L’énergie permet de satisfaire l’ensemble des besoins vitaux, personnels et professionnels. Les préoccupations climatiques et la recherche d’une énergie propre, l’accès à l’énergie pour tous, la croissance de la population sont de grands défis énergétiques que nous devons mener malgré le marasme actuel.
Par Sébastien Ristori
Sébastien Ristori est analyste financier, professeur de finance d’entreprise à l’Université de Corse. Il est auteur aux éditions Ellipses.
Les multiples causes du prix de l’énergie
Le prix du mégawattheure a connu une flambée spectaculaire en 2022. Au 1er janvier, le prix d’achat sur le marché de gros était de 262€/MWh et est descendu à 14,91€/MWh en janvier 2023. Il a pu atteindre jusqu’à 734€ le MWh à l’achat ! Différents événements externes expliquent la hausse du prix qui a dû conduire certaines grandes entreprises à cesser temporairement leur production : le contexte géopolitique actuel évidemment, notamment les décisions de la Russie de limiter l’export de gaz, composant essentiel dans notre production d’électricité. Des dysfonctionnements intérieurs ensuite, avec des centrales défectueuses dont les maintenances sont lourdes et prennent du temps, ce qui oblige les fournisseurs à acheter d’autres énergies, plus chères, moins propres, pour répondre à la demande. Cette demande qui, par ailleurs, a fortement augmenté tandis que l’offre s’est raréfiée avec des coûts de production de plus en plus importants. Il n’y aurait pas assez de lignes à cette chronique pour évoquer les coûts fixes et les nombreux autres paramètres qui ont un impact sur le coût, si tous ces événements peuvent expliquer la hausse des prix, la libéralisation du marché de l’électricité dans les années 2000 est aussi pointée du doigt. L’ouverture du marché a vu l’émergence de nouveaux acteurs autre que le producteur et le fournisseur unique jusqu’alors : des fournisseurs d’offres alternatives, des négociants en énergie sur le marché viennent proposer des contrats d’électricité. Si EDF est à la fois producteur et fournisseur et peut livrer l’électricité au client final grâce à sa filiale qui gère le réseau de distribution, ce n’est pas le cas de tous les opérateurs. Cela conduit mécaniquement à une volatilité des prix pour le client final qui subit la hausse des tarifs. Le véritable sujet est la dépendance du pays aux énergies fossiles importées et notre incapacité à répondre à la demande à l’heure où le sujet de l’énergie décarbonée est sur la table. L’État cherche à reprendre la main et a mis en œuvre deux mesures.
La première action : Le rachat des actionnaires minoritaires pour nationaliser EDF
L’État détenait jusqu’alors 84% du capital de la société. Avec un tel pourcentage au capital, il est déjà maître à bord. Toutefois, avec 16% détenus par le marché, l’État majoritaire est confronté aux regards et aux oppositions des investisseurs ainsi qu’aux exigences de transparence dans la gouvernance. Un majoritaire doit toujours agir dans l’intérêt de tous les actionnaires, y compris les minoritaires ! À ce jour, l’État vient tout juste d’obtenir les 90% d’actions et les 90% de droits de vote qui lui sont nécessaires pour exproprier les minoritaires restants, bien qu’une procédure soit en cours pour revaloriser le prix de sortie par certains d’entre eux. Officiellement, l’État rachète les minoritaires avec une prime par action de 3,5€ pour avoir les coudées franches et investir massivement dans la rénovation et l’extension du parc Nucléaire. Tout cela pour atteindre la dépendance énergétique. « Cela n’a pas de prix », aurait ajouté le ministre. Un économiste sérieux pourrait sourire : sur un plan purement financier, le niveau d’endettement que cela va nécessiter va effectivement dépasser les canevas acceptables pour les prêteurs. À ce jour, la rentabilité économique de EDF est médiocre, et l’endettement massif affaiblit la valeur des actions. Autant dire que ce n’est pas demain que nous verrons un actionnaire EDF sourire ! Il y a donc un raisonnement classique sur le papier à vouloir gérer l’entreprise sans vouloir rendre compte à des minoritaires. Toutefois, il y a surtout une langue de bois politique. Avec 84%, l’État a déjà les mains libres, et il peut gérer dans l’intérêt de tous les actionnaires en injectant immédiatement 10Md d’euros dans la société, plutôt que d’appauvrir l’entreprise de 10Md€ pour sortir des minoritaires pour ensuite les réinjecter dans l’optique de financer le développement. Il y a, sans aucun doute, derrière ce choix, l’incapacité pour l’État de détruire l’accord imposé par Bruxelles qui oblige EDF à revendre jusqu’à 25% de sa production, au coût de revient, à ses concurrents qu’ils achètent si le prix leur est favorable. Être actionnaire aux côtés d’un État n’est finalement jamais très bon pour le moral.
La seconde action : Les aides aux entreprises
Le gouvernement a mis en œuvre différents dispositifs pour les TPE, PME et grandes entreprises ainsi qu’une aide pour les ménages les plus modestes. Concernant ces derniers, un chèque énergie de 200€ pour une personne qui a un revenu annuel de 10 800 euros et de 100€ pour un ménage dont le revenu annuel est entre 10 800 et 17 400€. Les TPE de moins de 10 salariés avec un chiffre d’affaires inférieur à 2M€ et un compteur électrique de -36kVA peuvent se rapprocher de leur fournisseur d’énergie pour obtenir le bouclier tarifaire de 4% sur la hausse des prix. Les TPE et PME de moins de 250 salariés non éligibles au bouclier tarifaire avec un compteur d’une puissance supérieure de 36kVA ont droit à l’amortisseur électricité, et pour les sociétés qui ont signé des contrats plus élevés avec un plafond d’aide de l’ordre de 20% de la facture. Ces TPE-PME peuvent bénéficier d’un guichet d’aide dès lors que les dépenses d’électricité dépassent 3% du chiffre d’affaires après avoir utilisé l’amortisseur. Les TPE peuvent également bénéficier du report du paiement des impôts et des cotisations sociales, l’étalement des factures d’énergie en se rapprochant de leur fournisseur. Les entreprises intéressées pourront bénéficier de renseignements complets sur le site économie-gouv.fr.
La nationalisation de EDF et son modèle économique actuel imposé par des directives européennes pourrait relancer un débat jusqu’alors soumis au silence : L’énergie doit-elle devenir un bien public ? A cette question pourront s’affronter les fervents partisans de la libéralisation du marché et les ardents défenseurs de l’État interventionniste.
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