L’EUROPE UNE IDÉE AU-DELÀ DE L’OCCIDENT

TOUT LE MONDE CONNAÎT LA FORMULE DU GÉNÉRAL DE GAULLE QUI AFFIRMAIT:
«AVOIR UNE CERTAINE IDÉE DE LA FRANCE». CETTE PHRASE NE SIGNIFIE PAS SIMPLEMENT QUE CET HOMME D’ÉTAT SE FAISAIT UNE IDÉE DE CE QU’ÉTAIT SON PAYS; ELLE DIT BEAUCOUP PLUS ET DÉCLARE QUE LA FRANCE EST «UNE IDÉE».

Par Michel Barat, ancien recteur de l’Académie de Corse

On pourrait en l’occurrence dire une idée non seulement intellectuelle mais encore spirituelle, celle qui en ferait «sa grandeur». C’est ce qui lui permit de proclamer que La France était avec lui à Londres et n’était absolument pas avec « l’État Français » à Vichy. À Vichy, elle était devenue le nom d’un état rabougri sur tous les plans, à Londres elle gardait sa puissance spirituelle. Il en va de même pour l’Europe: elle est d’abord une idée, idée intellectuelle et spirituelle avant d’être un continent géographique ou une union politique et économique. D’ailleurs Europe, la déesse n’est pas née sur le sol du continent européen mais sur celui de ce qu’est le Liban d’aujourd’hui. Europe est une princesse phénicienne, fille du roi de Tyr, séduite par Zeus qui lui apparut sous la forme d’un splendide taureau blanc et l’enleva en Crète pour la violer. Ce mythe pourrait indiquer le passage de l’ère de la déesse mère à une ère masculine, celle du roi de l’Olympe. Mythologiquement Europe serait donc d’abord une forme de la déesse mère universelle. C’est donc dans son mythe fondateur, dans son inconscient, son histoire et sa culture que l’Europe se présente comme l’initiatrice de l’universalité, ce que le monde interprète souvent comme une générosité intellectuelle mais aussi plus souvent encore comme une arrogance, comme celle du colonialisme.

LA VISION DE POUTINE

La critique d’arrogance devenant impérialisme n’est pas fausse, loin de là, les attitudes britanniques et françaises dans leurs anciennes colonies ont généré ce ressentiment. Et pourtant les USA ne sont qu’un appendice de l’Europe, appendice devenu le principal organe de l’Occident par son origine européenne, celles d’immigrants qui créent une nouvelle Europe, un nouveau monde dira-t-on tant on a assimilé le monde à l’Europe. Aujourd’hui l’Europe n’est plus le monde: le Commonwealth s’est émancipé de la couronne britannique et la Communauté française créée avec la décolonisation à l’image du Commonwealth n’a pas connu la réussite. Le Président russe dans ses discours mais aussi dans sa politique voit dans l’Occident, c’est-à-dire l’Europe élargie, la décadence d’un monde fini. Il appelle ainsi de ses vœux un changement de l’ordre mondial au profit d’une coalition russo- asiatique. Le désir ukrainien d’adhérer à l’Union européenne voire de rejoindre l’OTAN est pour lui si insupportable qu’il s’est décidé à envahir un pays dont il nie l’existence. Même si la Russie a toujours hésité entre europhilie et slavophilie, son Président s’est lourdement trompé car sa folle décision a resserré les liens d’une Union européenne devant toujours surmonter ses divisions et a réveillé l’« encéphalogramme plat de l’OTAN» pour reprendre une ancienne expression du président de la République.

CRITIQUE RADICALE

Ce dernier réveil avec le souhait de la Finlande et de la Suède de rejoindre l’Alliance atlantique montre bien qu’Occidental signifie bien en un sens européen. Cet européanisme et cet occidentalisme sont non seulement contestés par les pays qui les considèrent comme un impérialisme mais sont aujourd’hui aux prises aux coups de ce qu’on appelle le «wokisme et la «cancel culture», cette idéologie qui veut balayer tout au nom du droit des particularismes sur le plan géopolitique et au nom de ceux de l’individualisme

sur le plan intérieur des sociétés occidentales. Il faut souligner que cette critique radicale, parfois justifiée à plusieurs titres, ce désir d’annulation, de révolution culturelle auraient dit naguère les vieux maoïstes, a été engendrée par la culture européenne devenue occidentale. En remettant en cause sa propre culture l’Europe et l’Occident à sa suite dénoncent tout autant qu’ils révèlent leur histoire hégémonique.

VOLONTÉ D’UNIVERSALISME

S’il est nécessaire de renoncer à l’arrogance tant culturelle que politique, il ne l’est nullement de renoncer à la volonté d’universalisme, cette idée européenne puis occidentale devenue cosmopolite.Un tel renoncement serait un retour à la barbarie et à la guerre.

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