Début mars, la Chambre régionale des Comptes (CRC) publiait sur son site un rapport sur la gestion des délégations de service public (DSP) aériennes conclues par l’Office des Transports de la Corse (OTC). Ce rapport retrace entre autres l’évolution de la compensation financière donnée aux compagnies délégataires en fonction de l’évolution du trafic aérien et des choix politiques de la Collectivité de Corse. Il met en exergue certaines problématiques qui devront être traitées dans les prochaines OSP en 2024.
Par Jean-André Miniconi
Quels sont les points que relève la CRC ? Les lignes concernées (Paris Orly-Corse, Marseille-Corse et Nice-Corse) par les conventions de DSP représentaient ces dernières années une moyenne de 2,1 millions de passagers. Si ces lignes transportaient la majorité des passagers il y a 10 ans (72% en 2012), leur part relative a fortement baissé avec le développement du trafic poussé par les compagnies low cost pour ne représenter que 48% du trafic en 2021.
Entre 2017 et 2021, on observe une offre de sièges surdimensionnée avec 800 000 places non occupées chaque année. Le coefficient de remplissage moyen s’élève à 71% avec des variations plus ou moins prononcées selon les lignes et la saisonnalité.
Un montant de compensation sur la période 2020-2023 plus important pour les aéroports de Haute-Corse que pour ceux de la Corse-du-Sud, de l’ordre de 41,3 millions d’euros supplémentaires. Par exemple, la compensation pour les lignes Paris-Orly est de l’ordre de 22 euros par passager pour les aéroports de Corse-du-Sud, alors qu’elle grimpe à 33,5 euros pour les plateformes de Haute-Corse. À offre capacitaire identique, l’aéroport de Bastia génère un besoin de compensation de + 31,1 millions d’euros par rapport à celui d’Ajaccio.
On pourrait hâtivement conclure, que la DSP sous sa forme actuelle coûte cher et sert surtout à transporter des non-résidents. Cependant même si le système n’est pas parfait, il a le mérite d’exister, et de couvrir les besoins de la population en termes de fréquences, d’horaires et de prix.
Regards sur la Sardaigne
Et chez nos voisins sardes ? Rappelons tout d’abord que les lignes subventionnées relient 3 aéroports insulaires, Cagliari, Olbia et Alghero aux aéroports de Rome-Fiumicino et de Milan-Linate. Après la faillite d’Alitalia en 2021, les vols de la continuité territoriale ont été confiés à Volotea et à ITA pour une durée transitoire, en attendant que la Région organise un appel d’offres. Ce dernier lancé en 2022 prévoit une enveloppe de 52 millions d’euros pour garantir les liaisons aériennes précitées pour une période allant du 17 février 2023 au 26 octobre 2024. Trois compagnies ont répondu : Volotea, ITA et une nouvelle compagnie Aeroitalia créée en 2022 à la suite du désastre de l’aviation commerciale italienne qui a conduit 4 compagnies à la faillite. Ainsi, les dessertes sont les suivantes :
- Cagliari et Rome sont reliées par Volotea et ITA pour un tarif de 139 euros pour 1h05 de vol, ITA assurant le Cagliari et Milan pour 153 euros et 1h20 de vol ;
- Les vols à partir d’Olbia sont assurés par Volotea et Aeroitalia pour Rome (156 euros) et Aeroitalia pour Milan (171 euros) ;
- Les vols à partir d’Alghero sont assurés par ITA pour Milan (152 euros) et Aeroitalia pour le Rome (150 euros).
Le coût de la Continuité territoriale
Comme on peut le voir, il y a des différences fondamentales entre les DSP corse et sarde. Tout d’abord, en l’absence de compagnie régionale, les liaisons sont assurées par 3 compagnies en Sardaigne. Ensuite, la durée de la DSP n’est que de 20 mois et enfin la compensation s’élève à 52 millions d’euros soit près de deux de moins que pour la DSP corse. Le modèle de nos voisins se cherche encore et ne semble pas avoir la même pérennité que le nôtre. Il s’inscrit dans un contexte où le trafic est plus élevé et plus concurrentiel. Ainsi en 2019, les 3 aéroports internationaux avaient totalisé plus de 9 millions de passagers. Par ailleurs, Eddie Wilson, le CEO de Ryanair, déclarait dans le journal Ait Sardegna en date du 15 février 2023, lors de présentation du programme de vols de l’été, que la « continué territoriale était un modèle obsolète » et de rajouter que si le gouvernement italien baissait les taxes de 6,5 euros, il augmenterait d’un million le trafic passagers à Cagliari.
Alors quelles conclusions en tirer pour la Corse ? La DSP telle qu’on la connaît est plus stable et répond relativement bien aux attentes de la population. Cependant, elle coûte énormément chère si on la compare à son homologue sarde. 90 millions de subventions par an pour 350 000 habitants en Corse contre 52 millions pour 1 600 000 habitants en Sardaigne.
Bruxelles scrute
Du coup, cette manne financière conséquente pourrait attirer d’autres compagnies pour le prochain appel d’offres. De plus, il n’est pas exclu que Bruxelles se pose la question de l’utilité de garder les lignes Paris-Corse dans la future DSP. Il n’est pas exclu non plus que la surcapacité chronique de l’offre et la sacro-sainte égalité de sièges entre Ajaccio et Bastia puisse continuer à prospérer au regard du montant des compensations demandées. Dans tous les cas, Air Corsica est fortement exposée au risque de la réduction des contours du service public aérien ou à l’arrivée de nouveaux concurrents. Des pistes pour élargir son champ d’action doivent être explorées et pourquoi pas se préparer à répondre au nouvel appel d’offres sur les lignes sardes qui aura lieu l’an prochain.
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