Le mouvement créé par Édouard Philippe se structure pour se muer en parti. Le maire d’Ajaccio en sera le porte-drapeau dans l’île. Un choix qu’il affirme dicté par le cœur et la raison. Le soutien au président sortant n’interdit nullement à songer aux législatives et scruter d’ores et déjà l’horizon de l’après-Macron.
Par Jean Poletti
L’ancien Premier ministre bénéficie d’une excellente cote de popularité. Certes, il affiche sans atermoiement son soutien à l’hôte de l’Élysée, mais derrière ce serment de fidélité il tisse sa toile. Dans ce qui est ouvertement proclamé et un désir plus secret, le maire du Havre joue une partition, jusqu’ici sans fausse note, pour accéder aux marches du Palais dans cinq ans.
Une période longue en apparence, mais toutefois nécessaire pour peaufiner une stature, irriguer le territoire de responsables et militants. Drainer le ralliement de personnalités marquantes. Bref, conforter au-delà d’une doctrine politique, une assise populaire et un engagement citoyen. Tels sont finalement les socles intemporels qui permettent de bâtir un parcours électif en destin national. Davantage qu’un pari, il s’agit d’un enjeu. Et Laurent Marcangeli, au nom de l’amitié et des convictions, est pleinement disposé à emprunter ce nouveau chemin.
Sans doute le terme franc-tireur s’avèrerait quelque peu exagéré. Il n’empêche. Sans esclandre superflu, l’homme quitta Les Républicains tant il était hostile à la dérive droitière de Wauquiez qui avait la main mise sur l’appareil. Localement, il créa « Ajaccio, le mouvement », signifiant en filigrane que les ukases, directives et doctrines nationales, ne pouvaient transcender ses convictions. Ni ébrécher sa fibre humaniste, qui l’incite à rassembler plutôt que cliver. Et en toile de fond, privilégier une parole libre. Celle qui a ses yeux se fonde dans le précepte philosophie : la parfaite raison fuit toute extrémité et veut que l’on soit sage avec sobriété.
À la veille du scrutin décisif l’inconnue, toute relative, et pour tout dire relevant de la clause de style, réside dans la reconduction d’Emmanuel Macron pour un second mandat. Cela n’est plus une hypothèse, mais s’apparente à une probabilité aux lisières de la certitude.
Alliés dans la différence
Dès lors le label Horizons essaimerait lors des législatives qui suivraient, constituant un groupe puissant, s’imposant comme un allié incontournable et interlocuteur obligé du pouvoir exécutif. Qui ferait médiatiquement bonne figure, tout en maugréant à voix basse contre cet allié encombrant.
Sans emprunter les arcanes politiciennes, il serait en effet naïf de penser que cette irruption du groupe Philippe dans l’Assemblée nationale serait propice à réjouissances et accueil chaleureux sur les bancs macronistes ou le camp Bayrou. Tels seraient contraints de composer. L’autre verrait son étoile pâlir au risque de chuter de son piédestal et de jouer les utilités. Si le Château le lui permet. Car, pragmatisme aidant et rapport de force oblige, rien n’interdit d’imaginer un renversement d’alliances au bénéfice de celui qui occupa Matignon.
Fiction et spéculations ? Nullement. Si l’on daigne s’extirper de l’écume des choses, il convient de dire qu’entre les équipes de Macron et celles de Philippe ne se jouera pas une sorte d’embrassons-nous Folleville. Tant s’en faut. Même s’il ne le clame pas sous tous les toits, l’Homme du Havre n’a pas digéré le coup de Jarnac jupitérien lors de la constitution de sa mouvance. Veto élyséen de fusion avec la formation baptisée « Agir » et dirigée par le ministre du Commerce Franck Riester. Un courant né sur les cendres juppéistes, dont la philosophie et l’action étaient alors partagées par Édouard Philippe. À cela s’ajoutent pour faire bonne mesure, les tentatives discrètes mais pugnaces de dresser des obstacles et empêcher les ralliements, sur le chemin des fonds baptismaux d’une force tout à la fois alliée officielle et concurrente feutrée. Des anicroches que celui qui s’affiche en monsieur loyal fait mine d’oublier. Tout en affirmant au détour d’une conversation qu’il ne voulait pas qu’on « l’emmerde », reprenant en fausse coïncidence l’expression présidentielle. Et d’ajouter un brin sarcastique en parodiant Alexandre Dumas : « Offenser le roi, moi jamais. » Comme on dit chez nous se non è veru è ben’ dettu.
