Edito
Par Jean Poletti
Quelque peu tombé dans l’oubli, Jean-Pierre Chevènement rappela à notre bon souvenir. Le président Macron l’avait sorti de sa naphtaline pour qu’il participe à la commémoration de l’assassinat du préfet Claude Erignac. En incidence celui que l’on surnomme le Che courut les plateaux de télévision pour dire tout le bien qu’il pensait de la Corse en général, des nationalistes en particulier. Ephémère instant de gloire. Accommodement avec la vérité. Commode oubli des mauvaises décisions. Sans doute adepte de Leo Ferré qui chantait avec le temps va tout s’en va, le ministre de l’intérieur d’alors passe allègrement au chapitre perte et profits une page peu glorieuse de la République dont il se dit un fervent disciple.
Nulle envie de remuer le couteau dans la plaie des souvenirs. Pour autant faut-il murer dans le silence des cathédrales la décision de celui qui nomma Bernard Bonnet au Palais Lantivy. Il intronisa l’homme qu’il faut là où il faut. Puis le défendit bec et ongles, jusqu’à l’Assemblée nationale, alors que les volutes de fumée de paillotes incendiées cernaient la préfecture de région. Mis aussi sous le boisseau le rôle de pyromane d’un groupe de gendarmes transformé en garde prétorienne de celui qui se voulait proconsul.
Faut-il indiquer en simple rappel l’antagonisme surréaliste entre divers services d’enquête. Ou encore la fumeuse piste agricole qu’un haut responsable de la police voulait faire valider contre vents et marées. Et au mépris de l’élémentaire bon sens ?
Afin de bannir l’éventuel quiproquo, disons sans réticence que Jean-Pierre Chevènement a non seulement le droit, mais aussi le devoir d’exprimer sa doctrine et son sentiment. Pour autant, peut-il jouer les pourfendeurs de toute évolution statutaire de l’ile en s’exonérant de ses propres turpitudes ? Lui qui forge sa pensée jacobine dans l’airain, ne fut pas toujours centralisateurs. Tant s’en faut. Dans l’un de ses ouvrages Le vieux, la crise et le neuf, écrit lorsqu’il était un membre influent de Parti socialiste, il prônait l’autogestion pour recomposer les institutions, l’Etat, l’école ou encore la commune. Un plaidoyer renvoyant a Gramsci affirmant « il y a crise quand le vieux ne meut pas et quand le neuf ne veut pas naitre. » Roulez carrosses. Passez muscades ! Autant en emporte le libecciu. Certes, nul ne contestera, fut-ce en sourdine, la liberté morale et intellectuelle de changer d’avis. Mais brûler sur le bûcher de la politique ce qui était adoré hier, relève d’une évolution radicale qui à tout le moins interpelle. L’histoire récente et ancienne nous enseigne que ces changement sont monnaie courante. D’ailleurs, pour reprendre le bon mot d’Edgar Faure, ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c’est le vent.
Ces quelques considérations qui excluent tout jugement de valeur, renvoient inévitablement à l’invitation présidentielle de celui qui ne laissa malheureusement pas un souvenir inaltérable. S’il s’agissait d’une décision symbolique, osons dire qu’elle fut peu appréciée au sein de la population.
Pour autant, n’accordons pas plus d’importance que nécessaire à ces aléas que le temps polit et rejette dans l’oubli.
L’essentiel est ailleurs. Dans le fil du dialogue qui semble renoué entre l’ile et Paris, les effets d’annonce et les postures doivent céder le pas au réalisme. Cela implique de faire abstraction de part et d’autres des mots qui fâchent et des formules outrancières. Et se souvenir aussi de la formule de Mitterrand « C’est blesser un peuple au plus profond de lui-même que de l’atteindre dans sa culture et sa langue. »
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