Après plus d’un an de contestations, de manifestations quasi hebdomadaires, Emmanuel Macron se voit reprocher son autoritarisme par une gauche qui cherche à retrouver prise dans l’opinion.
Par Vincent de Bernardi
La première salve est venue de Ségolène Royal, démise de ses fonctions d’ambassadeur des pôles, après les propos du chef de l’État fustigeant les discours politiques de l’opposition qui justifient la violence. Si elle sonne davantage comme une vengeance au parfum d’aigreur, elle a fait mouche dans un contexte où les stratégies politiques s’aiguisent à l’approche du scrutin présidentielle de 2022. Jean-Luc Mélenchon y a vu une occasion de légitimer les actions radicales face à un pouvoir jugé brutal et sourd aux revendications de la rue. « On est dans un régime autoritaire. Qu’est-ce que c’est un régime autoritaire ? C’est un pouvoir qui n’écoute pas. Qui n’en fait qu’à sa tête. Qui assiste à la souffrance des citoyens sans réagir. » En attaquant le président de la République sur ce terrain, elle cherche à renouer avec ce qui a fait l’identité de la gauche. Si ce discours peut s’entendre sur un plan de philosophie politique, il n’est pas sûr que l’opinion l’entende.
Dans une enquête de l’Ifop publiée il y a un an, quatre Français sur dix se disaient prêts à confier la direction du pays à un « pouvoir politique autoritaire » pour le réformer en profondeur. Ceux qui partageaient cette idée affichaient majoritairement une proximité partisane avec Les Républicains (55%) et le Rassemblement national (52%). Et près de 6 Français sur dix (59%) n’étaient pas opposés à l’idée de confier la direction du pays à « des experts non élus » pour mener les réformes nécessaires.
Confiance en fuite
Par ces attaques, les leaders de gauche oublient que la victoire d’Emmanuel Macron en 2017 a été favorisée par un profond courant de critiques de la démocratie politique telle qu’elle fonctionne, souligne le politologue Pascal Perrineau. Si la victoire d’Emmanuel Macron a contribué à améliorer la perception du système démocratique, le retour de la confiance est loin d’être au rendez-vous. Il bat des records d’impopularité et l’opinion ne s’est pas améliorée sur le fonctionnement de la démocratie. Pourtant, par sa posture jupitérienne, il incarne cette attente d’autorité. Dans la plupart des enquêtes, les Français soulignent, en positif comme en négatif, les traits d’image du « chef ».
Pour autant, cette demande « d’un vrai chef », demeure sans réponse aux yeux des Français. C’est ce que Mathieu Chaigne de l’institut BVA explique par un « furieux sentiment d’impuissance ». Impuissance face à la désindustrialisation, à la mondialisation, à la concurrence déloyale, et à une Europe technocratique. Impuissance face aux défis démographiques et la pression migratoire que le gouvernement semble incapable de contrôler. Impuissance enfin, face à une délinquance protéiforme et une violence qui gagne toutes les couches de la société.
Détresse et radicalité
Et Mathieu Chaigne de souligner qu’un an après le début du mouvement des « gilets jaunes », près d’un Français sur deux, selon les enquêtes, continue à le soutenir. « Comme si la radicalité s’imposait tel un mal nécessaire aux yeux de catégories opprimées et ce faisant unies malgré leurs différences. » Le soutien aux grévistes qui s’opposent à la réforme des retraites, procède du même mécanisme. Peu importe les coupures sauvages d’électricité, les stations de métros fermées, les trains arrêtés, ils incarnent le dernier rempart au démantèlement du modèle français de protection sociale.
Ce durcissement, que certains pourront qualifier de « jusqu’au-boutisme », ébranle la démocratie elle-même. En témoigne l’exercice du grand débat qui a accentué les doutes sur l’efficacité de la démocratie représentative sans rien résoudre des crises du pays, de la détresse des oubliés du système.
Boîte de Pandore
Président qualifié d’autoritaire mais impuissant, une posture d’autorité toujours un brin « jupitérienne » mais sans résultats tangibles, Emmanuel Macron ne répond pas à l’équation qui sera vraisemblablement celle de 2022. Il ouvre un espace politique à ceux qui promettront la sécurité, la fierté de retrouver la maîtrise du destin national au mépris des libertés. Le risque est là.
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