À l’occasion de l’assemblée générale de la Confédération des petites et moyennes entreprises, la question lancinante du dialogue avec l’État était à l’ordre du jour. Elle a été longuement débattue et force est de constater que malheureusement on arrive toujours aux mêmes constatations.
Par Jean -André Miniconi, président de la CPME-Corsica
Au risque de me répéter, la reconnaissance des spécificités de l’île en matière économique ne semble pas encore être admise par l’administration. Pourtant si l’on suit l’actualité, il n’y a pas une semaine où un chiffre ou un reportage ne fait pas état de la situation particulière dans laquelle se trouve la Corse. Ainsi rien que pour le mois de mars : trois publications devraient alerter les pouvoirs publics sur l’urgence de la situation à traiter.
En premier lieu, l’Ordre des experts-comptables vient de publier son baromètre. La Corse est la région la plus touchée avec une baisse du chiffre d’affaires de 14,1% des TPE et des PME contre 8,4% pour la moyenne des régions soit un écart de 68%. En économie, une différence de cette importance est abyssale. Et que dire alors, de l’écart qui nous sépare d’une autre région insulaire, La Réunion qui n’a vu son chiffre d’affaires baissé que de 4,7%. Ce qui est important dans ce baromètre, c’est qu’il donne la tendance des futurs bilans qui sortiront au mois de mai. Certes des secteurs s’en sortent mieux que d’autres, le BTP par exemple, mais les secteurs très impactés, comme l’hôtellerie, la restauration ou les locations de véhicules ayant perdu jusqu’à 60% du CA pour certains, sont déjà en grande difficulté.
Le deuxième exemple est le taux de chômage longue durée en Corse qui progresse bien plus vite que la moyenne. À fin février, la Corse comptait 8 240 demandeurs d’emplois de longue durée, soit 1 830 personnes de plus sur une année. La progression est affolante, +29% contre +13% pour la moyenne nationale. La situation va encore empirer, car les entreprises n’embaucheront pas avant le mois de mai, et jamais dans les proportions de 2019.
La force de l’inertie
Il faut dire que l’État met du temps à répondre aux demandes des professionnels concernant la prise en charge des saisonniers par le dispositif de chômage partiel en cas de sous-activité en début de saison. En l’absence de réponse, la prudence est de mise. Par ailleurs, le projet de réforme de l’assurance chômage va encore contribuer à appauvrir notre économie et augmenter les disparités de revenus. Les premières simulations font état d’une baisse jusqu’à 250 euros par mois de l’indemnité de chômage. La réforme se voudrait vertueuse et encourager la reprise du travail rapidement. Encore faut-il qu’il y en ait !
Le troisième point est récurent. Il témoigne bien des difficultés de l’État à inverser le cours des choses, dont il est en grande partie responsable. Une note Insee (flash n°70 du 23/03/21) confirme que la Corse est très largement décrochée en matière de recherche et de développement. Après analyse, on note une réelle carence en matière d’investissements publics. Par exemple, il n’y a pas de Centre hospitalier universitaire en Corse. C’est la seule région de France à en être dépourvu. Or, sa création pourrait être chez nous le premier jalon pour installer durablement des unités de recherches médicales publiques ou privées. Notons au passage, que le ministre de la Santé a annoncé la création d’ici 2025 d’un CHRU en Guyane. Cette réflexion est d’autant plus urgente à mener que la crise Covid-19 a révélé les insuffisances des installations médicales, principalement en matière de lits de réanimation.
Ainsi, alors qu’une nouvelle saison est sur le point de commencer sur fonds de couvre-feu ou de confinement pour bon nombre de régions, le dialogue avec l’État se révèle pour l’instant peu productif.
Saisissants contrastes
Et pourtant il faudra bien aborder les problèmes qui fâchent : par exemple, comment payer la dette Urssaf dont les premiers échéanciers arrivent sur les bureaux des chefs d’entreprise ? Quid des conditions de remboursement des PGE ? Combien de temps va-t-on encore bénéficier des conditions spécifiques de prise en charge du chômage partiel ? Pourquoi n’y a-t-il pas de contractualisations des aides avec la CDC ?
Cette lenteur à traiter la situation économique, contraste avec la réelle volonté du préfet de Corse pour distribuer les fonds du Plan de transformation et d’investissement pour la Corse. Je comprends que l’on soit pris par le temps pour inscrire des projets éligibles à ce PTIC. Cependant, 500 millions ne se trouvent pas sous les sabots d’un cheval et il serait dommage, comme cela l’a souvent été, de gaspiller littéralement des fonds publics dans des projets qui n’apporteraient pas véritablement de plus-value à la Corse ou un réel service à ses habitants. En deux coups de cuiller à pot, 109 projets ont été retenus avec une très forte focalisation à Ajaccio et Porto-Vecchio.
L’heure n’est pas à la polémique en critiquant tel ou tel projet. Nous espérons seulement que les grandes priorités ne passent pas à la trappe. Je rappelle seulement que les problèmes de transports intérieurs n’ont jamais été résolus et qu’il faut toujours autant de temps pour relier les deux principales villes de l’île entre elles alors que sur le continent les temps de trajets ont fondu avec l’avènement du TGV.
Changer de cap
Nous pensons que le PTIC doit être le moteur d’un véritable développement durable et non pas la continuité d’une économie à bout de souffle incapable de se renouveler faisant la part belle au BTP ou au tourisme de masse.
Cependant, pour qu’il y ait un véritable plan de transformation qui soit mis en œuvre, il faut qu’il y ait également transformation des esprits et de la manière de gérer aussi bien au niveau local que de l’État. Mais ceci est une autre histoire, nous y reviendrons ultérieurement.
Pour l’instant, ce qui compte c’est de préparer la saison. Et pour ce faire, on a besoin de consensus, pas de pulitichella.
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