On aurait pu s’imaginer que les périodes préélectorales présidentielles soient l’occasion de clarification des pensées politiques, des enjeux, préparant à distance le scrutin final entre les deux derniers candidats qualifiés.
Par Michel Barat, ancien recteur de l’Académie de Corse
Le passé a parfois ainsi donné lieu à de grands débats de second tour si ce n’est dans le domaine des idées du moins dans celui des personnalités. Mais aujourd’hui à six mois du premier tour la multiplication des candidatures, la pratique des primaires, la difficulté pour le grand parti de droite de choisir son candidat, celle pour la gauche d’en trouver un ou une qui ne la ridiculise pas, l’hésitation des écologistes politiques entre la vraie question écologiste et l’aventure de la gauche extrême font que même l’observateur expérimenté ne démêle pas la confusion et que l’électeur potentiel y perd tout intérêt pour s’éloigner de la politique voire s’en retirer complètement. L’électorat lui-même se fait confus il hésite entre un projet de solidarité sociale et une exaltation nationaliste alors que son comportement réel est celui d’un consommateur cherchant la satisfaction de ses désirs dans un individualisme débridé.
Bref, la confusion règne, créant l’occasion du surgissement de candidatures qui jadis auraient été jugées invraisemblables voire grotesques, mais qui, aujourd’hui, deviennent très vite des favoris pour le duel final. L’événement Zemmour en est le meilleur exemple : comment un candidat potentiel peut-il en même temps se revendiquer du gaullisme et de son parti, le vieil RPR, et s’adonner non seulement à la défense mais plus encore à l’éloge de Pétain.
Banalité affligeante
Les médias dans la multiplication de l’information par les chaînes en continu, les réseaux sociaux, les sondages quasi quotidiens qui finissent par modifier l’objet qu’ils sont censés étudier au point de fausser le processus électoral, apportent plus de confusion que de clarté.
Pire encore, la vedette médiatique du moment qui pourrait n’être qu’éphémère, est présentée positivement déformée y compris dans ses pires excès. Qui peut penser une seconde que le même Zemmour puisse être un historien alors que tout ce qu’il dit sur Vichy et Pétain est démenti par tous les faits, que sa vision de l’islam comme fait d’abord politique et non spirituel fait partie de l’histoire et de la critique de toute religion, est d’une banalité affligeante. Le catholicisme dont il se revendique politiquement et non spirituellement, ce qui est pour lui un peu étrange, est tout autant une institution politique depuis qu’il est devenu avec Constantin religion d’Empire donc d’État.
En fait la rhétorique brillante de l’homme masque la vacuité d’une pensée fausse. On pourrait comprendre l’étrangeté de sa référence catholique en le rattachant à la pensée politique de Charles Maurras et de l’Action française. Maurras pense la France comme un pays à ossature catholique et la papauté comme un pilier de la société alors que lui-même est un incroyant et fut même excommunié. Pour lui, peu importait la spiritualité et la foi chrétiennes, sa seule question est politique.
Instinct sans réflexion
Comme son maître Maurras, Zemmour est semblable aux islamistes qu’il pourfend : la religion s’y réduit à une politique. Il suffit de dire cela pour que tout l’édifice de sa pensée s’effondre dans la confusion voire une malhonnêteté intellectuelle qui se rapproche souvent de la bêtise.
Quand les temps deviennent confus les nationalismes ordinaires ressortent comme instinct sans réflexion semant une grande confusion entre ce qu’ils sont et les patriotismes. Un nationaliste revendique une hérédité, un patriote un héritage, le premier est dans la brutalité au sens étymologique le second dans la civilisation.
Cette grande confusion réduit les peuples à des troupeaux animaux marquant leur territoire au lieu d’en faire des constructeurs de civilisation. Résister à la grande confusion, c’est faire le pari de la civilisation et refuser la barbarie : un peu de réflexion met en lumière que les décadents sont ceux qui crient le plus à la décadence.
Discours trompeurs
Leurs discours volontairement trompeurs sèment la confusion non seulement intellectuelle mais mentale. Toute femme et tout homme risquent d’y perdre toute leur humanité.
Ces décadents promettent le retour à l’identité nationale, mais ouvrent en fait le gouffre de la confusion et de l’inhumanité.
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