La vérité si je mens ! par Jean Poletti
La vérité si je mens !
C’est sans doute l’été de tous les dangers. Notre communauté veut légitimement occulter l’espace de deux mois le climat anxiogène qui rejoint l’indicible. Mais tandis qu’une ile risque de sombrer dans les abysses de la violence, la prise de conscience s’avère relative et sélective. Nombreux sont ceux qui se limitent à accuser systématiquement l’Etat de tous nos maux, confortant implicitement les partisans de la loi du colt. Et ceux qui veulent faire main basse sur l’économie.
Une phrase de Valls, et voilà nos exégètes patentés brandissant leur sempiternelle dialectique anti étatique. La réaction, pour légitime qu’elle fut, méritait-elle une telle déflagration ? D’autant qu’elle s’accompagna dans le même temps d’un étourdissant silence à l’égard d’un chef d’entreprise révélant être victime d’une extorsion de fonds. Voilà deux exemples emblématiques qui résument une propension à l’indignation sélective, qui éclaire sans doute une part de vérité, mais laisse l’autre dans l’ombre. Deux communiqués d’organisations clandestines publiées à quelques heures d’intervalle ? Sans commentaire. Ou presque. Une région devenue la plus criminogène d’Europe ? Chi fà. Le Conseil Constitutionnel saisi par les députés de l’opposition qui fait voler en éclats les arrêtés Miot ? Le gouvernement doit prendre ses responsabilités analysent nos augures. En clair qu’il tente de réparer les pots cassés par d’autres. La coofficialité ? Paris doit entendre le vote unanime de l’Assemblée territoriale. Mais de quelle unanimité parle-t-on ? A droite seule Santoni-Brunelli vota pour et à gauche le groupe républicain dit son désaccord. Là aussi, si les mots on un sens, le rendez-vous qualifié d’historique ne dénota pas l’élan et l’enthousiasme espéré. Au risque d’insister, les digressions que nous énumérons sommairement ne sont nullement trempées dans quelque jugement de valeur. Ils sont les signes patents, récurrents et intangibles de profondes fractures sociétales, que certains sans doute aveuglés par leur théorie s’évertuent à effacer par le verbe, l’emphase ou la formule.
D’ailleurs, nul besoin d’être grand clerc pour prédire d’autres antagonismes lors de l’examen des dossiers d’envergure, notamment ceux qui traitent d’aménagement spatial et de statut de résident.
D’une vision, l’autre
Finalement, ces débats ressemblent étrangement à ceux qui prévalurent lors des avancées institutionnelles voulues par François Mitterrand et réalisées sous les gouvernements de gauche. Contre la droite locale, alors aux affaires, et une grande partie des nationalistes. Mais aussi du mouvement clandestin, a l’époque uni, annonçant péremptoire « Il n’y aura pas de troisième voie. » Pour certains l’autonomie était le toboggan vers l’indépendance, pour d’autres elle n’était pas suffisante. Ici les girondins, là les jacobins. Tel leader séparatiste, se remémorant sans doute ses cours de droit constitutionnel dispensés à l’université de Nice, égrenait le triptyque population, territoire et souveraineté pour prôner l’autodétermination. En face, d’autres rétorquaient par des slogans d’unité. Qualifiant même Pierre Joxe, lors d’un déplacement officiel de ministre séditieux.
Et pendant ce temps là, les questions économiques, sociales étaient mises en parenthèse, car selon le slogan des leaders frontistes d’alors l’homme ne vit pas que de pain. Et ce n’est que timidement que des syndicalistes osaient rétorquer qu’il lui en fallait aussi pour se sustenter.
Aujourd’hui les conseillers territoriaux travaillent, ils tentent d’élaborer une nouvelle réforme institutionnelle. Déjà certains clament sous tous les tons que L’Elysée et Matignon devront valider. Osons faire simplement remarquer qu’en cas d’accord chez nous la décision finale appartiendra aux sénateurs et députés réunis en congrès à Versailles. Et petit rappel utile, il faut au moins une majorité des trois cinquième lors du vote. Cela pour dire que la décision n’appartient par à Hollande ou au gouvernement mais aux parlementaires. La gauche n’ayant en toute hypothèse pas une majorité suffisante, l’éventuel succès passera inévitablement par le ralliement d’édiles de droite. Opposés à une écrasante majorité.
En quête de réalisme
Voilà qui nous ramène au réalisme, que certains semblent avoir laissé en chemin. En corollaire un tel projet nécessitera a tout le moins la consultation de la population de Corse. Car comme le disait fort justement Jean-Jacques Rousseau, l’on ne peut pas rendre un peuple heureux malgré lui. Et à cet égard nous avons l’exemple du refus essuyé par Sarkozy lors de son fameux référendum local. Nous vîmes aussi celui que les Alsaciens réservèrent à la fusion des départements.
Cela renvoie à la prudence et à l’humilité. Car si l’on prend le pouls de la population rien n’indique que les débats actuels soient au cœur de leurs préoccupations. Le sondage que nous avions commande à Opinion Way, et publié en son temps était d’une clarté aveuglante. L’emploi et le logement, étaient au hit-parade.
La Corse est a la croisée de chemins. Le temps n’est plus aux philippiques, procès d’intention, index vengeur pointé vers Paris. Il impose de redonner ses lettres de noblesse à la politique. Il faut donner une chance d’avenir à la Corse. Cela passe par la critique constructive, l’authentique dialogue, en un mot la citoyenneté. Dès septembre fixer un cap, qui transcende les postures. Tel est l’enjeu. Voilà le défi !
Jean Poletti
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