Refus du sectarisme
Quelles que soient les digressions et autres interprétations l’après-Macron est prégnant dans les esprits. Sauf à imaginer que l’avènement d’un parti est dévolu à s’enfermer dans une tour d’ivoire, le combat se profile déjà. Il revêt plusieurs formes, conjuguant rendez-vous électoraux, mais aussi et peut-être surtout la vulgarisation et l’amplification d’un discours et d’une méthode. Cela tient en peu de mots sous forme de slogan explicite « Voir loin pour faire bien. »
Une offre politique qui se veut pour les initiateurs fondée sur l’ouverture et le refus du sectarisme. Dans cette logique est affirmée sans fards le dépassement des clivages artificiels et au rassemblement des bonnes volontés au service du pays. Dans le respect des différences et des sensibilités.
Un concept qui agrée, sans l’esquisse de l’ombre d’un doute, Laurent Marcangeli. Il fut l’un des premiers édiles à adhérer. Sans se préoccuper des plausibles turbulences au sein de la droite traditionnelle insulaire. Certains caciques campent dans une attitude de reproche. D’autres, à l’image d’Ange Santini, ne décèlent pas de quoi fouetter un chat. Ils ne sont pas loin de penser que cette décision relève d’une logique, tant les vues et prospectives convergent entre l’élu de la cité impériale et celles que théorise son ami Édouard.
Il croit dur comme fer que la Corse a besoin, pour éclairer son particularisme, de s’adosser à une certaine idée de la France. Sans verser dans l’énumération à la Prévert citons la mise en exergue d’une stratégie méditerranéenne, mais aussi un rôle de sentinelle et un relais pour éclairer, avec toute l’acuité nécessaire, sur la situation de notre île ceux qui sont appelés aux plus hautes fonctions. Cela suggère d’emblée un regard et une perception, fruits de la réalité, qui seront sinon antagonistes à tout le moins différentes de celles qui prévalurent au temps de l’UMP.
Antagonismes obsolètes
Voilà qui met sous l’éteignoir des sujets jusqu’alors tabous dans le camp libéral. Et n’exclut nullement dans le canevas pragmatique de Laurent Marcangeli une réflexion sur l’autonomie. Cela n’est pas dans son cheminement intellectuel une concession à l’air du temps. Mais un questionnement logique et un examen réaliste sur ce qui se passe sous d’autres cieux. Cependant, en corollaire d’un concept il souhaite une définition claire et pertinente des éventuels contours et du contenu qu’il conviendra de donner à l’éventuelle avancée institutionnelle. Bref, une explication de texte qui ne se satisfasse nullement d’un slogan, fut-il revendicatif. Mais explicite clairement à quoi il se réfère. Inclura-t-il par exemple la santé, les transports ou encore de la fiscalité ? Autant de sujets qui impliquent une clarification en préalable à une prise de décision.
Du factuel au général, ce qui prévaut dans l’approche des problématiques s’insère et s’articule dans une volonté de dépoussiérer la politique. En finir avec les antagonismes et postures qui fracturent parfois artificiellement le champ des idées. L’invective et les petites phrases tenant trop souvent lieu de programme. Pour le maire d’Ajaccio cette pratique est obsolète. D’autant qu’elle obère singulièrement l’intérêt général au profit de logiques partisanes qui font le lit des extrêmes.
À cet égard, nulle compromission n’est de mise « j’ai davantage d’affinités avec la social-démocratie qu’avec Marine Le Pen, Éric Zemmour ou Mélenchon ». Cela signifie-t-il une parenté avec le gaullisme qui tenait les partis, essentiellement avides de pouvoir, en piètre estime ? Vraisemblablement. Même si l’eau depuis coula sous les ponts de l’histoire. Mais si l’actuelle période ne permet pas de dupliquer le passé, rien n’interdit de s’y référer pour faire œuvre de renouveau.
Dépasser les fragmentations, fédérer les bonnes volontés. Redonner ses lettres de noblesse à une classe politique quelque peu engoncée dans de vaines certitudes. Telle est la volonté d’Horizons. Dans une forme de ruissellement, elle rejaillira en Corse sous l’aspect d’un centre-droit qui permettra l’avènement d’un pôle progressiste. En opposition frontale avec les populismes de tous bords.
Pierre angulaire
L’objectif, ailleurs comme ici, est affiché. Il a pour ambition d’en finir avec les vieilles lunes.
Dans une sorte de grand bond en avant, ou de révolution de velours, il s’agit d’installer de développer puis de pérenniser une approche qui allie traditions et modernité. Localement cela se traduisit d’emblée par l’installation des premiers délégués des comités municipaux. Antoine Maestrali pour Ajaccio, Marie Riolacci et Nicolas Albertini respectivement à Bastia et L’Île-Rousse. D’autres sont sur le point d’être officialisés.
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