Quatre sièges. Des inconnues. Un climat. Voilà l’équation qui prévaut à quelque trente jours du nouveau rendez-vous électoral. Sera-t-il un long fleuve tranquille pour les sortants ? Les dissensions nationalistes et les Républicains en berne peuvent rebattre les cartes
Par Jean Poletti
Sitôt le rideau de la présidentielle refermé, se lève celui des législatives. Les ténors de l’opposition sous l’égide de Jean-Luc Mélenchon rêvent déjà d’un troisième tour au parfum de cohabitation. Tandis que du côté de Horizons, l’enjeu consiste à bâtir un groupe puissant, socle d’un avenir élyséen pour son mentor Édouard Philippe.
La Corse semble étrangère à ces postulations hexagonales. Mais il s’agit d’une illusion d’optique. Chez nous aussi la future configuration du palais Bourbon pourrait engendrer en onde de choc des conséquences, pour peu que l’équilibre actuel des forces évolue. En filigrane se dessine une interrogation qu’il convient d’extraire du panel de supputations. Dans l’hypothèse d’une recomposition qu’adviendra-t-il du groupe « Libertés et territoires » auquel adhéraient les trois parlementaires nationalistes sortants ? Cela n’est pas qu’une simple hypothèse d’école, tant on sait que ce rassemblement de sensibilités différentes risque de voler en éclats lors d’une possible recomposition générale de l’hémicycle.
Plus prosaïquement la bataille qui s’instaure dans l’île recèle autant de constances que d’expectatives.
Ainsi, du côté d’Ajaccio, Jean-Jacques Ferrara étiqueté LR se placera-t-il dans le sillage de Laurent Marcangeli dont on sait l’adhésion à la démarche de l’ancien Premier ministre, au regard déjà fixé sur la ligne d’horizon du prochain quinquennat. Quoi qu’il en soit l’actuel député devra en découdre notamment avec Jean-Paul Carrolaggi qui devrait à tout le moins recevoir le soutien de Core in Fronte et Corsica Libera. Le praticien n’en est pas à son coup d’essai. Lors de la précédente confrontation, il échoua d’une poignée de suffrages à la qualification au second tour. D’autres prétendants entreront certes dans l’arène portant les couleurs de la gauche de En Marche et pourquoi pas de Femu voire de la droite radicale. En tout cas, cette circonscription, sphère d’influence du maire d’Ajaccio, sera scrutée ici et à Paris.
La guerre des Paul
À Porto-Vecchio aussi un vent de discorde a repris force dans les rangs nationalistes. Paul-André Colombani verra-t-il se dresser sur sa route Paul-Félix Benedetti ? L’originaire de l’Alta Rocca en caresse l’idée et pas qu’en se rasant. D’autres sont susceptibles de se déclarer. Et à droite ? Camille de Rocca Serra serait disposé à sortir de sa retraite, tandis que depuis son fief de Porticcio, Valérie Bozzi exprimerait aussi sa volonté d’être en lice. En contrepoint, Jean-Charles Orsucci aspire à défendre ses idées, tout à la fois rocardiennes et macronistes. Tandis qu’un représentant de Horizons pourrait pointer le bout de son nez.
D’un secteur l’autre, direction Bastia. Michel Castellani sollicite un nouveau mandat. Peu probable qu’il soit contesté dans son camp, même si se murmure la possibilité d’une candidature commune Core in Fronte et Corsica Libera. Une certitude Michel Stefani reprendra son bâton de pèlerin laïc pour défendre une nouvelle fois la cause de ceux qui conjuguent difficultés quotidiennes et fins de mois difficiles. Bref, ce discours que la gauche eut tendance à oublier. Julien Morganti aussi sera présent. Le jeune conseiller municipal d’opposition, qui avait rassemblé plus de huit mille suffrages lors de la dernière consultation, veut fédérer du centre gauche jusqu’à certaines forces nationalistes. Il ne demande pas l’investiture d’En Marche mais sa présence serait, dit-on, vue d’un bon œil dans le giron de Laurent Marcangeli.
Duel frontal
Et du côté de Corte-Balagne ? Là, les affaires pourraient se corser. Lionel Mortini dit avoir envie d’en découdre, fut-ce avec Jean-Félix Acquaviva. Ce serait un duel frontal, pour ne pas dire fratricide, avec le maire de Belgodère et président de la communauté des communes de Balagne qui dispose d’un fort potentiel. Cette confrontation symboliserait à elle seule les fractures des mouvances nationalistes. Faut-il rappeler que le plausible challenger issu des rangs de Corsica Libera avait appelé à voter Simeoni au second tour des territoriales, lui apportant ainsi de nombreuses voix dans sa commune et la micro-région.
En un lieu et les autres que feront les représentants insulaires d’Éric Zemmour. L’un de ses porte-paroles, Olivier Battisitini, maître de conférences à l’université affirme qu’il n’est pas question de baisser les bras. Et ce Sartenais, féru d’histoire grecque, n’hésitera pas à se présenter si cela s’avère utile. Afin de poursuivre, comme il le martèle en substance, le combat initié par celui qui par une sorte de maïeutique a révélé une situation occultée par ceux que l’on appelle les élites.
Ce rapide survol campe à grands traits une situation qui peut sembler sur l’avant-scène sans relief particulier, mais où s’agite un théâtre d’ombres propices à des révolutions de palais. Au-delà de sa dimension nationale, ce rendez-vous des urnes livrera à n’en point douter des enseignements régionaux.
Urnes surprenantes
Mais anticiper plus que de raison sur le verdict démocratique équivaudrait à lire dans le marc de café dans une île friande de surprises. Un simple rappel pour fixer les esprits. Au lendemain de l’élection de Jacques Chirac à l’Élysée, et son score écrasant du Cap à Bonifacio, la Corse envoya trois députés de gauche au parlement. Vous avez dit particularisme ?
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