LE CHOC DE L’AFFAIRE FILLON

La transparence à tout prix ?

Les Français veulent de la transparence. La campagne présidentielle leur offre une occasion d’en être rassasiés. Les révélations se succèdent à un rythme effréné.

Par Vincent de Bernardi

On décortique la vie des responsables politiques, on examine leurs déclarations de patrimoine, on les somme de dire ce qu’il y a sur leur compte en banque, s’ils ont bien tout déclaré, tout payé. On enquête, on vérifie, on recoupe et on juge bien souvent avant de connaître la vérité. On a vite fait de trancher, de rendre un avis implacable : « des pourris, au mieux des profiteurs du système », celui-là même que l’on condamne allègrement. On bave d’envie devant le modèle scandinave de transparence « pure et parfaite » sans véritablement le connaître. Et on finit par banaliser et oublier les turpitudes des uns ou des autres puisque tous ont, plus ou moins, caché quelque chose à un moment ou à un autre.
La transparence est perçue par une immense majorité de Français comme une valeur positive. Interrogés par l’Ifop, il y a quelques années, seuls 28% d’entre eux considéraient que la société française était transparente. La politique disputait aux marchés financiers la première place du secteur le plus opaque. Rien d’étonnant non plus de voir que les dirigeants politiques sont vus comme les acteurs les moins transparents derrière les banquiers. Seuls 3% des Français jugeaient les politiques transparents.

Le vice et la vertu angel-1384694_960_720
Les mesures sur la transparence de la vie publique sont la plupart du temps adoptées après dérives et scandales retentissants. On se souvient, pour les plus anciennes, des lois votées après les affaires de financements occultes de partis politiques dans les années 90, aux plus récentes, après l’affaire Cahuzac. On a eu beau créer des commissions, des hautes autorités, pour moraliser la vie publique, la perception de l’opinion ne change pas. Une majorité continue de penser que le secteur politique est opaque, et ses responsables corrompus comme en témoignait déjà une enquête menée par Kantar TNS en 2011. 7 Français sur 10 estimaient que les dirigeants politiques étaient plutôt corrompus. On trouvait une proportion encore plus forte chez les plus jeunes, les catégories populaires et les sympathisants du Front national.
La tendance ne s’est pas inversée et sur fond de défiance accrue à l’égard des responsables politiques, la volonté de voir émerger une vie publique plus morale a pris un relief nouveau. En effet, après s’être présenté comme le candidat de l’honnêteté et de la vertu, François Fillon représente désormais aux yeux de l’opinion, l’archétype de l’élu profitant d’un système opaque.

Le discours et la méthode
Comme elle le fait depuis dix ans à l’occasion de chaque scrutin, l’association anti-corruption Transparency International France a adressé à tous les candidats un courrier afin qu’ils s’engagent sur des mesures concrètes destinées à renforcer l’éthique et la transparence. Parmi les mesures proposées par Transparency, figurent la publication des dépenses des parlementaires (François Fillon et Marine Le Pen apprécieront), le suivi en temps réel des frais dates et les partis politiques en période d’élection présidentielle (mesure dédicacée à Nicolas Sarkozy), la vérification préalable de la situation fiscale des ministres, hauts fonctionnaires et personnalités nommées en Conseil des ministres (ça fait du monde !), l’obligation pour les candidats à toutes les élections nationales et locales de produire un extrait de casier judiciaire vierge (!)…

Le Pen fait front
Pour Daniel Lebègue, ancien directeur du Trésor, aujourd’hui président de l’association, l’objectif est d’améliorer encore et toujours le fonctionnement de la démocratie. Pour lui, l’affaire Fillon a créé un choc dans l’opinion de même que l’avait fait l’affaire Cahuzac en 2013. Ce choc doit conduire à modifier les règles et surtout le comportement des acteurs publics. Pour autant, ces chocs sont largement alimentés et entretenus par une couverture médiatique sans précédent. Si l’affaire des emplois fictifs au Front national n’a pas été (encore) perçue par les Français comme un choc d’une ampleur comparable, c’est en partie parce qu’elle n’a pas été autant traitée que le cas Fillon par les médias. Est-ce le résultat d’une meilleure gestion de la crise par le FN et par sa présidente ? Son électorat pourtant très sensible à ces sujets, est-il à ce point crédule pour penser que c’est une machination orchestrée par la technocratie ultra-libérale bruxelloise ? Il n’en demeure pas moins qu’en renvoyant dos à dos la droite et la gauche, et leurs pratiques d’élites corrompues, le FN passe entre les gouttes et apparaît comme le parti de la morale et de l’honnêteté. C’est aussi ça le populisme.

 

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