De manière récurrente, la référence au zéro devient l’alpha et l’oméga du futur insulaire. Il s’affiche au tableau de l’espoir, en une déclinaison qui englobe désormais nombre de problèmes sociétaux ou économiques. Au point de s’apparenter au leitmotiv. Sans verser dans l’énumération, il suffit de quelques exemples pour affirmer que le compte est bon et qu’hors de ce chiffre nul salut n’est à espérer. Ainsi, le monde agricole plaide à s’en époumoner pour le zéro friches. Les écolos revendiquent en vert et pas contre tous le zéro fumée des navires amarrés à Bastia et Ajaccio. D’autres martèlent sans relâche le zeru frazu des ordures. Un signe patent du bilinguisme appliqué aux mathématiques ! On pourrait aisément multiplier les exemples de même veine assenés par ces chevaliers blancs de la perfection. Leur croisade est à l’évidence louable tant elle multiplie à partir du symbole du rien les équations de la réussite. Fut-elle à plusieurs inconnues. Toutes ces revendications, au-delà de leurs diversités, attestent d’une évidente prise de conscience de certains maux de l’île. Mais que nul ne prenne ombrage si certains qualifient ces révoltes de nécessaires mais nullement suffisantes. Certes les cultures, la pureté de l’air, et autres problématiques environnementales valent non seulement une messe mais aussi qu’on les défende. Toutefois, chez nous en regard de la réalité sans fards ni artifices, il ne paraît pas irrecevable de souligner que les dossiers cardinaux sont étrangement mis sous l’éteignoir. Comme si d’invisibles mains s’évertuaient à pousser la poussière sous le tapis du silence. Et sans le clamer sous tous les toits, nul n’infirmera qu’ici le terme délétère résume et affiche comme un slogan muet la réalité. Économie et social sont deux drapeaux en berne tandis que celui du coût de la vie flotte au vent des sommets. Chez nous, les salaires sont moindres que la moyenne nationale, mais les tarifs du parc immobilier flambent comme l’amadou. Une personne sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Voilà le terrible constat. À qui sait déciller les yeux, il doit transcender toute autre préoccupation pour enfin initier une stratégie collective susceptible de briser la maléfique spirale. Le temps presse car elle fait intimement partie du terreau, favorisant l’éclosion de dérives délictueuses. Tout est lié. Pourtant rares sont les voix qui se lèvent pour dire que des forces occultes sont en train de jeter leur filet sur des pans entiers de l’activité. Zéro commentaires. Tout se passe comme si notre vision du futur occultait l’essentiel pour scruter l’accessoire. Cette cécité partielle, et parfois partiale, semble à maints égards relayée par les agents de la loi. Ils se rabattent, presque avec gourmandise, sur les voleurs de poules et autres « suce-mégots », comme les qualifient avec dédain les aristocrates du milieu. Cette banale digression exclut la dialectique du procureur de circonstance. Elle tend à indiquer qu’insidieusement, à bas bruit, prévarications et intimidations s’étoffent, tandis qu’en corollaire se médiatisent parfois jusqu’à l’excès des campagnes de sensibilisation à l’évidence utiles, mais qui paraissent quelque peu décalées en regard d’autres dangers aussi diffus que redoutables. En l’occurrence, le point zéro est proche de celui du non-retour. Osons insister pour bannir le plausible amalgame. Nulle volonté de jeter la pierre à ces associations qui se veulent sentinelles vigilantes des dysfonctionnements imputables aux excès industriels ou commerciaux. Bien au contraire, ils méritent un coup de chapeau. Pour autant, il convient de relativiser. Et ne pas circonscrire le mal corse aux attaques contre l’air, les semences des terres ou le traitement des déchets ultimes. L’immense majorité de la population est sériée par des préoccupations sans doute plus pragmatiques, mais pourtant source d’angoisse dans l’existence quotidienne. Elles sont connues et tiennent en une trilogie indissociable: emploi, logement, quiétude. Cela s’appelle le vivre ensemble avec comme compagnon de route l’État de droit. Et comme le pire n’est jamais sûr, finissons sur une note optimiste en empruntant à un éternel propos d’enfant, dont on dit que la vérité sort de leur bouche: 0+0= la tête à Toto. Une manière de relier le zéro et l’infini.
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