Edito
Par Jean Poletti
Les plages retrouvent la quiétude. La montagne redevient lieu de haute solitude. La saison estivale plie bagages. Laissant espèces sonnantes et trébuchantes dans le circuit économique local. La Corse se retrouve face à elle-même. Entre le Palais de l’Elysée et l’Hôtel de région la continuité territoriale politique s’ourla sous la canicule de vagues d’incompréhensions Comme si le dialogue de sourds, que l’on croyait d’emblée accidentel, se cristallisait pour devenir un rituel au fil du temps.
Les jugements de valeur et la réaction épidermique sont accessoires dans ce dossier sensible. Pourtant, rien ne peut effacer les accents girondins d’un candidat président lors de son déplacement insulaire. Emmanuel Macron se drapa alors dans les atours du fait régional. Et posa les jalons d’une décentralisation qui adoubait la spécificité d’un territoire tout à la fois semblable et différent de l’hexagone. Au fil des gouvernements successifs, la question Corse fut mise en exergue ou superbement ignorée. Tel évoquant le particularisme, l’autre le strict droit commun. D’une mandature l’autre, la vision parisienne du dossier avait à tout le moins le mérite de la clarté. Rien de semblable avec l’actuel président. Les propos de campagne parurent mis sous l’éteignoir. Paraphant une recentralisation du pouvoir. Mais en corollaire il envoya la quasi-totalité de ses ministres, qui dans une touchante unanimité d’éléments de langage affirmaient tout l’intérêt porté à une collectivité territoriale. Dans le même temps une Madame Corse était nommée, donnant le sentiment que s’ouvrait le chapitre d’un traitement, sinon spécifique a tout le moins original. Ce panel de décisions parfois antagonistes, souvent contradictoires brouillent la stratégie insulaire macronienne. Et suscitent l’expectative au sein de la population. Les tenants de la République une et indivisible applaudissent. Les disciples des grandes réformes disent que l’inscription dans la constitution peut être la pierre angulaire d’une plausible architecture nouvelle.
Inutile d’insister plus que nécessaire. Jupiter prendrait-il ici quelque trait de Janus ? Une politique a deux visages ? La comparaison est aisée. Elle a ses partisans sincères ou opportunistes. Mais ergoter peut être un exutoire dévolu à cacher ses propres carences.
La Corse vacille entre l’espoir et le fatalisme. La majorité silencieuse se scinde dans une frontière, mal définie en mouvante, entre l’ambition d’un essor collectif et le souci de la survie individuelle.
En cet automne naissant elle en a toutefois soupé des vaines promesses. Dans une saine analyse teintée de bon sens une communauté observe les ravages de la précarité, l’absence de logements, le chômage. Une spirale douloureuse, résumée d’un simple chiffre : Un habitant sur cinq vits sous le seuil de pauvreté.
Fatalité ? Qui oserait l’affirmer. Est-il saugrenu d’imaginer en ce lieu aux potentialités inégalées des lendemains qui chantent ? Peut-on décemment évoquer sans cesse le concept du handicap de l’insularité pour explique un essor anémique ?
Regarder l’avenir, dire une bonne fois pour toutes quelle Corse nous voulons bâtir. Voilà l’enjeu. Il implique d’en finir avec les postures, le combat d’arrière-garde et l’esprit de chapelle qui minent encore la société. Cela est sans doute aisé à formuler et ardu à initier. Le précepte vaut ici comme sous d’autres cieux. Mais chez nous, nombreux sont ceux qui disent, main sur le cœur, œuvrer exclusivement pour les intérêts supérieurs de la Corse. Puissent ces assertions ne pas être à l’orée de l’automne comme ces feuilles qui tombent de arbres pour se flétrir dans le sol de l’oubli.
Faire tous ensemble un bout de chemin qui tourne résolument le dos aux échecs jalonnant notre histoire. Démontrer a Emmanuel Macron qu’avec ou sans sa bénédiction, notre ile peut tisser les liens du succès. Chiche ? Le roi de l’Olympe pourrait alors faire œuvre de clarification. Revoir sa copie ?
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