Quartier Saint-Joseph à Bastia, une structure dédiée aux séniors. Rendez-vous prisé des adhérents, elle concrétise ce fameux lien social et s’inscrit pleinement dans la lutte contre l’isolement. L’exemple de la concorde intergénérationnelle qui convoque la solidarité.
Par Jean Poletti
A Casa di l’Anziani compte désormais plus de trois cents adhérents. Initiée par la majorité municipale, elle répond à une mutualisation de sa politique envers ceux qui sont à l’automne de leur existence. Jean Giambelli fut, avec son équipe, l’artisan et l’actuel responsable de cette belle réalisation, qui ouvrit ses portes, voilà deux ans. Desservie par une navette gratuite, elle nécessita quelque quatre cent mille euros d’investissements pour l’achat du bâtiment, les travaux de mise aux normes et l’acquisition des divers équipements. Le résultat est probant. Matériel informatique, agencement pour le sport, espace convivial et propice aux activités ludiques. Tel est le panel offert aux habitués qui prennent régulièrement le chemin de ce qui est devenu leur deuxième maison. Celle où ils se retrouvent pour échanger, se distraire et en filigrane briser ces affres de l’ennui, qui souvent étreint ceux qui malheureusement regardent, comme le chantait Brel, la pendule qui ronronne au salon. Nul risque que cela se produise inde a casa di san ghjie. Le spleen fora ! Ici un pont est jeté entre l’agréable et l’utile avec notamment des efficientes luttes contre la fracture numérique, en aidant par exemple à remplir en ligne la feuille d’impôts et autres documents officiels. Mais au nom d’une bénéfique stratégie globale, des échanges relationnels sont noués avec la jeunesse. Ainsi, des élèves du lycée Jean-Nicoli ou des agriculteurs en herbe se déplacent chez les séniors et ceux-ci rendent la politesse en allant dans les établissements scolastiques.
Vivre ensemble
Voilà qui illustre par l’exemple et la pratique le concept intergénérationnel, trop souvent engoncé dans la stérile théorie. Et vain élément de langage sans l’esquisse de l’ombre d’une réalité. Rien de cela au sein de la structure gérée par Jean Giambelli. Elle façonne, au quotidien, ce lien qui renvoie au fameux vivre-ensemble, gage non seulement de lien mutuel, mais aussi de cette bienveillance qui transcende les saisons de la vie.
Les rencontres hors les murs, faut-il le souligner, ne sont qu’une des facettes de cet emploi du temps aussi riche que varié. Cours bilingues, récitals et animations culturelles sont aussi des moments pleinement prisés. Tout comme les séances de gym aquatique ou douce et autres thés dansants. Bref, le panel est séduisant et l’imagination aidant, nul doute que d’autres suggestions viendront encore enrichir la liste des prestations.
Havre de paix et parenthèse enchantée ? Sans doute. Cependant, sauf à ne pas scruter l’évidence, il convient de souligner que parfois ces personnes âgées rejoignent la cohorte des nouveaux pauvres. Retraites indigentes, accès aux soins, loyers, chauffage, alimentation, autant de dépenses contraintes et pourtant parfois impossibles à acquitter. À l’orée d’un long labeur, trop nombreux sont ceux qui se débattent dans la précarité, pour ne pas dire le dénuement.
Épicerie sociale
Plutôt que de verser dans les débats théoriques, l’équipe apporte là aussi sa pierre à l’édifice. Jouxtant A Casa di l’Anziani a été ouverte une épicerie éducative. Deux cents mètres carrés proposant nourriture et produits de première nécessité à ceux qui ne disposent que de faibles moyens. Un budget est d’emblée préétabli, une conseillère en économie sociale oriente la clientèle et l’aide à ne pas confondre essentiel et superflu. Cet accompagnement se fait en toute discrétion, permettant ainsi de préserver l’insigne dignité des bénéficiaires qui peinent à joindre les deux bouts.
Cette Casa est-elle le signe d’une prodigieuse accélération de notre histoire ? Sans doute. Elle s’inscrit dans une profonde mutation sociétale qui frappe de plein fouet mœurs et coutumes. Voilà peu encore ces centres d’accueil étaient vue de l’esprit. La vie des quartiers était teintée d’esprit communautaire. L’entraide avait pleinement droit de cité. Autres temps, emprise de la modernité, l’attention et la présence dont étaient entourés i vechji se sont quelque peu étiolées. Fini le temps où jeunes et vieux se retrouvaient au pied des habitations lors des beaux jours. Révolue l’époque où les voisins se préoccupaient de l’habitant vivant seul, que l’on appelait d’ailleurs Ziu ou Zia en signe de naturel respect.
Exemple à suivre
Le déplorer ne suffit pas. En restreindre les effets s’avère plus salutaire. La demande existe, il convient de la satisfaire. Voilà le défi relevé avec efficience par Jean Giambelli et tous ceux qui participent à faire exister sur fond d’harmonie A Casa di l’Anziani.
En espérant qu’elle sera le prélude à d’autres réalisations similaires, dans les villes mais aussi le rural. Nos anciens le méritent à tous égards !
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