Le plan ferroviaire oublie la Corse

Élisabeth Borne, alors à Matignon, avait promis un grand plan national pour rajeunir le réseau, entretenir les gares ou automatiser la signalisation. Les priorités étaient définies avec un investissement de cent milliards d’euros s’étalant sur quinze ans. Toutes les régions devaient en bénéficier. Sauf une, la Corse.

Par Jean Poletti

U trinichellu s’inscrit dans le paysage insulaire. Au fil des ans, il connut des innovations. Et des offres répondant globalement aux attentes de la clientèle. Navettes périurbaines, accroissement du fret ou horaires adaptés et tarifs préférentiels pour les étudiants. Bref, le train était sur les rails de la modernité. Aussi lorsque la Première ministre lança une sorte de bataille du rail devant bénéficier à l’ensemble du territoire, l’île pensait à bon droit ne pas rester sur le quai de l’oubli. Elle se trompait. La micheline restait en gare de l’exclusion. Le temps passa, les pensionnaires de Matignon aussi. Borne, Attal, Barnier, et maintenant Bayrou. Des changements dont la célérité donne le tournis.

Pour autant l’initiative demeurait. Elle fut d’ailleurs récemment réitérée par le ministre des Transports démissionnaire : « La feuille de route demeure même si son exécution est fragile compte tenu des économies à réaliser dans le budget de l’État. » La solution ? La fin des concessions autoroutières. Le renouvellement des contrats pouvant en effet dégager des revenus dévolus à honorer l’opération modernisation. Et François Durovray d’ajouter : « Il faut que nous donnions aux élus locaux les moyens de créer l’offre de mobilité. » Ou pour faire bonne mesure « le train doit rester au centre de toute stratégie ».

Plans sur la comète

Des assurances qui rassérénaient la collectivité régionale. Cette seconde mouture aurait pu permettre de revoir la copie et intégrer la Corse dans les vastes travaux prévus pour mailler le pays. Peine perdue. Telle Anne ne voyant rien venir, le président du Conseil exécutif scrute la fameuse lettre de cadrage pour ouvrir les négociations avec l’autorité préfectorale. Il convient toutefois de souligner que ces missives sont conditionnées à un ultime arbitrage qui n’a pas encore été rendu, alors qu’il devait l’être en juin dernier. Le contrat de plan État-région devant finaliser l’opération est à l’image de maintes promesses à classer dans le rang de l’Arlésienne.

En toute hypothèse, rien de véritablement nouveau sous le soleil, puisque d’emblée la Corse n’eut pas son wagon rattaché à la locomotive du renouveau.

Rêvons un peu. Si notre île recevait sa quote-part, elle pourrait accroître ce service des michelines qui s’inscrit dans la mémoire collective. Réhabiliter des gares, mettre en place de nouvelles prestations. Et qui sait faire revivre la ligne de la Plaine orientale. Bref, dans une logique économique connue accroître l’offre afin d’augmenter la demande. Cela n’est nullement utopique, mais est écrit noir sur blanc par le Conseil d’orientation des investissements prônant « un transport ferroviaire de proximité ». Et d’évoquer en incidence, cerise sur le gâteau, les bénéfices écologiques liés à une telle planification.

De Villiers choyé

Pourtant, en maints lieux hexagonaux, le train siffle joyeusement trois fois. Sans jouer les trouble-fête relevons que les Hauts-de France, Les Pays de la Loire, et d’autres sont déjà bénéficiaires d’aides. Même si certains édiles aspiraient à plus. Sans parler d’une ligne rouverte entre Cholais et Les Herbiers, ou la desserte du parc d’attraction du Puy du Fou, structure privée chère à Philippe de Villiers. Ceci expliquerait-il cela ? En tout cas le Vendéen a de quoi être satisfait. Par contre tel n’est pas le cas en d’autres lieux. À l’image de l’Occitanie. Les édiles sont eux aussi « en attente de réponse gouvernementale. » Pourtant assène l’un d’eux « Le besoin est criant les infrastructures vieillissantes. Nous avons besoin d’engagements et les sommes annoncées sont du niveau des pré-études, on est vraiment sur des choses symboliques. » Comme dirait l’autre, c’est mieux que rien. L’espoir demeure. Chez nous la petite lueur vacillante s’éteint au gré des annonces positives enregistrées sous des cieux continentaux.

Pour mémoire, rappelons cette adresse d’Élisabeth Borne « Les transports ont toujours été synonyme de liberté. Ils sont un des leviers de l’émancipation. S’ils ne sont pas là, trop rares ou que leur qualité fait défaut, ce sont autant d’assignations à résidence qui demeurent, autant de territoires dont le développement est freiné. »

Voilà qui semble s’appliquer pleinement à U Caminu di Ferru, reliant entre elles nos quatre principales cités. Ici des liaisons intervilles, des services interurbains à Ajaccio et Bastia. Ainsi que le fameuse Rafale qui sillonne durant la saison estivale les plages de Balagne.

Et j’entends siffler le train

Propriété depuis vingt-deux ans de la Collectivité territoriale, les CFC auraient vu d’un bon œil ne pas être laissés sur le bord du chemin. De fer évidemment.

Tant pis faudra rouler sans les subsides. Même si comme dit le proverbe « quand le train est passé on ne le rattrape pas ». Mais certains ici, on l’impression diffuse d’avoir reçu un coup de pied dans l’arrière-train. Et Richard Antony d’entonner son tube plein de tristesse : « Et j’entends siffler le train… »

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