Le père Noël -Par Nadia Galy

Le bonheur d’être triste…

Par-delà les années et les obstacles, par-delà les douleurs et les saisons, je serai là. Éternellement. Je me suis engagé à faire croire au merveilleux. Et je le fais avec conviction, avec probité, parfois avec modestie parfois avec opulence ou maladresse. Je permets aux grands de « petissir », et souvent aux cœurs étroits de s’amollir un peu. Je suis à la fois l’enfance et ce qui la chasse, je suis l’amour, les attentes et l’espoir. Je suis le lien vers le gamin qu’on a été et qu’on accueille au cœur de l’hiver avec clémence. Lorsqu’ils décorent leur sapin, je sais que dans le cœur des Hommes, il y a quelque chose de beau, qu’en leur for intérieur, les boules de verre, les personnages, la grande étoile arrivent dans leur poitrine comme l’écho d’une vie heureuse, porteuse de quelque chose qui les dépasse.

Sauf à avoir été maltraité, abandonné, lorsqu’un être me repousse, je sais que ce n’est pas moi qu’il repousse. Je suis sûr qu’il se trompe de geste et qu’en réalité, il s’incline vers l’enfance enfouie au creux de son cœur. Le passé jaillit malgré lui chaque année inexorablement, comme une horloge nostalgique qui carillonne en s’enfonçant de plus en plus dans le lointain… et ce lointain impitoyable lui serre la gorge. C’est ce lointain gâché qui fait monter sa tristesse et étouffe le tintement de ce qui n’est pas l’enfance mais du temps d’amour perdu. Cependant, ne croyez pas, les chanceux peinent également à Noël. Leurs envies d’absolu, leurs grandes espérances se sont éloignées, s’éloignent chaque année un peu plus elles aussi, mais reste en eux l’âge tendre qui les emplit d’une nostalgie heureuse. Elle arrondit leurs aspérités d’adultes, leur fait boire un peu de vin, briller leurs yeux, et en les fermant ils sentent encore le froid carrelage du salon lorsqu’ils s’y précipitaient le matin. Pour ceux-ci qui ont été choyés, aimés, c’était mieux avant. Mais c’est faux. Ce n’était pas mieux avant, c’est eux qui étaient mieux. C’est d’être enfant qui est mieux ! Le blé en herbe, l’immense possibilité de l’avenir, la naïveté, la confiance, les jeux… L’enfant qu’ils étaient renaît à Noël et il leur est d’un grand secours la plupart du temps. Mais parfois au contraire, il les observe avec la bravoure immaculée des rêves, et sa déception les meurtrit, alors il en faut des guirlandes, et de la joie, et des belles tablées pour aider à ce qu’ils transmettent un beau flambeau à leurs petits.

 

Il se joue beaucoup de choses autour de moi, mais ma raison d’être est le besoin de faire famille. Le besoin d’affection des hommes est incommensurable, celui de complicité et de fraternité également et d’être le prétexte au rassemblement autour de la lumière, du foyer, des festons et des ornements me rend heureux. Il arrive que j’échoue. Mais il arrive aussi que je sois une riposte au malheur pour ceux qui s’obstinent au bonheur. Ceux-là fêtent Noël avec une exaltation bouleversante. Pour eux, je fais briller les étoiles plus fort, parce qu’ils nourrissent l’estime et l’affection, par ce qu’un rien les émerveille, parce que celui qui redevient avec naturel le frère, la cousine, la petite dernière… avant de redevenir son propre enfant m’émeut. À ce moment, le petit spleen qui l’envahit lui donne envie de prendre quelqu’un dans ses bras en regardant les lumières du sapin se refléter dans les vitres derrière lesquelles tombe la neige… Et alors je peux entrer…

 

Moi, le Père Noël, c’est ce que j’apporte de plus doux : la nostalgie et le bonheur d’être un peu triste !

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