Le caméléon du DOSSIER CORSE

De Courson donne le tournis. Son obsession pour la Corse relève de la pathologie.
Naguère pourfendeur de toute spécificité, il se mua en chancre de l’autonomie. Puis se drapa dans le silence qu’il quitta cet été pour dire pis que pendre sur la prolongation d’une décennie du régime dérogatoire des successions. Et de se dédire dès le lendemain, prétextant que son propos indiquait simplement une mise en garde sur un projet risquant d’être retoqué. Tragicomique.

Par Jean Poletti

Le ci-devant Charles Amédée Simon du Buisson de Courson est un cas d’école. Ses changements sur le
dossier insulaire devraient figurer dans les annales des cours de sciences politiques. Ses saillies antagonistes forment une suite ininterrompue alliant tout et son contraire. Rapport de cause à effet ? Sitôt élu au poste envié de rapporteur du budget de l’État au Palais Bourbon, il déploya sans noblesse l’oriflamme du refus concernant le délai voté par le Sénat de l’amendement Panunzi. Ce n’était pourtant pas une jacquerie ou autre crime de lèse-majesté, mais simplement le moyen de donner un peu de temps pour mener à bien l’assainissement cadastral entrepris. Et en corollaire résorber définitivement le désordre dans le domaine des propriétés. Le régime dérogatoire permettant notamment un abattement de cinquante pour cent des droits de successions courait encore trois ans. Délai à l’évidence trop bref pour atteindre la normalité. Mais Charles ne se montra pas bon prince.
Il brandit l’épée de ses ancêtres chevaliers et trancha dans le vif amputant ainsi tout délai. Un coup de Jarnac qui surprit notamment ses deux collègues corses qui comme lui adhèrent au même camp
parlementaire. Michel Castellani et Paul-André Colombani furent- ils mis dans la confidence de l’intempestive intervention ? Nul ne le pense. Par contre, on peut imaginer que le duo ne fut pas avare de remarques peu amènes à l’endroit du drôle d’ami. Tout en essayant officiellement de minimiser l’importance de ses propos.
LABORIEUSES EXPLICATIONS
Ce n’est sans doute pas fruit du hasard si De Courson, toute honte bue, se déjugea. Dans un argumentaire cousu de fil blanc, il affirma que son intention n’était nullement de contester la légitimité du dispositif transitoire, mais d’alerter sur sa possible inconstitutionnalité. Voire un rejet de l’Assemblée nationale. Et en épilogue d’un plaidoyer digne d’un triple salto arrière d’asséner que la Corse devait accéder à l’autonomie. Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites. Mais c’est bien sûr on avait mal compris. Ou l’art et la manière de faire passer des vessies pour des lanternes.
Nul n’aurait réfuté un argumentaire qui aurait conjugué l’adhésion au délai tout en mettant en garde sur les problèmes juridiques. Mais en l’occurrence rien de tout cela. Seul le véto fut exprimé. Manichéen, comportant une seule facette, et un rejet sans autre forme de procès. Saint-Louis doit se retourner sous son chêne de justice. Chassez le naturel, il revient au galop. La formule s’impose tant le personnage fut prolixe en fluctuations. D’abord pourfendeur inlassable de toute spécificité insulaire, il se drapa ensuite dans les habits de l’évolutionniste faisant dire à ses adversaires nationalistes et progressistes : « Il a changé. »
L’ÉNIGMATIQUE ARISTOCRATE
Sincérité ou calcul ? Mutation intellectuelle puisée dans la réflexion ? Adaptation opportune à l’air du temps lui permettant de payer son ticket d’entrée à Libertés, indépendants outre-mer et territoires ? Groupe qu’il avait rejoint après de nombreuses pérégrinations. Naviguant de l’UDF à l’UDI en passant par les non-inscrits. Nul ne le lui reproche, tant on sait depuis Edgar Faure que « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. » Pour autant l’interrogation affleure sur cette révolution copernicienne qui le vit passer allègrement avec armes et bagages sémantiques de jacobin effréné à girondin frénétique à l’égard de la Corse. Tant mieux, applaudirent ici des deux mains les partisans d’avancées statutaires. Las, leurs louanges sur cette métamorphose connurent une sorte de bémol. L’harmonieuse paghjella devint cacophonie. Et l’impétrant eut beau se fendre d’un communiqué
invoquant une perception fallacieuse de sa déclaration, l’expectative s’instaura. Profitant de l’aubaine François-Xavier Ceccoli d’asséner dans l’hémicycle que De Courson était « un ennemi de la Corse
opposé à tout avantage fiscal pour l’île ». Le nouveau député enfonçait le clou « Un sinistre personnage dangereux pour la Corse. » Loin de nous l’idée de verser dans le procès d’intention.
Allons même jusqu’à admettre que l’aristocrate fit preuve d’une insigne maladresse. Personne n’infirmera qu’un tel mea-culpa eut été plus recevable si toutefois il était isolé et sans précédent. Mais en l’occurrence, il renvoie à une dichotomie qui interpelle. Rendant ardu le tri entre la bonne foi et la duplicité.
LA POLITIQUE ET L’ANDOUILLETTE

Jugements hostiles sur l’arrêté Miot et autres bonifications de taxes, se muèrent en défense ostensible du particularisme. Puis en plein été par une volte-face abrupte, corrigée à grand-peine. Ces louvoiements n’incitent pas à la présomption d’innocence. Et sans aller jusqu’à prononcer un verdict de culpabilité d’aucuns affirment qu’un tel clair-obscur donne tout son sens au propos de Édouard Herriot « La politique c’est comme l’andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop. »

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