L’édito de Jean Poletti, Paroles de Corse juillet
Voilà quelques années, un chanteur clamait : l’été sera beau, l’été sera chaud dans les tee-shirts et les maillots ! Ce refrain résume l’actuelle saison insulaire. Les problèmes récurrents paraissent noyés sous la vague de canicule. Et les préoccupations de la population semblent se consumer au soleil du farniente. Même la presse nationale se met au diapason. Elle qui durant les frimas stigmatise et flétrit l’île, nourrit ses colonnes de reportages vantant sites majestueux et rendez-vous prisés des célébrités. La parenthèse enchantée sied aussi bien ici qu’à Paris. Embrasons-nous fol amour. L’espace d’un solstice. Animations dans nos villes. Une ruralité qui sort de sa léthargie. Partout ce désir effréné d’oublier, l’espace d’un instant, les tribulations économiques et sociétales. Qui pourrait trouver à redire ? La Corse, plus que jamais sans doute, a un vital besoin d’écarter cette chape de plomb. En espérant secrètement qu’elle sera aux abonnés absents lorsque tomberont les premières châtaignes. Rêve fou ? Utopie sans lendemain ? N’aurions-nous pas ce droit au bonheur alors que nous regorgeons de potentialités inégalées ? De Gaulle à son mystère comme nous avons la Corse, disait Malraux. Sans doute. Mais par quelle alchimie désastreuse notre brillant particularisme produit tant d’effets pervers. Le déplorer ne suffit pas. Il impose le sursaut. Celui qui transcende les individualités pour rejoindre les rives de l’intérêt collectif. Comment comprendre en contre-point que ce peuple soit cloué au pilori. Lui qui donna sa constitution aux Etats-Unis d’Amérique, offrit le droit de vote aux femmes aux quatorzième siècle et un empereur à la France. Par quel coupable oubli ceux qui ne voient que l’écume des choses se gardent de rappeler qu’ils doivent à un illustre insulaire l’actuelle organisation administrative et juridique de la France ?
Pascal Paoli, Sambucucciu, Napoléon. C’est cela aussi la Corse. Tandis que là-bas ils applaudissaient Pétain, on se libérait seuls, et avant les autres, du joug Nazi. Lorsque la délation remplissait les trains plombés, ici les juifs étaient cachés et protégés. Sans doute, se trouve-t-elle aujourd’hui confrontée à un défi majeur qui conditionne sa survie. Mais là ou il faudrait que prévale l’analyse objective, ce ne sont que clichés, formules à l’emporte pièce et condamnation globale. Dérive sanglante, grand banditisme, prévarications. Voilà qui alimente légitimement la médiatisation. Mais étrangement le silence règne s’agissant de la paupérisation l’endémique chômage, une jeunesse déboussolée. En lieu et place les commentateurs, historiques ou habituels, nous rebattent les oreilles avec les sornettes de l’omerta, afin de dissimuler la faillite de l’Etat de droit. Refrain connu. Certes tels princes du Show-biz ou du monde cathodique nous tressent des louanges. Mais il est des esprits méfiants osant faire remarquer que ces défenseurs patentés possèdent des résidences secondaires dans le Cap, en Balagne, ou l’extrême-sud. Que ceux qui contestent lèvent le doigt !
La cause est entendue. Dès la rentrée le pire ou le meilleur peut arriver. Nous vivons un été beau et fragile. Un été de porcelaine !
Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.