L’éducation pour tous. Même dans les pays que gangrène la pauvreté. Voilà sans doute le cœur battant des actions humanitaires. Tel est l’esprit et le noble fil conducteur d’un groupe d’enseignants du collège Montesoro à Bastia. Il permit la construction d’une école sur une île de Guinée, dans un village dépourvu de tout.
Par Jean Poletti
Notre île n’est pas avare d’associations caritatives. Certaines ont même une implication dans des territoires lointains, à l’image du Cèdre Corse ou encore Per a Pace. Au-delà des lieux d’implication, la motivation est similaire. Apporter progrès matériel et moral en des lieux dont les populations n’ont souvent pas accès au strict nécessaire.
Une situation qui toucha le cœur et l’esprit de Didier Martin-Castagno, professeur d’histoire. Durant ses vacances, il partit s’adonner à sa passion de la plongée sous-marine aux îles Loos. Ses loisirs furent vraisemblablement assombris par sa vision d’enfants souvent privés d’école, faute de nécessaires structures d’accueil. Notamment dans les villages de Sorro et Mangué, isolés, vivant presque en autarcie. S’apparentant à une infranchissable frontière pour rejoindre le seul établissement scolaire de la région, éloigné et impliquant de parcourir à pied une piste parsemée de dangers. Un trajet pouvant par ailleurs s’avérer aléatoire et inopérant, tant l’école est trop exigüe pour satisfaire la demande. L’enseignant qu’il est fut submergé par cette jeunesse sacrifiée sur l’autel du savoir. Une injustice flagrante qu’il ne remisa pas dans les souvenirs malheureux. Il s’en ouvrit à ses collègues du collège de Montesoro et de Jeanne-d’Arc. Rapidement, l’association Abou Sorro se constitua avec la ferme intention de faire éclore une école en ce lieu désolé.
Implications multiples
Le coût d’une telle opération, évaluée à quelque cinquante mille euros, ne découragea pas le groupe. Enseignant et élèves s’impliquèrent pour réunir ces fonds. Cela passa notamment par des actions de sensibilisation, auxquelles répondirent des municipalités. Mais aussi la vente de confiseries, de brocantes place Saint-Nicolas ou dans des émissions télévisées. Dans le même temps en Guinée, un enseignant ouvrit un stand consacré aux articles souvenirs dont sont friands les touristes. Certains propriétaires offrirent le terrain. Des habitants participèrent au défrichage et autres travaux préparatoires.
Pour réduire autant que faire se peut les budgets, appel fut également fait aux universitaires de Corte. Des étudiants sous l’égide de leurs professeurs Marc Muselli et Philippe Poggi esquissèrent les plans de la bâtisse. Au bout de ces intenses efforts conjoints, la première pierre fut posée en présence des autorités du pays. Dans quelques mois, l’agencement sera terminé avec l’ouverture du troisième bâtiment abritant cantine et bibliothèque. Dès lors les rires des six cents potaches pourront pleinement égayer la cour de récréation. Mais aussi et peut-être surtout bénéficier d’un cursus initial, leur permettant d’acquérir les bases pour éventuellement poursuivre leurs études.
L’appel aux parrainages
Refusant de se reposer sur ses lauriers, l’association s’attèle désormais à la fourniture des matériels scolastiques ou logistique pour parachever la réalisation. Àcet égard, les bénévoles savent qu’il leur faut apporter des solutions spécifiques en regard de la situation. Pas d’électricité, nulle informatique, les ardoises et la craie. Telle est la réalité pédagogique. Toutefois l’essentiel est acquis. La gageure paraphée. L’enjeu réalisé.
Mais cet épilogue heureux ne doit pas masquer les intenses difficultés qu’il fallut surmonter. Le parcours ne fut pas celui d’un long fleuve tranquille. Les acteurs de ce succès, animés par l’entraide, ne veulent à l’évidence retirer nulle gloire, mais se limitent en tout humilité au devoir accompli. Une modestie non feinte, qui rehausse encore si besoin était la grandeur de leur tâche. Faite d’empathie et de conscience altruiste. Elle fut le fruit de quatorze longues années d’efforts et de ténacité. Mais en l’occurrence le temps ne semblait avoir nulle prise chez ces personnes, tant elles étaient traversées par la certitude d’aboutir.
Loin de s’enfermer dans une tour d’ivoire, l’association aspire à faire partager par le plus grand nombre ce précieux résultat. Elle va initier un processus qui allie simplicité et générosité. Chaque famille qui le souhaite pourra en effet parrainer un écolier de Sorro-Mangué. Nul doute que l’appel sera entendu. Il permettra d’aider davantage encore des jeunes injustement privés de l’accès à la scolarité qui résonne comme une atteinte aux élémentaires droits dans une société qui prône à l’envi le concept du progrès et de l’équité.
Présent par la pensée
Peut-on jeter par-dessus les distances un invisible mais solide pont de solidarité ? L’exemple répond par l’affirmative.
Didier Martin-Castagno a rejoint le Cotentin. Nul doute que depuis son nouveau poste, il n’oubliera pas de jeter un regard sur ce qui prit progressivement la dimension d’une entreprise humaine, que seuls peuvent accomplir les personnes de bonne volonté.
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