Le président de la Safer, Christian Orsucci, et l’ensemble du conseil d’administration pouvaient ouvrir une bouteille de bon vin. Après quatre années de batailles juridiques, leur droit de préemption est finalement couronné de succès. Concrètement quelque trois cent quarante-cinq hectares pourront être rétrocédés à de jeunes agriculteurs désireux de s’installer. Mais que de temps perdu.
Par Jean Poletti
Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas vraiment. Le dossier s’est longtemps enlisé dans les méandres administratifs. Et ces terres de la commune de Linguizzetta portent les plaies de l’abandon et sont tombées en jachère. Sans verser dans le détail des hiatus et procès pour acquérir la propriété d’une société viticole en liquidation judiciaire, soulignons simplement qu’une nécessaire mise en valeur s’impose. D’une formule lapidaire disons que les parcelles ne seront pas immédiatement octroyées clé en mains. Il conviendra d’abord de réparer les stigmates d’une superficie devenue vaste friche au fil du temps.
Nul besoin d’être spécialiste pour en observer les méfaits. En maints endroits, la vigne originelle a disparu, laissant éclore arbres et herbes folles, comme un vil reflet des errements passés. En corollaire, et vraisemblablement en lien avec une situation délétère, de violents incendies jamais élucidés se produisirent. Et profitant sans doute de ces hiatus, alliant procédures et inactivités, certains n’hésitèrent pas à élire illégalement domicile dans divers bâtiments.
Christian Orsucci ne souhaite pas verser dans la stérile polémique. Avec le sentiment du devoir accompli, malgré les obstacles, pesanteurs et parcours du combattant, il aspire à se recentrer sur l’avenir. Malgré tout, et avec des accents de légitimité qui renvoient à son long combat, il déplore que cette action qui aurait pu s’inscrire dans l’exemplarité porte les stigmates d’une conjugaison de la lenteur. Et pour tout dire des vétos successifs d’un mandataire liquidateur désigné par le tribunal de commerce.
Installer des jeunes
Pour autant, ces aléas ne pourront empêcher de tracer enfin les sillons du lendemain, que salue l’ensemble de la profession.
La société d’aménagement foncier en déboursant un million deux cent mille euros acquiert non seulement une étendue arable devenue stérile, mais lui confère une renaissance dont bénéficieront de futurs exploitants.
Dans ce droit fil, vingt-et-un d’entre eux se verront attribuer l’essentiel du domaine. Cette rétrocession s’effectuera dans le cadre d’une rigoureuse sélection issue d’un appel à candidature. Elle offrira aux bénéficiaires l’obtention d’un bail quinquennal, au terme duquel ils pourront devenir d’authentiques propriétaires. Il restera en épilogue à distribuer le reliquat de soixante-dix hectares, dont une vingtaine dévolue au vignoble.
Relater succinctement les méandres d’un tel scénario équivaut à maints égards à éclairer sans fards les difficultés inhérentes au monde paysan. Il porte témoignage des difficultés qui jalonnent fréquemment la maîtrise des fameux espaces agricoles. Parfois au mépris de l’élémentaire équité, battue en brèche par des artifices puisés dans les arcanes d’un juridisme exacerbé.
Tout réhabiliter
Joseph Colombani ne dit pas autre chose. Peu féru d’euphémisme, le président de la Chambre départementale d’agriculture tire à boulets rouges sur ce qu’il considère être des errements, confinant à la mauvaise foi. Les mots sont coupants comme le diamant. « Faute d’entretien par le liquidateur quelque cent quatre-vingt hectares de vigne ont périclité. » En substance, il feint de s’interroger sur les effets d’une telle inaction qui auront notamment des séquelles, notamment sur la qualité du foncier à redistribuer. Et en filigrane qui devra mettre la main à la poche pour payer la réhabilitation ?
Des ombres au tableau que lève avec volontarisme Dominique Livrelli. Le président de l’Office de développement agricole affirme sans détours que son organisme va s’employer à remettre en valeur les terres concernées. Et d’argumenter qu’un projet sera présenté dans l’année pour finaliser cette intervention. En corollaire se posera la cruciale problématique de l’irrigation. À cet égard, il conviendra d’abord et avant tout d’installer un puissant sur-compresseur.
Tout cela ne se réalisera pas d’un simple coup de baguette magique. Métamorphoser ce qui est devenu, par l’ineptie de certains, une immense étendue de ronces et de végétation sauvage s’inscrit assurément dans le temps. Avec en toile de fond le risque potentiel que certains jeunes pressentis ne renoncent eu égard à l’attente.
Il n’empêche l’opération survie est engagée. Elle laboure les champs du possible. Indiquant mieux que longs discours que la bataille de longue haleine engagée par Christian Orsucci et l’équipe d’administrateurs de la Safer a porté les fruits d’un germinal salutaire et exemplaire. En écho revint la volonté d’autres organismes de s’associer pleinement à l’entreprise de reconstruction qui dépasse implicitement les limites de Casabianca, pour devenir une sorte d’emblème de la ténacité couronnée de succès.
Au nom du riaquistu
Sans verser dans les arguties de l’aménagement territorial, qui ne perçoit pas au travers de cette réappropriation de haute lutte que c’est aussi le concept de la ruralité qui émane en pointillé ?
Voilà plusieurs décennies tels clamaient sous l’air des lampions une Safer pour quoi faire. La réponse est prégnante. Vous avez dit riaquistu ?
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