabac, les allumettes et les briquets Cricket Feudor à l’effigie de la Corse.
En 1998, après la privatisation de France Télécom, nous avons l’idée de développer une plateforme de distribution de cartes téléphoniques concurrentes de l’opérateur historique.
En 2003, nous sommes lauréats de l’Anvar, pour avoir conçu le premier système de recharges téléphoniques prépayées dématérialisées en France.
Nous devenons leader de la distribution des recharges prépayées (SFR, Orange, Bouygues, Virgin) sur la région de Corse.
En 2010, nous créons la première carte bancaire prépayée PCS Mastercard en collaboration avec Creacard et Mastercard. Ce produit est distribué aujourd’hui sur la totalité du réseau buraliste français.
Tout cela n’aurait pu se faire sans une rencontre extraordinaire : celle de Jean-Luc Mattei, originaire de Porto-Vecchio, actuellement gérant de la SARL RDO Services, notre brillantissime développeur informatique et ami avec lequel nous collaborons depuis maintenant plus d’une dizaine d’années.
Vous créez aujourd’hui avec votre équipe un nouveau service, Adduniti, pouvez-vous nous en décrire les principales fonctions ? À qui s’adresse-t-il ? Comment fonctionne-t-il ?
Effectivement, aujourd’hui nous nous lançons dans cette nouvelle aventure. Le projet a mûri depuis maintenant 4 ans, car l’idée a été abordée en 2016, lors de la création de Communiti, le réseau social professionnel de la communauté corse.
À l’époque, nous nous posions la question de la commercialisation d’un porte-monnaie électronique (wallet en anglais) avec Jean-Pascal et Jean-Luc. La création du réseau Communiti par de jeunes entrepreneurs corses nous a donné l’idée de créer dès lors un porte-monnaie électronique de réseau ! Dans ce cas, il n’y a plus de frais bancaires lors des transactions réalisées à l’intérieur du réseau, ce qui est un avantage majeur pour les commerçants qui doivent les honorer à chaque transaction.
Ainsi Adduniti, qui prend son inspiration du verbe « addunisce » en Corse et qui signifie se réunir, porte bien son nom. D’une part, il naît de l’union de trois entreprises chacune spécialisée dans son secteur et chacune d’entre elle apporte les ressources nécessaires pour opérer ce nouveau service. D’autre part, les futurs utilisateurs, en se réunissant sur le réseau Adduniti, peuvent être exonérés de frais bancaires et accéder à un grand nombre d’avantages.
Nous nous adressons donc, aux professionnels principalement mais également aux particuliers.
Le fonctionnement est très simple : il suffit de télécharger l’application, de créditer son compte puis de dépenser son argent localement, chez les commerçants affiliés au réseau. Ainsi, vous pouvez consommer tout en favorisant la diminution des frais bancaires de vos commerçants attitrés.
Quelle est la plus-value d’un tel service ?
Avec Adduniti, nous facilitons le paiement, sécurisons toutes les transactions, mais surtout augmentons la rapidité des transactions réalisées. Ainsi, il vous est maintenant très facile par exemple de commander un plat à emporter et de le payer à distance, ou de rembourser vos amis en un clic. Nous nous sommes inspirés d’un projet réalisé en Afrique en 2007 et nommé « M-pesa » et qui continue 13 ans plus tard de rendre service à sa population et influe très positivement sur l’économie des pays du continent.
Et surtout, nous permettons à l’ensemble de la population de disposer d’un moyen de paiement sécurisé sans les contraintes d’une carte bancaire. Ainsi, tout le monde, y compris les enfants, les personnes sans comptes bancaires, les interdits bancaires, les employés intérimaires, les étrangers peuvent utiliser notre système.
Du point de vue des commerçants, ceux qui ne possèdent pas de terminal de paiement, et qui utilisent des solutions telles que Pay Pal, Stripe, MangoPay, Sum Up, en boutique mais également sur leurs sites internet peuvent également trouver en Adduniti une solution complémentaire d’encaissement sans frais bancaires.
Quelle est votre vision de la Corse en matière économique ?
Il n’aura échappé à personne que la Corse est une île, et que malheureusement il est difficile d’accéder à autant de ressources, de nouveaux marchés, que si nous étions rattachés à un continent. Ainsi, il est de notre devoir en tant qu’entrepreneurs, d’essayer de faire au mieux avec les moyens du bord.
Par conséquent, ma vision de la Corse en matière économique est celle de femmes et d’hommes qui combattent au quotidien pour développer leurs entreprises, sécuriser leurs emplois, accéder à de nouvelles parts de marché au-delà de nos frontières.
C’est quelque chose qui m’anime au plus profond de moi-même et pour laquelle j’ai beaucoup de respect. Quand vous avez cela en vous, vous pouvez tout. C’est donc un message que j’adresse aux plus jeunes en soulignant essentiellement qu’il leur faudra de la persévérance et du mental pour réaliser leurs projets.
Croyez-vous au potentiel d’une e-économie sur l’île, comme semblent le souligner nos principaux dirigeants ?
En Corse, il est beaucoup plus coûteux pour nos entreprises d’aller chercher des parts de marchés au-delà de nos frontières, comparé à des entreprises du continent ou d’ailleurs.
Ainsi, le choix de l’e-économie me semble effectivement très pertinent car vous pouvez toucher un plus grand nombre de clients tout en restant chez vous.
D’ailleurs, nous nous rendons compte aujourd’hui que d’avoir un simple site internet pour son commerce devient essentiel, surtout lors de crise de mobilité telle que nous la vivons avec le coronavirus. C’est d’ailleurs ce qui nous a en partie donné l’idée de développer Adduniti car nous permettons de digitaliser le paiement instantané et de contribuer à faciliter la mise en place d’une politique de click & collect pour nos commerçants insulaires. Ils ont alors tous les atouts nécessaires pour séduire la clientèle locale, qui oubliera j’espère un petit peu les grandes plateformes mondiales comme Amazon ou Alibaba pour ne citer qu’elles.
Ainsi, je rejoins donc ce que disent nos principaux dirigeants. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde, nous sommes tellement petits que si nous ne nous entraidons pas, nous n’irons pas très loin. D’ailleurs, nous avons besoin de la construction d’un véritable écosystème numérique où les plus vieux pourraient accompagner les plus jeunes. Les Corses ont toujours été très créatifs et le frein premier reste tout de même la formation.
Je sais que malheureusement trop de jeunes partent encore en formation à l’extérieur de l’île et ne reviennent que très longtemps après. Heureusement d’ailleurs, que le réseau Communiti permet le retour de certains talents sur l’île et que des entreprises jouent le jeu. Les métiers de développeur informatique et équivalents sont de plus en plus demandés sur l’île.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui se lancent aujourd’hui ?
Peu importe le résultat auquel vous parviendrez, croyez en vous, croyez en vos projets, allez jusqu’au bout de vos idées, peu importe ce que le voisin vous dira.
N’écoutez que vous-même ! Seule votre conscience doit être maître de votre choix.
Vous vous êtes engagé cette année dans un mandat de maire, celui du village de Campo comment appréhendez-vous cette fonction ?
Effectivement, je me suis engagé dans un mandat de maire, j’appréhende cette fonction en toute sérénité et surtout sans aucune prétention. J’espère pouvoir réaliser les projets prévus avec l’ensemble du conseil municipal.
Quelle est votre plus grande réussite ? De quoi êtes-vous fier ?
Je suis fier, aux côtés de mes associés et amis, d’avoir été la première société française à avoir signé un contrat multi opérateur pour la vente des recharges téléphoniques prépayées.
Je suis fier d’avoir pu pérenniser notre société Impact Diffusion durant trente ans, sans avoir obtenu une seule fois d’aides publiques.
Quel est votre plus douloureux échec ?
Nous avons eu un terrible crash en 2006 sur le serveur d’Impact Diffusion. Nous avons perdu la totalité de notre portefeuille clients suite à cette panne et il nous a fallu redoubler d’efforts pour reconquérir nos parts de marchés.
Avez-vous une devise ?
Créer ses propres traces sans marcher dans celles des autres.
Encadré : Adduniti : le premier porte-monnaie électronique de réseau
Opérant une licence européenne, le réseau Adduniti est d’abord lancé en France uniquement pour l’année 2020. Il compte aujourd’hui déjà des milliers d’utilisateurs. Vous pouvez télécharger l’application via l’Apple Store le Play Store. Vous pouvez également vous connecter à votre compte Adduniti directement à partir du site internet. https://adduniti.com
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